Cameroun : mort lente et certaine de l'opposition

Ce qui est particulièrement fâcheux pour l'opposition camerounaise, et en voie de lui être fatal, c'est cette apparente platitude du champ politique, prisonnier d'une sorte de fixité de l'espace et du temps.

Cette morosité ambiante, qui crée subrepticement un climat trompeur, comme une mer gelée à sa surface alors qu'en ses dessous s'agitent les dynamiques plurielles de la vie, a pour malheureuse conséquence de figer non seulement les imaginaires collectifs, mais encore plus les consciences individuelles, dans une apathie généralisée et une nonchalance des jours de deuil.

En effet, l'absence opportune d'échéances politiques dans le court terme semble restreindre le champ des possibles de l'innovation et de l'inventivité politiques, et limiter du même coup les occasions et raisons de la mobilisation militante.

Cette absence d'échéances politiques dans le proche horizon, tout en démobilisant les acteurs du jeu partisan et en rendant diffus les enjeux politiques, plonge la grande majorité des entreprises politiques dans la léthargie et l'attentisme, leur laissant l'illusion qu'elles se réveilleraient à temps pour 2025... et peut-être avant, si l'agenda venait à s'accélérer pour une raison ou une autre.

Dans cet entre-deux pris au piège de la morosité et qui féconde la monotonie, pendant que les forces du changement se rongent les ongles le cœur maussade, les réseaux sournois qui se discutent le pouvoir suprême, sous le regard nonchalant du peuple avachi, travaillent quant à eux nuit et jour pour hâter la transition au sommet de l’Etat, et obstruer tous les interstices par lesquels se glisserait le changement tant espéré.

Tout en reconnaissant les contraintes conjoncturelles et structurelles majeures auxquelles fait face l'opposition, liées celles-ci au caractère inique des règles encadrant le jeu politique, à la détermination de l'ordre gouvernant à réduire toute capacité de contestation dans ses marges, force est pourtant de souligner que cette apathie de l'opposition ouvre un boulevard aux réseaux para-institutionnels qui guettent le fauteuil présidentiel.

Et malgré les stratégies affinées pour l'émasculer complètement et finaliser la castration de ses leaders, L'OPPOSITION CAMEROUNAISE GARDE ENCORE DANS SON JEU DE BELLES CARTES À JOUER.

En lui rendant hommage somme toute, tant il paraît héroïque d'exister sous le régime actuel et de résister à son oppression, il devient urgent de lui lancer cet appel vivifiant, par-delà ses lignes de faille, de fracture et de divergences : RÉVEILLEZ-VOUS !

Réveillez-vous, oppositions et forces apparentées, pour conduire trois (03) missions essentielles :

1- Rassurer le peuple souverain qu'une alternative démocratique portée par les forces du changement reste possible, dans l'espoir de barrer durablement la voie aux adeptes des coup d'Etat et autres putschs.

2- Imposer au lobbies para-institutionnels et para-administratifs de respecter votre fonction politique essentielle à la construction de la démocratie, tout en renégociant votre magistrature d'influence dans tous les débats actuels qui dessinent, au moins dans le court terme, les traits du Cameroun qui s'en vient.

3- Créer une synergie d'actions, non pas pour construire des alliances politiques autour de projets de société ou de programmes de gouvernement (bien qu'importantes, elles paraissent toujours suspectes et ne sauraient être nécessaires à l'heure actuelle), mais davantage dans le but de bâtir des positions communes sur ce qui devrait objectivement tous vous rassembler :

- d'abord l'impératif de faire respecter le schéma constitutionnel de la transition.

- ensuite la nécessité d'exiger de l'armée républicaine d'observer une position de neutralité toute aussi républicaine.

- enfin l'importance de réclamer des partenaires bilatéraux du Cameroun, la neutralité minimale et la non-ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun.

Sur ces prémices, une synergie transpartisane de toute les composantes de l'opposition est essentielle. Leur avenir en dépend, de même que la survivance de l'option démocratique de l'alternance.