Amougou Belinga en prison : 'la victoire des riches sur les pauvres'

il a lui aussi donné son opinion sur l’affaire en cours

Sun, 5 Mar 2023 Source: Calvin Djouari

Selon l’écrivain Calvin Djouari, l’inculpation d’Amougou Belinga est une victoire des riches sur les pauvres. Comme plusieurs personnes, il a lui aussi donné son opinion sur l’affaire en cours. Et il a exposé son point de vue en plusieurs aspects distincts.



Après plusieurs mois d’enquête et d’hésitations, le « Docteur »Amougou Belinga a été placé sous mandat de dépôt, dit-on pour complicité d’assassinat en compagnie de certains membres du commando impliqués dans cette affaire. Personnellement, je n’en reviens pas. Je sais d’expérience pour avoir étudié la criminologie, qu’à quelques rares exceptions près, que certains hommes au cours de leur vie peuvent être amenés à tuer, mais une seule fois, en cas de légitime défense, c’est-à-dire que l’homme en quelques circonstances que ce soit, est appelé à neutraliser son adversaire qui fait une attaque illégitime.

L’attaque étant la négation du droit ; et la défense, la négation de cette négation ; parce que l’homme poussé par son instinct de conservation doit commettre un crime légitime pour repousser une agression. Ici, je suis dépassé. Parce qu’il s’agit à première vue, d’un crime stupide, fait par snobisme. Était-ce une affirmation de soi ? On se pose la question. Si c’est vraiment cet homme qui est arrivé à ce point, il est alors comme disait Crépin Nyamsi, le criminel le plus idiot de la planète. Ou alors s’il ne l’est pas, c’est peut-être parce qu’il croyait que rien ne lui arriverait à cause de ses ailes de grandeurs.

Il est une chose à noter dans cette procédure, je me rends compte, avec une foule d’éléments assez inquiétants, qu’il existe déjà en Afrique une race de criminel qu’on trouvait autrefois dans les grands pays comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie. Ceux qu’on appelle les psychopathes, les barbares, les dépravés et tortionnaires ; ces hommes qui ont besoin de tuer en série pour être à l’aise dans la journée et qui utilisent presque toujours le même scénario, les mêmes outils et les mêmes armes.

Pour arrêter ce genre de criminels, cela nécessite une longue et patiente enquête de la part de la police, de la gendarmerie, appelée à constituer un puzzle irrécusable, à partir d’indices tangibles. Ce qui jusqu’à présent n’a pas été élucidé de façon claire.

Amougou Belinga déféré pour complicité, c’est tout ce qu’on sait pour l’instant, pourtant les faits dans cette affaire sont terrifiants, un coup de poignard dans le dos des Camerounais. Il va de soi que Jp Remy NGONO et Guy Zogo entrent dans l’histoire du journalisme camerounais comme des hommes ayant rendu - d’une manière ou d’une autre - service à leur pays. Ils ont montré une véritable leçon d’investigation devant une cours d’art dramatique. Il devient évident qu’ils doivent se concentrer sur la suite. Car il y a encore du chemin dans cette affaire.

Si Remy n’avait eu le courage de dénoncer, on serait tombé dans cette habitude qu’ont les institutions à camoufler les crimes odieux. On observe dans notre pays l’émergence des Apaches, où vivent des fripouilles commanditaires, conspirateurs et qui assouvissent comme ils veulent leurs désirs tant souhaités. La déliquescence totale de la belle nation camerounaise est visible de loin. Rien ne pouvait justifier de laisser passer un tel crime que je qualifierai d’infrahumaine. Ce serait une fois de plus la déchéance de notre beau visage si aimé dans le monde. Complicité ou pas complicité, ce monsieur a été déféré. C’est le plus important. Il aura pris un grand coup dans sa vie ; condamné ou pas condamné, il portera sur son dos comme une carapace, l’image déshonorant d’un homme qui est descendu du piédestal comme un vulgaire délinquant. Le modèle lugubre de ces hommes puissants, riches de combinaisons ténébreuses, qui masquent leur vrai visage. Nous sommes dans la plus sordide histoire en ce début d’année ; une monstrueuse cagoule qui dénote l’état de pourrissement de nos consciences enrôlées dans des putréfactions nauséeuses.

Je retiens une chose, ce crime a révélé à plusieurs niveaux des hommes insignifiants dans notre société. Des paltoquets, misérabilistes qui soutiennent des criminels pour espérer des assistances ponctuelles. La maladie des Camerounais. L’argent. Toujours indignes devant l’argent. Il faut remercier le président Paul Biya de s’être mis aux côtés des plus pauvres pour cette fois. Ce crime est l’émanation de cette bête féroce et populeuse qui gangrène notre pays. Ce pays doit être nettoyé, il y a toujours des hommes à visage multiple, qui agissent en bandes organisées et qui sont dans toute sorte de blanchiment. L’incarcération d’Amougou Belinga est la victoire des pauvres sur les riches. Ainsi soit-il.

Je suis conscient de l’émotion qui étreint les Camerounais, c’est compréhensible, parce que le peuple a l’impression qu’une partie de son âme se brûlait.

L’écriture s’est toujours imposée à moi chaque fois qu’il fallait relater les faits de mon pays. Il y a des situations où on ne peut plus se taire comme des lâches qui ont peur de leur petite position. Aucun écrivain, aucun artiste ne doit rester silencieux face aux souffrances des hommes. Garder silence, c’est se rendre complice de l’inacceptable. Il y a des voix qu’on entend régulièrement dans les télés et radios qui ont été incapables de s’élever pour dénoncer ce crime crapuleux. Certains ont même voulu l’étouffer. De toute façon, on attend ce qu’il adviendra de la justice militaire dans l’affaire Amougou Belinga, sur le prisonnier riche qu’il est devenu et qu’il sortirait peut-être un jour, aussi fou qu’il était né.

Auteur: Calvin Djouari