Cameroun : 'jeu de massacre savamment entretenu au sommet de l’Etat'

Paul Biya 234 L'universitaire fait l'analyse de la situation politique au Cameroun

Tue, 23 Apr 2024 Source: Aba’a Oyono

1- Peut-on raisonnablement périr alors même que Deo, Dieu en latin, pour celles et ceux qui vivent encore dans sa crainte minimale, a fait de la caractéristique de l’homme son INTELLIGENCE ? L’intellectuel honnête se refuse, assurément, à y répondre par la positive. Le feuilleton médiatique à rebondissements observé dans notre contexte fiévreux de l’élection présidentielle, pointant irréversiblement à l’horizon, fournit le prétexte au texte dans ces brèves lignes qui suivent.

2- Le pouvoir exécutif de versant présidentiel, en place, reste et demeure à l’abordage des suffrages. Est-il légitimé dans cette posture de renouvellement de l’investiture? Le moins que l’on puisse dire, et qui relève somme toute du constat de réalité, est qu’il dure et perdure. La radioscopie multidécennale d’exercice du commandement révèle des attributions d’une extensibilité indéfinie, aussi bien dans la Constitution que dans la pratique institutionnelle. Les contrepouvoirs sont manifestement pusillanimes dans sa chevauchée du management quotidien. L’entièreté des ressources financières et matérielles sont à sa disposition puis gérées allègrement.

Au bout de l’analyse, il faut être de mauvaise foi pour conclure que les attentes du peuple sont satisfaites, à l’allégresse générale, alors même qu’un boulevard sans heurts ni heurtoir le prédisposait à la conduite des populations vers le bonheur.

3- En embuscade, l’opposition politique s’échine à afficher son offre politique nouvelle et novatrice. Démultiplication des embûches tendues sans pudeur par des thuriféraires du régime arc-boutés au pouvoir à tous les prix, fragmentation surréaliste des opposants ouvrant le terreau aux oppositions, déficit criant de culture politique de bon nombre d’électeurs englués dans le guêpier de l’abrutissement des masses rythment incontestablement la dynamique de cette frange organique en quête du graal.

4- L’intérêt du peuple, dans ce jeu de massacre savamment entretenu, par la dialectique du pouvoir ad vitam aeternam (éternel) et du verrouillage systématique de la respiration des oppositions, s’en trouve forcément en situation. L’alternance politique appelée de tous ses vœux par le slogan en vogue de « l’inscription massive sur les listes électorales pour le changement » en vient à être hypothétique. La vérité est que ce peuple est rivé à la loupe du « changement » de cap longtemps tenu par le Président de la République. Inversement, le « changement » susvisé n’est nullement dirigé par ces oppositions n’ayant jamais exercé la fonction présidentielle.

5- Quelle est ce faisant l’idoine voie indiquée tendant à faire droit à cette soif intense d’alternance à la tête exécutive de l’État ? Il est déjà utile et louable de faire observer que le train en accélération des inscriptions massives sur les listes électorales est en branle. L’idée de plus en plus en encrage consistant à éduquer sur le pan du Droit électoral de sécurisation des opérations matérielles et juridiques des votes est un pas décisif dans la recherche du « changement » par le vote-sanction.

6- À l’apogée de cette concentration sur l’objectif vital qu’est la quête du pouvoir nouveau et novateur émerge, et il sied d’y insister, la responsabilité historique de l’opposition par trop fragmentée. Le peuple est à la peine et broie du noir au quotidien. Il y en a qui sont venus accompagner les autres ici-bas. Les bidons slogans politiques ainsi que la condescendance servis par les thuriféraires impertinents du Président de la République masquent mal le désastre social que vivent les Camerounais.

7- C’est la peur quasi-viscérale d’asséner des coups de butoirs au pouvoir par la critique intellectuelle qui laisse prospérer, vainement d’ailleurs, l’image chimérique d’un État qui se porte bien. La République est déjà suffisamment abîmée dans l’abîme managérial. Le silence calculé de l’écrasante majorité des universitaires en rajoute à la confusion, une minorité poussant l’outrecuidance à magnifier le vicieux système. Et pourtant, générations sacrifiées et résignation de la jeunesse sont notre lot quotidien. Ce pays a un urgent besoin de respiration, car les jeunes étouffent pendant que les vieux sont à l’agonie. Le moyen institutionnel et efficace consistant à assurer l’alternance pacifique réside dans l’obligation historique de faire ce bloc organique de la candidature unique. Et quel serait le profil de candidature ?

8- À mon sens, un jeune postulant a l’avantage indéniable de susciter le déclic au sein du corps électoral. Ce sera du jamais vu en lieu et place du classicisme vécu. La jeunesse est synonyme de rêve, d’énergie nouvelle, éruptive et explosive, tel un volcan, puis porteuse d’espoirs prometteurs. Ne pas emprunter ce sentier de porter à la tête la candidature unique de l’opposition un jeune techniquement compétent et flamboyant ne sera que ruine des espérances populaires.

Il faut bien que les opposants de tous bords intègrent résolument qu’ils ont en partage la même famille politique, ne se situant guère aux antipodes et affrontent l’adversaire de pieuvre tentaculaire, solidement implanté dans le tissu social et administratif, inapte à lâcher du lest. À défaut de taire les egos surdimensionnés, le pouvoir en place passera encore et encore comme une lettre à la poste.

9- Et vivre un sempiternel septennat de galère où les Hommes n’auront encore que leurs yeux pour couler les larmes, prosaïquement appelés dans notre argot « les pleurs du mbolè ». Tout pas de SISYPHE ou tergiversation est proscrit ! Chaque pas vers l’avant est décisif. Toute aventure individuelle condamne le peuple à boire la même dynastie jusqu’à la lie. Et la maxime de Jean-Paul Sartre selon laquelle « l’enfer, c’est les autres » ne passera pas aux yeux des défenseurs acharnés de l’alternance politique. Le libre penseur vous aura prévenu afin que ne rejaillisse le scénario de 2018.

Auteur: Aba’a Oyono