Suffit-il à chaque fois de limoger les responsables pour résoudre les problèmes structurels de la seule compagnie aérienne camerounaise ?
Le symptôme est le même et la thérapie ne change jamais. L’étoile Camair-co qui semble avoir des problèmes congénitaux n’a jamais brillé sur le ciel du Cameroun, encore moins ailleurs. Et à chaque fois que cette compagnie menace de déposer le bilan, on convoque rapidement un conseil d?administration pour débarquer le directeur général, puis suivra des longs discours où on encense le nouveau venu.
Et la décente aux enfers continue en attendant un autre conseil d?administration. Ça dure depuis dix ans maintenant. Et lundi dernier, on a remis ça. Un conseil d?administration est convoqué. Des noms circulaient déjà. Une fuite est en fait organisée bien avant. Et à la sortie, Paul Biya signe deux décrets. Le premier porte nomination de Ernest Dikoum directeur général de la Camair-Co. Le nouveau Dg, âgé de 49 ans, était jusqu’à sa nomination, directeur régional de la compagnie « Emirates » pour l’Afrique australe, avec résidence à Harare.
Il a par ailleurs été directeur régional de la même compagnie pour le Sénégal et la Guinée. Le deuxième décret nomme le ministre délégué aux Transports, Mefiro Oumarou (une flagrante violation de la loi) comme président du conseil d?administration. Paul Biya a donc décidé de limoger le très discret Edouard Akame Mfoumou. Les décrets à peine lus sur les antennes de la radio d’Etat, le ministre des Transports Edgard Alain Mebe Ngo’o, qui présidait le conseil d?administration procède à l’installation des nouveaux responsables. Leur feuille de route va consister à mettre en oeuvre le plan de relance proposé par le constructeur Boeing.
La quête de l’oiseau
Ce scénario est désormais classique. Le 4 février 2010, le chef de l’Etat nomme Alex Van Elk, néerlandais d’origine. Il avait été présenté comme l’homme qu’il fallait pour relancer la compagnie. Un an plus tard, le 28 mars 2011, l’on assiste au vol inaugural. Le Dg faisait montre d’une certaine rigueur. Agé à l’époque de 59 ans, il jurait que «si une personne du gouvernement veut voyager avec nous, il doit payer cash. C’est la seule option pour avoir une compagnie qui soit rentable ». Après son départ, il a été remplacé par son compatriote Matthijs Boertien qui était précédemment Chief Operations Officer au sein de la compagnie.
Il passe un an, et le Cameroun décide de tourner la page des expatriés. Frédéric Mbotto Edimo est alors nommé le 11 septembre 2013. Un an plus tard, il est viré sans façon. Paul Biya toujours à la quête de l’oiseau rare déniche Jean-Paul Nana Sandjo, électromécanicien de 56 ans formé à la défunte Camair. A son arrivé, il était conscient d’être assis sur un siège éjectable. « On accepte ce poste en sachant qu’on partira un jour. En attendant, je fais du mieux que je peux », disait l’époux de la musicienne Grace Decca. Il avait le soutien de son Pca Édouard Akame Mfoumou. Paul Biya a choisi de les débarquer le même jour. Mais l’ex Dg ne va pas chômer. Il ira s’occuper de GNS International, un cabinet d’études et de conseil sur l’aviation basé aux États-Unis qu’il a fondé il y a près de 30 ans. Au-delà des hommes, Camair-co souffre des problèmes structurels qui plombent tout effort et la transforme en gouffre.
D’abord sa flotte. Cette compagnie ne compte que cinq avions. Conséquence, elle ne peut tenir tête à ses concurrentes dans un ciel camerounais saturé. Selon les chiffres de l’Autorité aéronautique, cités par nos confères de Cameroon tribune, huit nouvelles compagnies aériennes ont rejoint le marché camerounais entre 2013 et 2014..Il y a aussi la désaffection. Le taux de remplissage des avions Camairco se situe à environ 30%, très loin du taux de 75% requis à une compagnie pour être rentable. Pour ce qui est des sous, c’est la catastrophe.
Le business- plan de la compagnie qui couvre la période 2011-2015, prévoyait qu’elle commencerait à engranger des bénéfices dès 2014. Or, l’entreprise continue de recevoir des subventions de l’Etat. La nouvelle équipe doit donc payer les dettes des fournisseurs, dégraisser l’effectif, avoir des avions et offrir un service à la hauteur de ses concurrents. Et là, ce n’est pas demain l’envol.