Cameroun : La routinisation des procédures d'études de faisabilité des projets publics et efficacité de la gestion axée sur les résultats

Pourquoi la Gestion Axée sur les Résultats ne donnent pas généralement la promesse des fleurs et les résultats escomptés au Cameroun ?

Une chronique matinale du 3 janvier 2023 de Jean Paul Nna Mvondo philosophe psychopédagogue sur les déterminants sociopolitiques et socio-économiques qui plombent considérablement la Gestion Axée sur les Résultats au Cameroun.

Le Cameroun est un pays qui a les plus beaux textes du monde en matière de management public et des organisations,mais qui curieusement tarde à décoller sur le plan de son développement économique industriel infrastructurel intégral. Ce n'est pas moi qui le dit,mais bien sûr les experts en la matière qui ne comprennent pas les blocages inhérents à l'implémentation des textes réglementaires qui régissent le pilotage et la gestion des structures étatiques.

Chaque année qui passe au Cameroun est le lieu de l'élaboration et de l'évaluation des réformes sur les procédures judiciaires légales pour le bon fonctionnement des structures étatiques. Des cahiers de charges, des business plan,des joint venture sont généralement établis pour assurer un suivi optimal des projets générateurs d'impulsions économiques et sociales. Mais,on en arrive toujours en fin d'exercice budgétaire à des résultats mitigés sur les projets effectivement réalisés. Qu'est-ce qui coince alors véritablement et pourrait expliquer cette léthargie ?

Nous avons essayé d'analyser le problème sous le prisme systémique avec un encrage sur les habitudes émanant de l'histoire administrative mise en œuvre par les ressources humaines au Cameroun.

En effet, l'administration publique Camerounaise est marquée par la routine dans les procédures mises en place pour la gestion des affaires publiques. On passe généralement de la personnalisation de l'administration, à la gestion administrative basée sur les prébendes financières et politiques.

On en arrive généralement à ce qu'on pourrait appeler du réchauffé , dans la façon de faire, d'agir et de penser l'administration publique Camerounaise. Les textes réglementant le fonctionnement des services publics sont bien souvent les mêmes dans la logique principielle de l'adage selon lequel rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ,ou alors la fameuse boutade qui dit que il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Et les ressources humaines appelées à faire marcher la machine administrative s'avisent dans cette confusion à créer chacune sa propre morale administrative,du moment où, elles peuvent exercer dans l'impunité sans des sanctions disciplinaires coercitives prévues par la réglementation en vigueur.

En effet si ces logiques peuvent s'appliquer dans certains domaines d'intervention de la pensée discursive,il n'en demeure pas moins vrai que,en rapport au dynamisme de l'administration publique qui connait souvent des mutations et bouleversements politiques sur L'orientation à donner au travail des commis de l'État face à la modernité pesante ambiante, des changements notables devraient être opérés pour arrimer l'administration publique Camerounaise à la mouvance Politique mondiale. Certains administrateurs publics maladroits, continuent tout de même d'utiliser les mêmes vieilles méthodes et habitudes coloniales de gestion des affaires publiques. Ce qui entraîne des déphasages énormes, ainsi que des incongruences aggravées entre les objectifs de développement poursuivis et les résultats obtenus.

Quelques exemples concrets nous permettront de valider ces hypothèses.

1- La routine dans les discours prédictifs sur les orientations stratégiques énoncées pour le développement.

Dans les différents discours de nos gouvernants actuels, l'heure est toujours à l'invitation et l'incitation des populations camerounaises à l'espoir, à la production des efforts pour atteindre le bout du tunnel. Malheureusement,et bien souvent la montagne des annonces tonitruantes accouche toujours d'une souris. La lutte contre le chômage endémique, ainsi que contre les détournements des deniers publics sont toujours les thématiques évoquées dans ces discours. Mais,en fin de compte l'objet pour lequel ces discours sont énoncés a tendance à s'aggraver considérablement pour cause d'absence de mesures d'accompagnement comme le contrôle strict, l'audit interne des structures étatiques épinglées pour des malversations financières et les sanctions disciplinaires coercitives prévues par la loi pour ce genre d'infractions. On se retrouve ainsi dans la routinisassion des procédures judiciaires sur des problématiques liées à la Gestion Axée sur les Résultats , qui la plupart du temps gardent une stagnation et une inefficacité déconcertantes. Et,il s'en suit que,les grands projets générateurs d'impulsions économiques et sociales à réaliser demeurent constamment infructueux, évanescents et surannés.

