Le Ministère en charge de l’élevage (MINEPIA) a lancé un appel à projets en vue d’identifier 40 fermes pilotes dans les régions du Centre, de l’Ouest et du Littoral devant accueillir 360 porcs géniteurs à reproduire pour alimenter la filière nationale. Cette activité est réalisée dans le cadre du Projet de développement des chaînes de valeur de l’élevage et de la pisciculture (PD-CVEP) financé par la BAD et l’État du Cameroun à hauteur de 65 milliards de FCFA. Cette nouvelle banqueroute du gouvernement camerounais mérite de ma part au moins 5 observations de bon sens :
1. Le bon sens aurait voulu que l’on intègre dans le projet la région de l’Extrême-Nord, principal bassin de production des porcs au Cameroun, qui représente à elle toute seule plus de 60% de la production nationale du pays. Comment peut-on réussir le test d’un produit en écartant la principale cible ? Est-ce sérieux ? Il y a 30 ans (1992), le seul bassin du Logone pouvait couvrir toute la demande nationale qui tourne autour de 75 000 tonnes en 2022. Malgré la prise des mesures disproportionnées qui ont fragilisé ce bassin (comme la fermeture du corridor national), l’on voit qu’il continue d’être résilient. Son exclusion est incompréhensible !
2. Catastrophe scientifique : Le MINEPIA semble n’avoir jamais tiré les leçons de son option non-fructueuse pour les importations (encore et toujours !). En 2013, 73 porcs de race dite Naïma avaient déjà été importés dans le cadre du Projet d’amélioration de la compétitivité agricole (PACA) sans suite. Cela n’a pas empêché la production nationale qui tournait autour de 47 000 tonnes à l’époque de chuter à une trentaine de milliers aujourd’hui. Aussi, le même MINEPIA avait déjà importé 100 porcs reproducteurs dans le cadre du Projet de développement de l’élevage (PRODEL) financé par la Banque mondiale à hauteur de FCFA 60 milliards mais, toujours sans résultat palpable à ce jour. Le regret est de savoir que le gouvernement camerounais opte pour les importations des solutions scientifiques que l’on dispose pourtant presque gratuitement au niveau national. Le Cameroun dispose des généticiens et autres biologistes qui ne demandent qu’à travailler et à faire les croisements nécessaires pour obtenir des variétés hybrides à fort rendement et plus adaptées à notre écosystème. Je reprends : les scientifiques camerounais peuvent produire des variétés améliorées susceptibles de s’adapter à l’environnement camerounais mais, on refuse de leur donner les moyens. Sur les 65 milliards de FCFA du PD-CVEP que l’on dilapide après avoir dilapidé d’autres dizaines de milliards dans le cadre du PRODEL (FCFA 60 milliards) et du PACA (pour ne citer que ces deux projets), les chercheurs locaux, hautement qualifiés (formés ici et ailleurs), ne demandent qu’environ 500 millions de FCFA pour mettre sur pied un laboratoire capable d’autonomiser définitivement le Cameroun. Mais, on va faire comment sans le bon sens chez nos dirigeants qui semblent complexés face à ce qui vient d’ailleurs ?
3. Peste porcine : C’est le MINEPIA lui-même qui avait pris des mesures disproportionnées en novembre 2021 suite à l’épizootie de la Peste Porcine Africaine (PPA) pour décimer la filière nationale. Il s’agissait par exemple des mesures de fermeture des corridors nationaux en violation du protocole sanitaire applicable qui recommande tout simplement le zonage.
4. Mesures de biosécurité : Pire, il ne sert strictement à rien d’importer une variété améliorée si l’on ne veille pas au respect des mesures de biosécurité au Cameroun. C’est de la responsabilité du MINEPIA de veiller au contrôle des fermes. Par exemple, si le paysage urbain dans nos villes et villages continue de présenter encore et toujours des porcs en divagation, alors les fermes (améliorées ou non) resteront exposées à des épizooties.
5. Catastrophe économique : Si la production nationale baisse malgré les efforts consentis, c’est à cause de l’inadéquation des mesures prises. Par exemple, sur 1000 éleveurs qu’il y avait en 2010 au Cameroun, 98,8% ont abandonné le secteur porcin pour chercher d’autres secteurs refuges, comme celui de la pomme de terre. Cela veut dire que le MINEPIA par ses multiples mesures disproportionnées a complètement détruit le tissu économique local en chassant les éleveurs locaux du secteur. Je rappelle au passage que sa mission gouvernementale est de favoriser la production nationale et que toute une direction (la plus importante) y est consacrée. En optant pour les importations, le MINEPIA confirme l’accusation formulée contre lui par les éleveurs nationaux allant dans le sens de « tuer la filière nationale de l’élevage pour favoriser le business des importations ». Le volet risible de cette affaire est que le gouvernement camerounais détruit ses producteurs nationaux pour importer des pays qui protègent les leurs pendant les épizooties. Plus grave, si la viande est chère sur le marché, c’est parce que le gouvernement camerounais n’a pris jusqu’ici aucune mesure incitative pour produire localement. Par conséquent, l’on se bat en 2022 pour atteindre le niveau de production que le pays avec déjà en 1992 (30 ans en arrière). Progressivement, on peut accuser le gouvernement camerounais de HAUTE TRAHISON.
Chers Camerounais, vous comprenez pourquoi un citoyen normal ne peut que s’indigner. Nous-autres au SDF, si nous avions l’opportunité de diriger ce pays, c’est le bon sens qui gouvernerait nos prises de décisions.
A vous de voir !
Louis-Marie Kakdeu,