La délocalisation des matchs prévus au stade Olembe dans le cadre de la CAN 2021 désolent les Camerounais. Dans cette tribune, Roland Tsapi remonte au début de cette affaire qui oppose depuis plusieurs mois la CAF aux autorités camerounaises.
Le match programmé dimanche à Olembé ne s’y déroulera pas ; il sera délocalisé au stade Ahmadou Ahidjo. Le stade ne sera pas utilisé tant qu’une enquête complète n’aura pas eu lieu sur les circonstances du drame » Cette déclaration du président de la Confédération africaine de football en conférence de presse le 25 janvier 2022, en pleine compétition, est difficilement digeste, mais ramène tout le monde à la réalité. Il a fallu que 8 âmes, selon les chiffres officiels soient emportées pour qu’on arrive à cette décision extrême. Mais la menace persistante était dans l’air depuis deux mois, pour ne pas dire plus. Le 17 novembre 2021, le Secrétaire générale de la Caf Verone Mosengo Omba, avait déjà envoyé un ultimatum au ministre camerounais des Sports et de l’éducation physique, président du Comité local d’organisation de la Can :
« A 54 jours du début de la Coupe d’Afrique des Nations Total Energies 2021, je dois porter à votre attention-pour suites utiles de votre part- de sérieuses inquiétudes concernant l’organisation du tournoi, en particulier en ce qui concerne les points suivants : Olembé : selon le rapport photos, l’état d’avancement des extérieurs du Stade d’Olembé, dont la livraison est promise pour le 30 novembre 2021, semble sans progrès depuis ma dernière visite datant du 22 octobre…
Je suis navré de constater que malgré les nombreuses visites, notamment celle du président de la Caf et du vice-président de la Caf et les promesses qui ont suivi, les actes n’ont pas suivi. S’agissant du stade d’Olembé, sachez que si tout n’est pas en règle d’ici au 30 novembre 2021, le match d’ouverture aura lieu ailleurs. Des dispositions sont d’ores et déjà prises dans ce sens, mais ce serait malheureux pour le Comité local d’organisation, pour la Caf et pour le Cameroun. »
Ces menaces étaient suivies des correctifs à apporter dans l’urgence, parmi lesquelles « vous assurer que la clôture du périmètre extérieur sera installée avant le 10 décembre, constituer une équipe responsable de la gestion du stade et nous présenter l’organigramme. » C’est finalement cette clôture, dont le portail a cédé facilement sous la pression des spectateurs, qui a été à l’origine du drame qui conduit à la suspension.
Livraison
Pour éviter le ridicule d’une délocalisation du match d’ouverture, le ministre organisa une réception technique de l’ouvrage le même 30 novembre. Avec pour objectif de s’assurer de l’opérationnalité de ce stade. A l’occasion le responsable en charge de contrôle de conformité, David HOBE, affirma « Il n’y a pas de crainte, nous sommes là depuis un an et plus avec l’entreprise Magil et nous visitons en permanence la qualité et nous testons également les circuits de réseau. On est rendu à la phase de finition de la commission et nous faisons les derniers tests ». La réception officielle prévue pour le 3 décembre n’aura pourtant pas lieu. Pourquoi ? Le ministre des Sport explique dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune du 6 décembre :
« Nous avons une finalité en rapport avec les très hautes prescriptions du président de la république qui veut qu’Olembé soit un ouvrage à la dimension de la réputation qui lui est attachée, c’est-à-dire un complexe sportif ultramoderne et qui apparaisse comme un ouvrage unique en son genre, au niveau pas seulement de l’Afrique centrale, mais également au niveau continental compte tenu de sa complexité. »
En d’autres termes, le stade a été mis en service sans avoir été réceptionné, c’est-à-dire sans que le propriétaire, l’Etat du Cameroun n’ait reçu les clés qui indiquent la fin des travaux. On y a fait entrer le président de la république, en prenant soin de ne laisser paraître aucune défaillance, mais une fois reparti, on a baissé la garde et le stade s’est révélé sous son vrai visage. La première bousculade, ce qui est fréquent dans les stades, a laissé sur le carreau des Camerounais qui ne demandaient qu’à voir le match.
Deux ou trois matches intenses à ‘avance, avec du public nombreux, auraient permis de déceler les défaillances, du reste humaines, auxquelles des correctifs auraient été apportés, qu’on aurait évité le pire survenu en pleine compétition, avec à la clé une énième humiliation : à peine ouvert le Stade Olembé est suspendu.
Rodage
La Confédération africaine de football avait demandé à entrer en possession de des infrastructures de la Can 6 mois avant le début de la compétition, comme il est de coutume surtout pour les ouvrages neufs, pour procéder à des réglages et faire des tests en réel. Cette demande faite en 2018, quand la compétition était encore prévue en 2019, n’a jamais été satisfaite. Elle ne l’a pas été non plus deux ans plus tard.
Même avec le report de la compétition, le Cameroun n’a pas été en mesure de respecter les délais de livraison suffisant pour les rodages. Deux ou trois matches intenses à ‘avance, avec du public nombreux, auraient permis de déceler les défaillances, du reste humaines, auxquelles des correctifs auraient été apportés, qu’on aurait évité le pire survenu en pleine compétition, avec à la clé une énième humiliation : à peine ouvert le Stade Olembé est suspendu.
Et si les autres infrastructures de la Can tiennent encore, les gouvernants et les ministères concernés savant bien que ce n’est qu’un sursis. Après quelques matches, le stade Japoma de Douala avait déjà suscité des inquiétudes, notamment au niveau de la pelouse. Réuni le 18 janvier par visioconférence, le comité exécutif de la Caf avait alors opté pour une mesure radicale en décidant que ce stade ne sera plus utilisé à partir des quarts de finale. Un défaut de pelouse qui aurait également pu être détecté et réparé si le stade avait été en rodage intensif pendant 6 mois à l’avance, ce qui aurait également évité cette autre douche froide que reçoit le pays de Paul Biya.
En rappel, la première pierre de ce stade Olembé a été posée en 2009 par le ministre Augustin Edzoa, qui l’avait alors baptisé stade Paul Biya. Le coût initial du projet était de 163 milliards. Cet argent est fini sans que les travaux ne soient achevés. Pour rattraper les errements de ses ministres, Paul Biya a encore autorisé en 2021 un autre prêt de 54 milliards pour le même stade. 217 milliards au total déjà engloutis, pour une suspension au bout de quelques matches… Est-il encore possible d’être sérieux au Cameroun !