Bras de fer Eto'o VS Kombi: le prof Bokagne analyse sans état d'âme

Ett Brys Kombi Le bras de fer entre Eto'o et le ministre se poursuit

Mon, 9 Sep 2024 Source: Edouard Bokagné

Le dernier potin de la querelle ? La gestion de l'argent. C'est sur cela que je vais m'attarder. C'est même par cet argent que tout a commencé. Voyons d'abord quel est cet argent. Il s'agit des fonds publics qui constituent deux aspects de financement que l'État du Cameroun consent en faveur de son équipe nationale : une subvention qu'il alloue selon la disponibilité de ses fonds et les dispositions budgétaires sur cette ligne et des sommes qui servent de caisse d'avance pour certaines opérations de la fédération.

Ces sommes sont envoyées, depuis le début, selon les termes d'une convention qui lie l'État à la Fédération. Autrement dit, les lettres que Boris Bertolt vous a triomphalement brandies comme étant une mise au pas de la Fédération et l'envoi direct des fonds au Minsep sont du pipeau. C'est juste une correspondance normale des termes de la convention qui lie l'État à la Fédération et organise la traçabilité de ces fonds.

Les fonds sont gérés par le Ministère des Finances. Ils le sont toujours aujourd'hui et par l'entremise d'un régisseur de recettes nommé par le Minfi et sur proposition du Minsep qui est l'œil de l'État sur le sport. L'idéal dans cette situation est le consensus, puisqu'étant celui qui propose, le Minsep est également une espèce de commissaire aux comptes chargé de s'assurer de la bonne gestion de ces fonds.

L'ordonnateur unique de la dépense, (il l'est toujours), est le président de la Fédération. Ce sont les termes de la convention. Si on veut modifier quoi que ce soit dans ces rapports, ce serait moins les hommes eux-mêmes - qui n'ont d'ailleurs qu'été reconfirmés et nullement changés - que la convention qui fixe tout le cadre juridique du mouvement des fonds. La convention n'ayant pas été changée, les agents n'étant pas modifiés, tout reste pareil.

Aucun mécanisme direct n'existe par conséquent pour permettre au Minsep de mettre la main sur les fonds que l'État alloue à la Fédération. C'est le statu quo ante. Il a nommé un personnel technique à l'équipe nationale qui, pour l'instant, est toujours rémunéré sur la caisse d'avance de son département. Pour qu'il le soit à partir de ces fonds, sur leurs contrats, la signature du président de la fédé doit figurer. Ce n'est pas encore le cas.

Il n'y a d'ailleurs aucune raison que le Minfi qui a toujours observé beaucoup de prudence dans la démarche de l'octroi des fonds dans cette querelle, se bornant à la stricte légalité, ait donné son accord à la lettre du SGPR qui « marque l'accord de la présidence » pour le mouvement de montants particuliers. C'est un cas de correspondance classique qui ne veut strictement rien dire. Allez relire.

La lettre du SGPR parle d'un fonds précis qui concerne sans doute un mouvement antérieur qu'il a cautionné. Effectivement, pour aboutir à cette situation désordonnée, le Minsep s'était entouré de la précaution d'avoir reçu de très hautes instructions qui, vraisemblablement, lui étaient venues de là. Il a donc eu besoin de fonds pour les exécuter. Dans l'urgence, il a probablement puisé dans ses propres fonds de souveraineté.

C'est l'engrenage qui explique sa difficulté à reculer. Il doit être remboursé pour rééquilibrer ses comptes. Pour que ceci s'opère, il lui faut la caution de celui qui l'a envoyé. C'est cette caution que le SGPR a donnée : il marque ainsi l'accord « de la présidence ». Notez bien la subtilité toute administrative. Il n'existe aucun service habilité à ordonner des fonds qui s'appelle « la présidence ». Chaque année, lorsque l'Assemblée nationale valide le budget, elle alloue une dotation à la Présidence de la République.

Cette dotation générale est libellée de façon laconique parce que le mouvement de ces fonds de souveraineté n'a pas vocation à être retracé. Mais dans les faits, il va à plusieurs administrations : entre autres l'intendance du palais, le cabinet civil, l'état-major particulier et le secrétariat général ; chacun recevant son enveloppe et n'ayant aucun droit de regard sur celle des autres. Tous sont « la présidence ». Et aucun d'eux n'est Président de la République. L'accord de « la présidence » n'est donc l'accord de personne de spécifique.

Nul ne sait cela mieux que le Minfi qui, depuis le début, sait comment il gère les très hautes instructions. Avec une remarquable prudence. Ce n'est pas à lui qu'avec une formule vague, on fera bouger des milliards. Il s'en tient donc à la loi de finances et à son cadre qui, ici, est la convention. Tant qu'elle ne change pas dans ses termes financiers, c'est cette convention qui sera appliquée. Mille correspondances ne sauraient la modifier.

Encore que les accents triomphalistes des Facebookiens sont - comme toujours - inutilement imbéciles. Ils interprètent une communication (qui est en réalité du trafic d'influence) comme un acte de souveraineté. Alors qu'en fait, on se trouve devant la nécessaire clarification que la lettre du SGPR a suscitée. Ce dernier est vice premier ministre. Il a marqué un « accord » sur des mouvements de fonds qui n'est certes pas explicite sur qui est d'accord, mais qui dit explicitement quels fonds doivent être mouvementés.

Il s'ensuit conséquemment des actes qui le reprécisent, en accord avec la convention. Ce ne sont pas des nominations nouvelles, mais des gens antérieurement en fonction. Il s'agit juste du respect des formes ; pas du changement de la norme. D'ailleurs, même si les agents avaient changé, le cadre restant le même, ils seraient tenus de procéder comme les précédents. Le Minsep a donc subi un revers des plus éclatants.

L'attitude du gouverneur du Nord est là pour l'attester. Elle est solidement arrimée à la déclaration du chef du gouvernement qui, elle- même, indique où penche l'autorité. On fera ce que disent la CAF et la FIFA. C'est-à-dire qu'on fera ce que souhaite le président de la Fédération. C'est son staff qui s'est trouvé sur le banc de touche et son nom qu'on scandait au stade où personne ne voulait aller - et où tous ont été forcés de venir - alors que lui-même n'était pas là.

C'était évident. Je vous l'avais dit : dans une affaire comme celle-là, c'est lui qui allait la remporter. Maintenant que le PM s'est exprimé, il serait peut-être temps de réactualiser le contenu que nous donnons aux très hautes instructions.

Elles risquent un jour d'amener l'État à se coucher.

Nous autres le voulons debout.

Auteur: Edouard Bokagné