Moins de cent jours après la défaite de Goodluck Jonathan à la présidentielle au Nigeria, les langues se délient sur la défaite de l’armée face aux assauts de la secte Boko Haram.
Les puissances occidentales, au rang desquelles la France et les Etats-Unis ont délibérément refusé de livrer les armes commandées et achetées par l’administration de l’ancien Président du Nigeria.
On n’en était encore qu’au stade des supputations et du simple soupçon au sujet de l’incapacité du Nigeria et de son armée à venir à bout des exactions de la secte Boko Haram. Cette secte qui se faisait illustrer par des enlèvements, des embuscades et des coups d’éclats meurtriers tenait la dragée haute à l’armée la plus puissante du continent.
A la surprise générale : c’est le Nigeria qui fournit le plus gros des troupes de l’Ecomog, pour des missions d’interposition dans les pays en crise de l’UEMOA. Mais très curieusement, l’armée du pays le plus puissant du continent n’en menait pas large face à une bande de crétins insurgés que l’on disait puissamment armés. Armés par qui ?
La chaîne de Tv Afrique Média avait quant à elle cru avoir trouvé. Il n’y avait pas que cette présence suspecte d’officiers militaires français aux côtés des insurgés, il y avait aussi le soupçon que les hommes de Shekau s’approvisionnaient dans les arsenaux abandonnés par la France en Libye lorsque Sarkozy a donné de sa légion stupide à Mouammar Kadhafi.
Dans la foulée, l’ambassadrice française à Yaoundé, qui avait eu la malencontreuse idée de se montrer aux avant-postes de la marche de soutien aux forces armées camerounaises est passée à un doigt d’un lynchage en règle. D’une manière générale, les Camerounais soupçonnent le bras armé de la France derrière la hardiesse des hommes de Boko Haram.
L’information est restée classée « secret défense », mais elle filtre par bribes. Des militaires de rang rentrés du front contre Boko Haram confient par exemple en secret que les armes automatiques qu’on leur avait fournies pétaient comme des buchettes d’allumettes face à l’artillerie lourde des assaillants de Boko Haram.
Lors du dernier Congrès du Manidem tenu à Douala il y a quelques semaines, le Commandant Kissamba alias Woungly Massaga, en invité surprise, avait enfoncé le clou. Les soldats camerounais se plaignaient de ce que leurs fusils mitrailleurs avaient la fâcheuse manie de se mettre à chauffer quand on les actionnait.
Les soldats camerounais devaient donc se battre au front contre deux ennemis : les insurgés de la secte et les fusils qui leur brûlaient les doigts. Toutes ces informations, bien que restées secrètes, ont contraint les autorités camerounaises d’aller faire ses emplettes militaires ailleurs que chez les Français.
Le Mauvais jeu des Puissances Occidentales
Les observateurs et autres analystes au Cameroun y sont allés un peu trop vite en besogne et en conclusions hâtives. Pour beaucoup d’entre eux, les avancées spectaculaires n’étaient rien de plus qu’une manœuvre de Goodluck Jonathan qui, à un an de l’élection présidentielle, avait intérêt à laisser pourrir la situation dans le Nord du pays dont il n’est pas originaire.
Une bien mauvaise analyse, à en juger au vu de la situation militaire sur le terrain au Nigeria. Sur les 36 Etats que compte la Fédération du Nigeria, la secte islamiste est présente et sévit dans 22 Etats. Même Abuja, l’Etat qui abrite les institutions fédérales, a essuyé à plusieurs reprises des attentats à la bombe.
Les observateurs au Cameroun se sont limités à compter les coups de la secte dans les Etats du Nord-Est du Nigeria, très proches du Cameroun. C’est dans la zone de l’Extrême Nord en particulier que les soldats nigérians mis en déroute venaient se réfugier quand ils étaient mis en déroute.
Les uns et les autres avaient mal apprécié la situation. Sauf peut-être Idriss Déby et ses hommes à qui on ne la fait pas. On a aussi tôt fait de jeter la pierre à Goodluck Jonathan. Si le Nigeria avait eu besoin des secours de l’armée tchadienne, c’est bien parce que l’armée nigériane était désarmée. Au sens propre du terme.
