CPI-Union africaine : dialogue de sourds

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Fri, 26 Jun 2015 Source: Simon Pierre Etoundi

Depuis le départ mouvementé, il y a quelques jours, du territoire sud-africain du président soudanais Omar El Béchir, poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide et crimes de guerre, la polémique enfle sur la légitimité de la CPI.

Ce n’est pas la première fois que l’opinion publique continentale est retournée par les actions de la CPI. Mais en Afrique du sud, on a atteint un nouveau seuil. Jusqu’ici, l’Union africaine en tant qu’institution s’est toujours fermement opposée à la CPI.

Mais en Afrique du Sud, à l’occasion d’un sommet de l’UA, un président en exercice a été inquiété par la justice à la demande de la CPI. L’emballement médiatique autour de la CPI est la conséquence de l’action d’une ONG sud-africaine qui a demandé à la justice de ce pays, d’arrêter le président soudanais El Béchir et de le mettre à la disposition de la CPI. Pour la première fois, la Cour poursuivait un chef d’Etat en exercice réaffirmant de fait, le refus de toute impunité.

Du reste pour ses fondateurs, la CPI devait constituer l’aboutissement du concept de justice pénale internationale. C’est en 1998 avec la signature du Traité de Rome que la CPI a été portée sur les fonts baptismaux. Mais elle n’est entrée en fonction qu’en 2002 à La Haye. Depuis lors, elle essaye tant bien que mal de juger les génocidaires et criminels de guerre qui n’ont jamais été poursuivis dans leurs propres pays.

Mais si l’idée d’une justice pénale universelle a emporté une adhésion immédiate, beaucoup d'Africains considèrent aujourd’hui la CPI comme un outil de domination des pays occidentaux. En effet, en douze ans d'existence et huit dossiers en procès, tous concernent des dirigeants ou personnalités africaines. Tout se passe comme s’ il n’y a que des Africains qui posent des actes susceptibles de poursuites par la CPI. Mais force est de constater que 34 pays africains sont membres de la CPI, ce qui suppose que le continent lui a apporté sa caution.

Toujours est-il que dans le même temps, face à la réalité des faits, les Etats africains et l’Union africaine se sont braqués contre la CPI, qu’ils accusent de racisme et de discrimination. L’UA a ainsi adopté une résolution contre l’arrestation du président soudanais El Béchir et a même organisé en 2013, un sommet extraordinaire pour contester le droit de la CPI de poursuivre des chefs d’Etat en exercice.

Davantage, une campagne a été orchestrée auprès des Etats-membres pour diluer l’action de la Cour sur le continent. Le récent imbroglio politico-judiciaire autour du président soudanais Omar el-Béchir pendant le récent sommet de l’Union africaine en Afrique du Sud, est venu relancer le débat sur la justice internationale qu’incarne la Cour pénale internationale. Cet incident est venu renforcer le désaccord qui existe entre la CPI et l’UA.

Malgré tout, la CPI clame sa bonne foi. A ses pourfendeurs, elle laisse entendre que dans la majorité des cas qu’elle traite, la Cour a été saisie par les gouvernements des pays concernés eux-mêmes. Par ailleurs, des sources proches de la CPI déclarent qu’en ce moment, des examens préliminaires sont menés, préalables à l’ouverture d’une éventuelle enquête, dans des pays tels que la Colombie, l’Ukraine, la Palestine ou la Corée du Sud.

La CPI, plancherait également sur des crimes qui auraient pu être commis par des troupes britanniques en Irak. Tous ces arguments restent toutefois insuffisants pour rétablir la confiance entre les Africains et la CPI. Toutefois, en dépit d’une cote globalement négative sur le continent, aucun des 34 pays africains membres de la CPI ne s’est encore retiré du Traité de Rome.

A l’évidence, le dialogue reste possible entre les Africains et la CPI, même si lors du 24e sommet de l'UA de janvier 2015, le projet d'une cour africaine de justice, censée concurrencer la CPI a été évoqué. Le feuilleton n’est pas terminé…

Auteur: Simon Pierre Etoundi