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Biya, je ne veux pas de ton ordinateur

Paul Biya Smile Paul Biya, président de la République du Cameroun

Mon, 1 Aug 2016 Source: camer.be

Le mercredi 27 juillet 2016 vers 14 heures, le ministre de l’enseignement supérieur était en train de se filmer avec un ordinateur portable. Apparemment, il paraît que son créateur lui a demandé de distribuer 500 000 ordinateurs à tous les étudiants qu’il y a ici au Cameroun. Vous m’entendez bien ? Cinq cent mille ordinateurs ! Donc c’est comme ça que nos dirigeants conçoivent ce qu’on appelle le développement ? QUI EST ÉTUDIANT ? Je ne veux même pas rentrer dans les détails. Mais la première chose qui montre que cette « donation » est l’une des plus stupidissimes de l’histoire, c’est que personne parmi vous n’est capable de me définir un étudiant… Je m’explique.

Si j’ai un matricule à Ngoa-Ekellé (Yaoundé), et que chaque week-end soir on me retrouve dans les cabarets de Bonamoussadi (Douala), vous allez me dire que je suis un étudiant d’où ? Autre exemple : si tu arrives dans une cité universitaire qui est normalement censée accueillir les nouveaux bacheliers, tu vas faire comment pour chasser les pères de familles qui occupent ces chambres-là depuis la chute du Mur de Berlin ? Hein ? Ce sont encore des étudiants ? Et puis sans vouloir vraiment rentrer dans les détails, nous tous on sait qu’il y a des gars ici qui s’inscrivent à la Fac uniquement pour pouvoir draguer les nouvelles étudiantes. Hein ? Ils appellent ces filles-là « l’Arrivage »…

L’ORDINATEUR NE RÉSOUT AUCUN PROBLÈME Je ne sais pas ce qui est passé dans la tête de Paul Biya ; mais si quelqu’un me reçoit, pardon : allez lui dire que ses ordinateurs ne vont résoudre aucun problème ! Moi je me dis que comme il est vieux et comme il ne connaît rien dans les nouvelles technologies (il connaissait d’abord les anciennes ?), lui il pense que quand tu achètes un ordinateur, tu deviens subitement un développeur… Tsuip !

Paul Biya, j’aurai préféré que tu nous formasses 500 ingénieurs en technologies du numérique, au lieu de nous donner du poisson sans nous montrer comment on pêche. J’aurai préféré que tu offrisses à chacune de nos universités publiques et privées, un centre multimédia et une bibliothèque de haut vol. Tu aurais pu subventionner aussi les polytechniciens et nos laboratoires de recherche, et je te jure que les Camerounais allaient te féliciter…

J’aurai préféré, monsieur Paul Biya, que vous attribuassiez de véritables bourses aux étudiants les plus méritants. Parce que quand un Chef de l’État se permet de distribuer des gadgets à tout le monde sans distinction (même aux cancres), je me dis que vous tuez la compétition sans vous en rendre compte. Vous favorisez le laxisme et la médiocratie. Et je vais vous dire, ce sont exactement ces choses qui ont assassiné le Cameroun. ÇA COÛTE TROP CHER Même s’il fallait donner cinq cent mille ordinateurs à tous les étudiants qu’il y a ici au Cameroun, est-ce que ça devait coûter aussi cher ? Hein, mon père ! Est-ce que c’est normal de dépenser gaspiller 72 milliards (75 milliards avec les frais) dans un pays où les gens n’arrivent même pas à se nourrir ni à se soigner correctement ? Hein ? Le drame c’est que cet argent a été emprunté ! Comment est-ce que tu peux endetter les Camerounais sur vingt ans, pour faire une action qui est totalement superfétatoire ?

Et le pire c’est que cet argent n’est même pas enregistré dans une dynamique de productivité. Vous vous rendez compte ? Non seulement ça tue nos boutiques d’informatique qui croupissent déjà sur des impositions de plus en plus imposantes, mais en plus ça prouve à quel point les Camerounais sont des éternels consommateurs. Parce que si c’était moi hein, je vous dis vrai : j’allais enrichir les Camerounais au lieu d’aller enrichir Sichuan Telecom Construction Engineering Co. Ltd les Chinois.

J’allais faire monter ces ordinateurs par une société du terroir, et celle-ci emploierait une main d’œuvre 100 % camerounaise. Bref, j’allais faire ce que tous les présidents du monde qui aiment leur pays font : créer de la richesse. C’EST UN GESTE POLITIQUE DÉMAGOGIQUE Politique ou pas politique, je m’en fous ! Démagogique ou pas démagogique, je me fiche des calculs électoraux de notre président. Je sais que pour lui ce qui compte ce n’est pas de gouverner, mais c’est de perdurer ! Je sais que quand il annonce un acte aussi ponctuel que celui-là, lui il pense déjà à 2018.

Je sais que lui il a un temps avec un T majuscule, le genre de temps qu’il ne faut pas regarder avec la montre des Camerounais. Je sais que cet enfumage s’inscrit dans la même logique que les 25 000 fonctionnaires improductifs emplois qu’il avait créés. Je sais qu’il a déjà oublié qu’il y a quelques temps (avec un t minuscule) il nous avait vanté l’agriculture, mais au lieu de nous donner les machettes le-voilà qui vient nous tympaniser avec ses foutus ordinateurs… PAUL BIYA, LES CAMEROUNAIS NE VEULENT PAS DE TES ORDINATEURS ! Donc comme je vous raconte, Jacques Fame Ndongo s’est filmé avec un ordinateur devant les journalistes. Il était vraiment très souriant, puisque c’est son créateur qui l’avait envoyé. N’est-ce pas c’est comme ça que les gens-là conçoivent l’émergence de 2035 ? Paul Biya, je ne veux pas de ton laptop ! Tu crois que les Camerounais t’ont attendu avant d’aller s’acheter leurs propres micro-ordinateurs ?

Paul Biya, je ne prends pas ça ! Si les toilettes universitaires étaient propres, si tu avais supprimé les APE, si ce projet concernait tous les élèves qui obtiendront leur Bac dans le futur, j’allais t’applaudir avec mes deux mains. Monsieur le Président de la République du Cameroun, ce n’est pas que je vous manque de respect ; mais vos notebooks ne vont rien changer à la situation de vos compatriotes… Parce que quand je vois comment je souffre pour trouver du travail, vous pensez que c’est l’ordinateur-là qui va nous embaucher ? Quand je vois comment nos jeunes sœurs bradent leurs fesses corps dans la rue, est-ce que c’est Windows qui va résoudre ce problème ? Quand je vois comment mes brillants amis sont devenus des photocopieurs, et que j’ai des voisins qui n’ont même pas un simple matelas pour poser leur tête, je me dis que ce que vous faites-là ça s’appelle de la diversion. Non, monsieur Paul Biya, je n’ai pas du tout envie de votre ordinateur !

Auteur: camer.be