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Au Cameroun, la justice dépend du Prince - Me Charles Tchoungang

Charles Tchoungang Me Charles Tchoungang, ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats

Sat, 9 Jul 2016 Source: cameroon-info.net

Le célèbre avocat Charles Tchoungang a été invité par nos confrères de Radio Équinoxe, émettant depuis Douala, à partager sa réaction à la suite du décret présidentiel qui a ordonné le lundi 4 juillet 2016, la libération de Maitre Lydienne Eyoum. Cette avocate française d’origine camerounaise purgeait une peine de 25 ans à la prison de Kondengui à Yaoundé pour un détournement de derniers publics.

D’entrée de jeu, l’ex-bâtonnier a fait savoir qu’il était heureux de la libération de sa consœur, et d’ajouter qu’il n’a pas été surpris par la décision du Président de la République. Mais, comme tout laisse croire que Paul Biya a cédé à une pression de son homologue français François Hollande, Charles Tchoungang s’interroge sur la contrepartie dont bénéficie son pays le Cameroun.

«Incontestablement les relations diplomatiques entre la France et le Cameroun, caractérisées par la récente visite du Chef de l’Etat français à Yaoundé a pesé sur la décision prise par le président Paul Biya. Quelles peuvent être les implications politiques et juridiques d’une telle décision ? La première implication politique, c’est qu’il y a un renforcement des relations entre le Cameroun et la France, incontestablement. Maintenant la question que je me pose, c’est qu’elles en sont les contreparties pour notre pays», s’interroge Charles Tchoungang, avant de conclure que la grâce présidentielle résonne comme un claque à la justice camerounaise qui serait mise aux ordres par le président de la République.

«Sur le plan strictement juridique, nous observons que, de plus en plus, l’exécutif n’est pas en accord avec la justice camerounaise lorsqu’elle rend ses décisions. Et c’est ce que je ne cesse de décrier, j’observe que la justice au Cameroun n’est pas dite par le juge, elle est dite par le Prince (Paul Biya, NDLR). Et la question du sort du Tribunal criminel spécial se pose. Le contentieux qui a opposé ma consœur à l’État du Cameroun, n’aurait jamais dû aboutir au Tribunal puisqu’il s’agit au départ d’une banale question d’honoraire d’avocat non arrêté.

Ensuite, l’on observe que les décisions rendues pas les juges ont eu pour conséquence d’aggraver le sort de notre consœur au niveau du Tribunal criminel spécial et de la Cour suprême. On se rend compte que ces juges ont été désavoués pas le Prince. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelle crédibilité pouvons-nous attacher aujourd’hui aux décisions rendues pas nos juges.

Nous notons simplement que les décisions en matière pénale, notamment en matière de détournement de deniers publics, sont souvent le reflet de la politique pénale criminelle décidée, organisée et mise en œuvre par la Chancellerie. Je conclus au vu de tout ceci qu’au Cameroun, la justice ne dépend plus des juges, mais elle dépend plutôt du Prince».

Auteur: cameroon-info.net