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En 2008, le patronat camerounais n’aurait jamais dû se diviser.

Tue, 30 May 2023 Source: Louis Marie Kakdeu

En 2008, le patronat camerounais n’aurait jamais dû se diviser. Il aurait dû se restructurer pour répondre aux aspirations et craintes des uns et des autres. La question est donc de savoir si, avec la fusion annoncée, les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets. Est-ce qu’aujourd’hui, la fusion du GICAM et d’ECAM est synonyme du respect de ces aspirations qui s’exprimaient à l’époque ? Pour les uns, la division pilotée par le régime en place permettait d’affaiblir un monstre comme le GICAM qui pesait déjà très lourd dans les négociations.

C’est ainsi que pour narguer le GICAM, les membres d’ECAM ont été très rapidement intégrés dans le protocole d’État. Dieu seul sait comment c’est compliqué pour une simple organisation au Cameroun d’être reconnue immédiatement au sommet de l’État. Pour les autres, la gestion du GICAM n’était pas inclusive, ce qui mettait l’organisation au service de quelques individus, voire d’une communauté ethnique. Est-ce que ce sont ces mêmes individus qui étaient aux affaires à l’époque qui se lèvent en bouclier aujourd’hui contre le retour d’ECAM ? Dans tous les cas, la politique du « diviser pour mieux régner » a été consommée et le patronat s’est affaibli. Je vais y jeter un regard technique mais, en arborant mes lunettes sociales-démocrates. Je vais donc cibler l’équité.

Problème d’équité

Je ne regarderai pas les choses d’un point de vue communautaire. Il faudrait plutôt regarder la nature des organisations qui s’unissent. Il s’agit d’une part du mouvement des Grandes Entreprises (GICAM) et d’autre part, du mouvement des PMEs/PMIs (ECAM). Le problème d’équité qui peut se poser est que, dans un même bassin, les gros poissons ont l’habitude de manger les petits poissons. En clair, les grandes entreprises et les petites entreprises ne poursuivent pas les mêmes intérêts et ne bénéficient pas des mêmes facilités au Cameroun.

Les grandes entreprises camerounaises sont intéressées par les facilités d’importation massive et de rapatriement des fonds, alors que les petites entreprises camerounaises sont asphyxiées par les conditions de production ou de transformation locale des matières premières camerounaises. Sur ce plan, le tissu économique des petites entreprises camerounaises est entièrement détruit dans certains secteurs comme celui de l’agro-industrie par l’extraversion des grandes entreprises qui importent les matières premières et qui leur font par conséquent une concurrence déloyale sur le marché nationale. Cela engendre le plus souvent la fermeture/faillite de beaucoup de PMEs/PMIs.

Pour le Cameroun, l’intérêt public se trouve du côté de la promotion des PMEs. Elles représentent plus de 98% des entreprises nationales. Ce sont elles qui créent le peu de richesses qui existent alors que les grandes entreprises participent plus à la création des richesses à l’étranger, dans les pays fournisseurs. Par conséquent, l’État du Cameroun ne devrait pas avoir intérêt à ce que les PMEs/PMIs soient menacées voire phagocytées par les grandes entreprises. Sauf que le gouvernement camerounais n’est pas pro-citoyen et pour des raisons politiciennes, il est même intéressé par la disparition de toute organisation qui porte des revendications légitimes. Cette approche extravertie est néfaste pour notre économie nationale.

De la nécessité d’un système de double-majorité au sein du futur GICAM unifié

Si les patrons veulent en effet que leur voix compte, alors ils auront intérêt à s’unir. Sauf que l’ambiance électorale au GICAM ne semble pas être propice pour mener cette réflexion. Pour que le patronat camerounais soit fort, il faut qu’il soit uni et inclusif. L’inclusion ici n’est pas forcément identitaire.

Elle concerne plutôt l’intégration de toutes les catégories professionnelles dans la prise de décision notamment, les PMEs. Le GICAM devrait se restructurer pour intégrer le système de double-majorité. Cela signifie que pour qu’une décision soit prise, elle requiert à la fois la validation de la chambre des PMEs/PMIs et celle de la chambre des Grandes Entreprises. Il faudrait donc déjà créer ces deux chambres au sein du Conseil d’administration. La double-majorité permet de garantir la défense des intérêts de toutes les parties. Au cas contraire, ECAM ira légitimer la défense des intérêts égoïstes au sein du GICAM et ce sera contre-productif.

L’avenir nous dira.

Louis-Marie Kakdeu

Membre du Shadow Cabinet SDF

Économie, Finances et Commerce.

Auteur: Louis Marie Kakdeu