En visite en France le 05 octobre 2015, le président Idriss Deby Itno du Tchad a dit à son homologue français à combien il évaluait l’intervention de ses compatriotes chez les voisins, dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. 251 millions d’euros, soit 165 milliards de Fçfa, sans compter le lourd tribut humain de combattants tombés ou blessés dans des combats contre la secte. La note est salée et Idriss Deby ne la présentait pas fortuitement. Le président du Tchad trouve que sa contribution à la lutte contre Boko Haram n’est pas assez reconnue.
Son entrée en guerre le 16 janvier 2015 pour bruyante qu’on l’a voulue cet après-midi là, n’en est pas moins opaque. Les 2500 soldats tchadiens portés par une foule de Camerounais en liesse se sont d’abord dirigés à Maltam, l’on pensait qu’ils devaient se rendre directement au front. Des experts les avaient même positionnés dans le lac Tchad infesté de terroristes.
Ils étaient à Maltam pour se rendre au lac et chasser les combattants de Boko Haram. Des jours ont passé et c’est finalement le 28 janvier 2015 que les 2500 Tchadiens ont fait route vers le front. Ils sont arrivés au soir à Leimari, un petit village à côté de Fotokol. Dès leur arrivée, leurs tentes à peine dressées, les Tchadiens sont entrés en démonstration.
Ils ont mis en branle leurs impressionnants canons, tirant de généreuses salves sur Gambarou. Le lendemain, c’était au tour de leur aviation de pilonner la ville nigériane. Hélicoptères d’attaque et avions supersoniques, ont rapporté les nombreux journalistes qui les accompagnaient. Tranquillement installés au cours de l’El Beid où on les interviewait sirotant du thé ou jouant à la pétanque sous le sifflement des obus, les combattants tchadiens ont promis de faire un rapide sort à Boko Haram.
La prise de Gambarou
C’est donc un peu précipitamment que le 03 février 2015 en après-midi, les combattants tçhadiens ont franchi le pont qui joint Gambarou à Fotokol. Des militaires camerounais ont assisté à la scène ahuris par ce qu’ils pensaient être un désordre tactique. Mais, ils vivaient alors un énième épisode de la tactique de « l’essaim d’abeilles », qui a précédé les Saos sur nombre de théâtres de guerre. Les journalistes tchadiens embarqués ont par la suite décrit de violents, mais brefs combats. L’échauffourée a fait près de 200 Boko Haram tués et à vu la ville désertée des terroristes.
Mais, quelques heures plus tard, des membres de Boko Haram partis visiblement de Gambarou, sont passés par Leimari pour perpétrer un massacre sur plus de 70 personnes à Fotokol. Certains combattants qui étaient entrés la veille à Gambarou ont dû revenir sur leurs pas pour porter secours aux Camerounais qui n’étaient pas encore revenus de leur surprise. Par la suite, les Saos ont avancé jusqu’à Ndikwa, à l’intérieur du Nigéria. Selon des accords entre le Nigeria et le Tchad, les armées de ces deux pays devaient se rejoindre à Mongomo et faire route vers Baga.
La reprise de cette ville et la libération de l’axe commercial Gambarou–Maiduguri étaient le prétexte de l’entrée en guerre des Tchadiens sur le sol nigérian. Mais, la propension des Saos à surfaire leurs faits d’armes et à se faire passer pour une armée de libération d’un Etat a tout de suite déplu à Abuja. Les Tchadiens ont d’abord été priés de décrocher de Ndikwa pour se replier à Gambarou une première fois, avant d’être autorisés à reprendre Ndikwa une seconde fois et de se faire congédier du Nigeria le 12 mars 2015.
Retour au Cameroun
De retour au Cameroun, les combattants tchadiens seront de nouveau stationnés à Maltam dans l’expectative. Nul ne semblait savoir leur nouvelle destination. On reparlait du lac Tchad, puis une semaine après, ils ont été dirigés à Mora. Des « experts » une fois encore les avaient annoncés au Nigéria du côté de Banki, Kerawa, Achigachia et autres agglomérations au sud de Gambarou, mais jamais plus ils n’ont franchi la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. A Mora, les preux guerriers étaient associés de temps en temps à des patrouilles de l’armée camerounaise. C’était avant que de nouveau des « experts » les positionnent dans la Fmm auprès du Cameroun puis auprès du Nigeria dans le secteur n°2 de la Fmm.