Cameroun: de la délégation à la dépossession

Vincent Sosthène Fouda Vincent Sosthène FOUDA

Mon, 7 Jul 2025 Source: Vincent Sosthène FOUDA

La République vacille, non pas sous le poids de ses ennemis extérieurs, mais sous le silence complice de ses propres institutions. Le Cameroun, ce grand corps politique que l’histoire coloniale n’a jamais su vêtir d’une Constitution digne de ce nom, est aujourd’hui victime d’une gangrène institutionnalisée : celle d’un pouvoir délégué qui, par excès de durée et de zèle, s’est mué en dépossession.

Depuis 2019, la délégation de signature présidentielle au Secrétaire Général de la Présidence n’a pas seulement déséquilibré le système bicéphale que prétend organiser notre Constitution. Elle a codifié une monarchie administrative où les "très hautes instructions" ne viennent plus du sommet, mais de ses ombres. Le président est devenu une abstraction que l’on cite sans preuve, une volonté qu’on interprète à loisir. Et cela, nul ne semble s’en offusquer.

Ce pays ne manque pas d’intellectuels, mais il manque de courage. Il ne manque pas de lois, mais de leur application. Le SGPR agit, dicte, sanctionne — tandis que le Premier ministre semble gouverner par permission tacite. Nous ne sommes plus dans une République, mais dans une République déléguée. Un régime où le pouvoir ne se transmet plus par le peuple, mais par paraphe.

Les institutions sont en panne non pas faute de compétences, mais parce qu’elles sont piégées par l’opacité et la peur de penser autrement. Chaque haut fonctionnaire scrute les plis du regard du SGPR pour y deviner l’avenir de sa carrière. La loyauté se mesure non plus à la Constitution, mais à la proximité du bureau présidentiel. Ainsi meurt la République.

Mais l’histoire nous enseigne que toute délégation sans retour devient fatalement une usurpation. Et lorsque les institutions ne corrigent pas les déviations, la rue, tôt ou tard, s’en charge. Les peuples, eux, ne délèguent jamais leur souffrance. Ils la crient, la gravent sur les murs et parfois l’explosent dans les urnes.

Nous sommes encore nombreux à croire en un Cameroun de la vérité, non celle des communiqués, mais celle du courage politique. L’heure est venue de reprendre notre récit national, non dans les salons de l’hyperprésidence, mais dans les marges où se jouent les vrais combats.

Auteur: Vincent Sosthène FOUDA