Cameroun-France : voici les clauses de l’accord secret qui liait Paul Biya

Paul Biya Decrete Comite Organisation Can 2019 780x440 Paul Biya a mis fin à cet accord colonial

Sun, 16 Oct 2022 Source: Jacques Blaise Mvié

Car les Français ont de tout temps, été très hostiles à l’idée de partager le Cameroun dont le sous-sol ne recèle pas seulement du pétrole, mais d’autres ressources minières. En affichant résolument sa détermination à diversifier son partenariat, le président Paul Biya indiquait clairement son refus de ne plus laisser les richesses de ce sous-sol aux seules mains des Français. Une décision sage et courageuse pour les patriotes. Mais suicidaire et mal vue pour ceux qui ont gravé dans leurs mémoires ces onze fameux accords secrètement signés entre la France et les pays d’Afrique francophone à l’aube des indépendances, c’est-à-dire le 26 décembre 1959.

A savoir : la dette coloniale pour rembourser les bénéfices de la colonisation ; la confiscation automatique des réserves financières nationales (près de 500 milliards de dollars actuellement détenus auprès du trésor français) ; le droit de premier refus sur toute ressource brute ou naturelle découverte dans le pays ; priorité aux intérêts et aux entreprises françaises dans les marchés publics et appels d’offre publics ; dans l’attribution des marchés publics, les entreprises françaises ont la priorité sur l’attribution, même si les pays africains peuvent obtenir un meilleur rapport qualité-prix ailleurs ; droit de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires des colonies ; le droit pour la France de déployer des troupes et d’intervenir militairement dans le pays pour défendre ses intérêts ; l’obligation de faire du français la langue officielle du pays et la langue pour l’éducation ; l’obligation d’utiliser le franc CFA ; l’obligation d’envoyer en France un bilan annuel et un rapport d’état des réserves ; renoncer à toute alliance militaire avec d’autres pays, sauf autorisation de la France ; l’obligation de s’allier en cas de guerre ou de crise mondiale.

En relisant minutieusement tous ces 11 accords, on comprend dès lors, ce qui allume le feu à Paris. Surtout ce qui, inéluctablement, met un goût de cendre dans toutes les bouches, aussi bien au Quai d’Orsay qu’à l’Elysée, quand lors de son séjour en Allemagne, le président Paul Biya déclare sans retenue que le Cameroun n’est la chasse-gardée d’aucune puissance. Seulement, le président Paul Biya a à cœur de laisser à la postérité, un Cameroun prospère et démocratique.

D’où sa stratégie, qui prend très vite en compte le rapport de force entre ses puissants adversaires et lui, pour adopter par conséquent l’usure du temps et l’art de l’endurance en politique comme son arme de prédilection. Depuis lors, il ne va jamais faillir à sa réputation d’homme secret. En bon tacticien, il va par conséquent s’employer à éviter surtout toutes les glissades vertigineuses et spectaculaires qui, dans de vains heurts frontaux avec les Français, ont chaque fois fait prendre à d’autres chefs d’Etats, ailleurs, des décisions osées et pamphlétaires, au risque de leurs vies. En effet, pourrait-on dire, la vie n’avance pas en fonction des désirs et fantasmes de nationaliste hystérique et vindicatif qui éructe à longueur de pamphlets, sa haine contre la France. Versatile et fugitif, surtout rompu au jeu du chat et de la souris avec ses différents interlocuteurs français, Paul Biya a toujours su chaque fois rouler tout le monde dans la farine. L’anecdote veut même que lors du séjour de Jacques Chirac au Cameroun, il lui fait la promesse, pince-sans-rire, de renvoyer le pouvoir au Nord comme le lui avait

donné, quelques années avant, Ahmadou Ahidjo.

Bon à savoir, tout commence en novembre 1982. Ahmadou Ahidjo est au pouvoir depuis vingt-trois ans quand il démissionne et désigne Paul Biya, son dauphin constitutionnel depuis 1975, comme successeur. Ahidjo choisit toutefois de conserver la présidence du parti unique, l’Union Nationale Camerounaise (UNC), et ne se retire que partiellement de la vie publique. Bien que n’étant plus au palais de l’Unité, Etoudi devient très vite trop petit pour Ahmadou Ahidjo et son successeur. L’étrange cohabitation entre les deux présidents (président de la République et président national de l’UNC) prend fin en avril 1983, après cinq mois de rumeurs malveillantes et d’intrigues de cour : Ahmadou Ahidjo renonce à diriger le parti. Commence alors une inimitié profonde, qui sera ponctuée d’accusations, de complot et atteindra son apogée avec une sanglante tentative de coup d’Etat menée, le 6 avril 1984, par les partisans de l’ancien président. Elle se soldera par deux procès retentissants et deux condamnations à mort par contumace pour Ahmadou Ahidjo, reconnu coupable d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

Auteur: Jacques Blaise Mvié