Bello, Tchiroma, Akere et Kamto: voici les ingrédients d'une soupe que Biya ne pourra digérer

PaulBiya Applaudissements Biya ne peut pas digérer la coalition Bello, Tchiroma Kamto et Akere

Sat, 13 Sep 2025 Source: Jean-Pierre Bekolo

Depuis quelques jours, la politique camerounaise, longtemps figée dans l’immobilisme, s’anime enfin. Ce frémissement trouve son origine dans ce que l’on peut appeler une accélération de la vie politique, amorcée par la démission de deux figures longtemps perçues comme des piliers du système : Bello Bouba Maigari et Issa Tchiroma Bakary. Cet acte n’est pas isolé. Il traduit la pression exercée par les populations du Nord, qui leur ont clairement signifié : « si vous restez encore avec ceux de Yaoundé, nous ne serons plus avec vous ». Une rupture nette, qui sonne comme une volonté d’en découdre avec la misère — une dynamique comparable à celle amorcée par les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dans leur confrontation avec le régime, pour des revendications différentes.

Cette recomposition s’inscrit dans une séquence où le Conseil constitutionnel, en éliminant Maurice Kamto de la course, a rebattu les cartes. Son exclusion a ouvert la voie à un nouveau récit : celui de l’opposition unie qui, au-delà des ambitions individuelles, veut transformer l’élection à venir en un référendum contre le régime de Paul Biya.

Pour la première fois depuis longtemps, les opposants ne se limitent plus aux invectives et aux querelles personnelles. Ils envisagent la possibilité d’une coalition où chacun apporterait une valeur ajoutée : Bello Bouba, interlocuteur privilégié du système, capable d’obtenir ce qu’aucun autre opposant ne pourrait arracher ; Issa Tchiroma, tribun énergique et mobilisateur, prêt à contester une fraude éventuelle ; Akere Muna, l’homme du réseau international, à même de plaider la cause du Cameroun sur la scène mondiale ; Maurice Kamto, incarnation vivante des limites d’un système verrouillé et non démocratique, mais aussi catalyseur d’une mobilisation massive dans le grand Sud.

Ce souffle nouveau n’est pas seulement porté par les acteurs politiques. Il s’alimente aussi de l’entrée en scène de la société civile, avec des collectifs d’intellectuels qui ont osé demander au président Biya de ne pas se représenter. Désormais, universitaires, journalistes, artistes et citoyens s’invitent à la conversation et rencontrent directement les candidats et pèsent sur les choix. En revanche, les administratifs, eux, restent figés, silencieux, réduits au rôle de spectateurs passifs.

Cette évolution marque un tournant : la fin des discours brutaux et stériles, l’émergence d’une nouvelle manière non seulement de faire la politique, mais aussi de la vivre. Mais ce mouvement ne pourra s’amplifier que si ceux qui se sont volontairement tenus à l’écart — ou qui ont été réduits au silence par “devoir de réserve” — décident de s’impliquer.

Car il y a urgence à briser une habitude dangereuse : ce que j’appelle le « singularisme ». Cette attitude consiste à n’attendre du pays qu’un bénéfice individuel — le salaire en fin de mois, le petit avantage personnel — tout en laissant aux autres le soin de porter les luttes collectives. Dans ce modèle, chacun suit son propre “dossier” au ministère et se désolidarise des combats communs. C’est le règne du « moi seul », du confort égoïste et ingrat.

À l’inverse, nous devons réhabiliter le « solidarisme » : la conviction que le Cameroun, c’est nous. Dans nos traditions, il n’existe pas de décision concernant le village sans la convocation de tous. Chez les Béti, cela prend la forme de l’essòg, espace de démocratie participative où chacun a voix au chapitre. Il est temps d’inventer ses équivalents modernes, pour que chaque Camerounais se sente comptable du destin de la cité.

Car la politique, au fond, n’est rien d’autre que la gestion collective des affaires communes. Et comment comprendre que nous envoyions nos enfants à l’école dans une cité que nous avons abandonnée à ceux dont nous savons l’incapacité ? Attendre qu’un petit groupe d’opposants porte seul le fardeau du changement est une abdication. Le changement du Cameroun n’est pas l’affaire des seuls opposants : il est la responsabilité de chacun.

Nous devons donc transformer la politique en une culture citoyenne de participation. Non pas seulement une utilité, mais une habitude, un réflexe, une manière de faire la politique ensemble. C’est de cette manière seulement que nous obtiendrons le changement pour le bien de tous dans notre pays que nous devons réinventer cette année.

Auteur: Jean-Pierre Bekolo