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Cameroun : ‘Satan a pris une chambre dans la tête des influenceurs’

Ekanga dénonce le mauvais usage des réseaux sociaux par les Camerounais

Tue, 11 Jul 2023 Source: Wilfried Ekanga

Les Camerounais ne sont pas prêts pour les réseaux sociaux. C'est un fait qu'on a constaté depuis fort longtemps, et la tendance ne s'améliore pas du tout avec les années. Les choses ont notamment empiré depuis que certaines « stars du web » ont fait monétiser leurs pages. C'est à ce moment-là que Satan lui-même a pris une chambre étudiant dans leur tête pour apprendre la pourriture appliquée. Ces derniers mois, on remarque par exemple que le « buzz de la mort » est devenu le principal tremplin pour se faire de l'audience et augmenter ses revenus en ligne.

En un mot, dès qu'une personne décède tragiquement, plutôt que de rechercher la vérité sur les circonstances précises de sa disparition, plutôt que de déterminer les éventuels coupables et de contribuer à les faire écrouer, et surtout plutôt que d''évaluer les mesures qui pourront permettre d'éviter ce type de drame à l'avenir, ceux qui se font appeler « personnages publics » préfèrent se fabriquer des circuits parallèles dans des sorties vidéos idiotes sous fond de règlements de compte, de versions contradictoires, de commérage sans queue ni tête et de surexposition narcissique, afin de faire croitre leur visibilité et de récolter plus d'argent.

Ça s'appelle le « boost macabre ». Ou le « nécro-business » (le business sur cadavre).

DESCENTE ET DÉCADENCE

Le tableau est simple, et il est le suivant : les clauses de la monétisation vous exigent de produire du contenu de manière incessante, chaque semaine, chaque jour, voire chaque heure s'il le faut. Sauf qu'il est impossible de générer de la qualité toute la journée, alors ces « stars » en carton trempé iront s'accrocher à la moindre trivialité pour lancer des direct-Live d'une débilité inénarrable. Tout d'abord, ils vont annoncer en grande pompe qu'ils ont des « révélations » à faire à X heure, puis ils vous diront qu'en dessous de X nombres de personnes connectées ils ne parleront pas, et ensuite ils vont exposer leurs produits de vente (parfums, tissus, mèche, etc...). Et quand ils se mettront enfin à parler du sujet pour lequel vous vous êtes connectés à leur plateforme, vous constaterez alors qu'en réalité ils n'en savaient pas plus que ce que vous saviez déjà. Ils n'en savaient en fait... rien.

Vous vous êtes juste fait avoir comme un pigeon, et vous avez naïvement contribué à leur audience macabre.

« Facebook, c'est pour se distraire ». Voilà une autre imbécillité qu'on entend de la bouche de nombreux Camerounais adultes, de surcroît pères et mères de famille. Des inconscients compulsifs qui ne comprennent pas que grâce à l'ère de la technologie et d'internet, nous possédons enfin un pouvoir communicationnel qu'aucune génération avant nous n'a possédé, ni ne pouvait s'imaginer. Autrefois, on ne pouvait qu'espérer que les quelques personnes qui passent à la télévision parlent à notre place et fassent entendre nos voix et nos idées (dans la mesure où ils les partageaient). Aujourd'hui, beaucoup d'entre nous disposent d'une audience supérieure à des chaînes de télévision, mais choisissent de s'en servir pour alimenter un modèle de pourriture qui n'a même plus besoin d'aide pour être pourri !

Et puisque Facebook c'est pour se distraire, puisqu'il ne faut jamais être sérieux, puisqu'il faut rire tout le temps et surtout de tout, puisque tout est une occasion de buzz et que même la mort ne fait plus peur, les trois quarts des sorties médiatiques autour des tragédies en cours ne s'attardent absolument pas sur la résolution de ces tragédies ou sur la prévention des tragédies futures. Au contraire, chacun espère chaque matin trouver un drame tout chaud pour en faire l'objet de ses dix prochains Live, où il évitera le sujet à l'extrême, « pour l'amour des vues et le salut de la monétisation ». C'est le règne de la pourriture, et elle s'est métastasée ces derniers temps, comme un cancer du colon.

Je persiste donc à dire qu'à quelques exceptions près, les Camerounais sont l'un des peuples au monde à qui les réseaux sociaux sont le plus inutiles. C'est un exemple vivant de gaspillage de connexion internet ! Et depuis l'avènement de la monétisation, la décadence avance au galop : car les vampires ont quitté la nuit et se prélassent désormais en plein soleil !

EN BREF :

Depuis l'Antiquité, Sophocle (un penseur athénien qui a vécu il y a 2 400 ans) constatait déjà que « jamais n'a grandi chez l'homme un mal pire que l'argent ». Plus récemment, au 18e siècle, Jean Jacques Rousseau remarquait aussi qu' « on a tout avec de l'argent, sauf des mœurs et des hommes ». Aujourd'hui, en 2023, vous devez prendre conscience que ceux qui vous entourent n'attendent que votre décès pour tripler leurs followers - et donc leur rémunération -. C'est cela l'illustration d'une société décadente où les personnalités les plus connues sont aussi - pour beaucoup - les plus crétines. L'humanisme a disparu. Il y en a qui se serviront du décès de leur propre mère pour devenir des « personnalités publiques ».

Le fait est clair, et il est établi : si vous supprimez la monétisation des pages, vous observerez que le flux de contenus qui apparaît sur le fil d'actualité diminuera drastiquement, et ce en l'espace de quelques heures. Car ce qui anime ces gens que vous voyez pleurer en Direct-Live, ce n'est pas l'amour des défunts, mais la créance sur le compte en banque à la fin du mois, suite à ce direct-Live.

C'est cela la pourriture.

EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED

( Je me souviens par ailleurs d'un certain Bob Lee, dont les uns et les autres ont récemment fait des « sorties » affirmant à la fois qu'il était vivant et qu'il était mort. Voilà qui vous donne un aperçu du type d'odeur qui s'échappe de cette poubelle mentale )

Auteur: Wilfried Ekanga