Et que, prenant la mesure du péril, le Président du Nigeria avait commandé et payé un armement ultrasophistiqué aux Occidentaux, lesquels ont, sans explication, refusé de livrer l’arsenal. Les puissances occidentales ne se sont pas contentées de refuser de livrer, malgré toutes les voies diplomatiques qui s’en étaient mêlées, les mêmes puissances ont mené une odieuse campagne de sabotage auprès des pays non-occidentaux auprès desquels le Nigeria aurait pu s’approvisionner en armement.
Chine, Brésil, Inde ou même Pakistan. Les journaux nigérians s’imposent néanmoins une ligne diplomatiquement correcte et ne s’en prennent pas ouvertement aux puissances occidentales indexées. Mais il suffit de lire la liste du matériel commandé pour démasquer ces pays occidentaux indexés. Et cette fois, on n’est plus dans la supputation ou dans la conjecture.
C’est un colonel de l’armée nigériane à la retraite, Sambo Dasuki, ancien patron de la sécurité intérieure, qui se met à table lors d’une interview accordée à PR Nigeria, une agence de médias affectés à l’Armée et reprise dans les colonnes de certains quotidiens (The Punch ou Daily Sun) parus cette semaine (7 août 2015).
La grosse commande d’armements passée et payée rubis sur ongles par Goodluck Jonathan comprenait des Alpha Jet, des drones de surveillance, des avions de chasse supersoniques F7, des blindés légers pour le transport des troupes, des véhicules anti-mines et une grosse commande de munitions.
Le matériel de guerre commandé par le gouvernement de Goodluck Ebele Jonathan, selon les déclarations du même officier à la retraite, pourra être livré bientôt. Une partie de l’équipement dont l’armée nigériane avait besoin a été acquis par d’autres moyens et a permis au Nigeria de tempérer les ardeurs de la bande à Shekau qui menaçait de perturber le déroulement de l’élection présidentielle, à défaut simplement d’en empêcher la tenue. Les armes vont arriver « bientôt » ? Une belle blague.
Des armées ont perdu de grandes batailles cruciales pour un seul quart d’heure de retard. L’armement commandé par le Nigeria aura mis plus d’une année à être livré et, pendant ce temps, la secte islamiste a eu le temps de faire son nid et de se réarmer. Et Goodluck Jonathan qui a passé la commande a largement eu le temps de perdre l’élection et d’aller voir ailleurs après s’être fait damer le pion par Boko Haram. Il n’aura pas vu la couleur des armes qu’il a commandées et achetées.
Qui fabrique les Alpha jets ? Question à deux schillings. Les bons vieux avions de chasse Alpha sont tout simplement une invention de l’avionneur français marcel Dassault. Les Alpha Jets n’ont donc pu être commandés qu’aux Français. Quant aux drones, les Américains sont restés les seuls maîtres à bord depuis leur invention au début des années 80.
Ne restent plus que les avions de chasse F7 qui sont, en réalité, la version d’un appareil chinois, le J-7, destinée à l’exportation. L’appareil est très apprécié pour sa capacité d’attaque au sol et sa vitesse de pointe en altitude. Les officiers nigérians hésitent à dévoiler les noms des puissances qui ont compromis la guerre contre la secte islamiste, les noms se dévoilent d’eux-mêmes. C’est dans l’ordre, la France, les USA de Barrack Obama et la Chine qui n’aura pas voulu se mêler des affaires intérieures d’un Etat dans le pré-carré d’un membre permanent du Conseil de Sécurité.
Les mêmes Français et Américains sont très vifs à la réaction lorsqu’il faut décréter une « no fly zone » en Libye pour bombarder des écoles et des hôpitaux qui ne menaçaient personne. Mais face à la menace objective de la secte Boko Haram, on a trouvé le moyen de se hâter lentement. Nicolas Sarkozy a eu la peau de Mouammar Kadhafi, avec l’aide de Barrack Obama, on a aussi failli servir l’Afrique sur un plateau d’argent aux voyous de Boko Haram.
On est au moins rassuré, la diplomatie a repris ses droits et sur le terrain, Shekau et ses hommes ont affaire maintenant à un ancien militaire qui sait lui aussi danser la danse Bafia. Comme on dit en anglais : « once a military, ever a military ».