2) La routine dans les promesses faites aux populations camerounaises.

Jamais projection Politique ne s'est faite au Cameroun par les tenants du pouvoir politique central, sans qu'il n'y ait une formulation des voeux prononcés en faveur du changement de paradigme productif et vital des populations camerounaises.

Les promesses de développement des infrastructures routières, hydrauliques, et hydroélectriques sont énoncées pour assurer une meilleure couverture des populations camerounaises en fournitures électriques, d'eau potable et d'infrastructures routières adéquates susceptibles de faciliter les déplacements des populations dans les zones enclavées .Les chômeurs patentés sont assurés de trouver du travail. Mais,en fin de compte, c'est toujours le statuquo ante marqué par des pénuries d'eau potable,de délestages intempestifs d'électricité et d'enclavement prolongé des routes rurales ainsi que la multiplication des chômeurs. D'où l'exacerbation de la misère exécrable ambiante chez les populations Camerounaises qui ne savent plus à quels saints se vouer.

3- La routine dans le mauvais traitement des dossiers administratifs.

Au Cameroun, l'inertie thermique ainsi que les tracasseries administratives auxquelles les usagers ont droit dans nos administrations publiques sont une règle devenue virale et dangereuse. Les droits réservés aux fonctionnaires et travailleurs selon les avantages liés à la règlementation en vigueur, connaissent une gestion marquée notamment par les mêmes méthodes de suivi qui ne reposent sur aucune base logique dans la science fondamentale administrative de traitement des dossiers. Certains dossiers administratifs peuvent durer le temps d'une année civile circulant dans un même couloir, dans les mêmes bureaux sans en connaître les raisons profondes. Des goulots d'étranglement sont orchestrés par ceux qui gèrent le suivi des dossiers administratifs pour assoeir des poches de corruption interminables. Et toutes ces magouilles sont connues et sues de tous sans qu'une éventuelle équation différentielle de solutionnement de la gabegie orchestrée par les agents concernés,ne soit évoqué ou trouvé par les chefs hiérarchiques qui joueraient le rôle de complicité tacite.

L'administration publique Camerounaise s'enlise ainsi dans les réseaux mafieux qui contrôlent tous les éléments de gestion des ressources financières, sans jamais fluidifier les procédures d'études des dossiers pour réduire les tracasseries administratives.

La routinisassion ainsi constatée et entretenue par l'administration publique Camerounaise, devient finalement une gangrène sociale pour la bonne marche des affaires publiques au point d'être érigée en règle générale. Et, conséquemment, l'efficacité de la Gestion Axée sur les Résultats prend du plomb dans l'aile et contribue à paralyser toute l'administration publique Camerounaise.

Il est plus que impératif de changer de paradigme émotionnel productif et comportemental dans le travail demandé dans l'administration publique Camerounaise. Il faudrait autant que faire se peut faire bouger les lignes en mettant en branle les différents outils d'implémentation de la célérité dans les procédures judiciaires légales de gestion et de pilotage des entreprises publiques. Les contrôles et audits internes devraient constituer des éléments techniques sans lesquels aucune activité professionnelle et administrative ne saurait être engagée.

C'est par un changement exclusif de mentalité qui relègue aux calendes grecs la routinisassion des procédures de gestion administrative, qu'il serait possible de redorer le blason terni de nos administrations publiques et privées, et de faire revenir la résurgence d'une véritable Gestion Axée sur les Résultats efficace et efficiente en faveur des usagers.

Sortons de la routine administrative en adoptant des méthodes et techniques modernes et innovantes de traitement des projets et dossiers administratifs afin de sortir progressivement du sous-développement mental économique politique et moral.