La rédaction de camerounweb vous propose ces effroyables révélations de Ébalé Angounou sur la face cachée des relations entre les présidents Ahmadou Ahidjo et Paul Biya.
Chers amis et chers frères, nous trouvons judicieux de partager avec vous cet extrait du témoignage de Ébalé Angounou, un ancien collaborateur de Paul Biya, président du Cameroun depuis près de 40 ans. Ce témoignage intitulé "Sang pour Sang: Le Vrai Visage de Paul Biya", vous aidera d’abord à comprendre pourquoi et comment un seul homme a réussi à prendre en otage 35 millions de Camerounais, et régner en despote absolu sans inquiétude pendant quatre décennies. Ce témoignage vous aidera ensuite à comprendre comment l’Afrique en général, et le Cameroun en particulier, sont gérés. Il vous aidera enfin à comprendre la profondeur du joug spirituel dans lequel l’Afrique se trouve, et pourquoi elle a du mal à s’en affranchir.
Ce témoignage, bien qu’effroyable, dégoutant, et révoltant, est riche en révélations. Il est en sept parties. Ce récit confirme les enseignements sur le Combat Spirituel et le Discernement que nous avons mis à votre disposition il y a quelques années de cela. Nous vous encourageons à le lire, et à en tirer toutes les leçons. Nous vous encourageons aussi à lire nos enseignements sur "Le Combat Spirituel" et "Le Discernement" si vous ne les avez pas encore lus. Ils sont d'une très grande utilité. Vous les trouverez sur le site www.mcreveil.org.
Sang pour Sang: Le Vrai Visage de Paul Biya
En publiant "Sang pour Sang", il va de soi que je suis sur le chemin de l'Exil. Devrais-je en pleurer ou m'en réjouir? L'exil, de nombreux Camerounais y ont goûté avant moi; déjà avec la première République. Certains n'en sont jamais revenus, par option ou par contrainte. D'autres, plus heureux, ont pu effectuer un retour au bercail. Je pense plus particulièrement à mon frère Abel Eyinga. Le Président Ahidjo de par ses méthodes totalitaires et extrémistes, avait amené bon nombre de Camerounais à quitter leur pays pour des raisons de sécurité, parce qu'ils sentaient leur vie menacée.
Avec l'arrivée de Biya, un homme d'une toute autre culture, on a attendu de grands changements. D'ailleurs de nombreux exilés sont rentrés au pays en ayant fait foi au discours du Président. Je pense ici au Père Jean-Marc Ela, figure emblématique de l'idéologie au Cameroun, en exil. La fuite des intellectuels constitue une hémorragie telle que le pays se vide de plus en plus de ses valeurs. Mais il n'est guère plaisant de partir. Même lorsque cela semble être une nécessité vitale, il y a toujours au fond de nous quelque chose qui nous pousse à rester, qui nous force à revenir; quelqu'un, un souvenir, un sentiment etc. ... Seulement, par instinct de survie on se doit de partir, comme dans mon cas.
Mon nom est Ébalé Angounou. Je suis Camerounais âgé de 39 ans au 27 mai 2001. Je refuse d'être traité d'opposant au régime de Paul Biya car, je n'en suis pas un. Je m'oppose plutôt aux pratiques auxquelles il se livre pour se maintenir au pouvoir. C'est d'elles qu'il est ici question; je les exprime sans passion, en veillant à dissocier la narration de mes états d'âme et de mes sentiments personnels. Dans les rangs de l'opposition, je compte de nombreux amis dont je suis fier, de même que j'en compte dans le cercle des amis intimes de Paul Biya dont je fus un membre.
Considéré comme un défecteur en 1991, j'ai été emprisonné dans le pénitencier de Kondengui à Yaoundé sous de fallacieuses accusations qui m'ont valu d'être condamné à trente mois de prison. Je garde encore des séquelles de cette affreuse détention exceptionnelle. C'est en étant dans ces conditions que j'ai publié mon tout premier ouvrage "Paul Biya, le cauchemar de ma vie", édité par Le Messager de Pius Njawé en octobre 1992. Bien entendu, la vente et la circulation du livre furent interdites au pays. Il ne put passer alors que sous le manteau. A plus que Pilate, qui n'était que Gouverneur, il y a Paul Biya, qui est chef d'Etat, donc doté de plus grands pouvoirs qu'un Gouverneur, fût-il Ponce Pilate. "Qui donc me condamnera de prendre la vie de qui je veux, ou de donner la vie à qui je veux? Pas Jésus-Christ en tout cas, et encore moins Dieu." (Paul Biya, extrait d'une correspondance particulière).
Dans mon pays, je suis la cible des dirigeants, qui n'ont de cesse à me tenir à l'œil, attendant le moindre faux pas de ma part, pour avoir l'occasion de me renvoyer à "Yuma". Tout est parti de cette interview par moi accordée au journal "Le Messager" en juin 1991, alors même que j'étais devenu l'un des personnages les plus médiatisés du pays. J'avais alors menacé d'étaler tous les "petits secrets" du Président de la République, par une déclaration plutôt innocente, mais lourde de conséquences: "Si j'ouvre la bouche, le chef de l'État va démissionner."
C'est ici que j'ouvre la bouche. Je n'attends pas de lui une démission mais je présume déjà de ses réactions. C’est pourquoi j'ai dû auparavant prendre le large. Depuis que je suis présenté comme un danger pour lui, je suis attentif à tout ce qui se passe autour de ma présence en certains milieux, mon nom créant très souvent des susceptibilités parfois difficiles à gérer, dans un pays où toutes les institutions sont à la solde d'un parrain qui ne dit pas son nom. À quoi peut donc s'attendre d’un citoyen qui a eu maille à partir avec le chef de l'Etat?
Si je suis encore vivant dans mon pays après tout ce que l'on m'a fait subir, c'est bien par la grâce de Dieu. Je m'étais juré de ne plus me jeter dans un genre de littérature. Mais je n'ai pu tenir parole. Je ne m'en plains pas, parce que j'estime qu'il a fallu le faire. On ne saurait être complice de ce genre d'homme, de ce genre de pratiques, en gardant le silence. Il est certain que ce livre sera interdit au Cameroun, et que bien de personnes subiront les assauts farouches de la sécurité du Président.
Amies lectrices, Amis lecteurs, libre à chacun de se faire une opinion après lecture de cet ouvrage. Cela ne change rien à mon sort, car même dans mon exil, je vais devoir m'attendre à tout. J'ai connu Jeanne-Irène, cette femme que je vénérais presque. J'ai aussi connu Roger Motaze, ce brillant officier. Tous nous avons été victimes de Paul Biya, à la différence que moi je suis encore vivant pour témoigner et rendre hommage à leur mémoire. À mes enfants, à mes parents, frères et sœurs, à mes amis et à tous ceux qui ne comprendront pas les raisons de cet acte suicidaire, j'exprime ma profonde sympathie.
Le Pacte entre Ahmadou Ahidjo et Paul Biya
Il voudrait démissionner de ses fonctions de président de la République. Mais il n'est pas facile de renoncer absolument au pouvoir, après l'avoir exercé pendant près d'un quart de siècle, de manière totalitaire. Il y a toujours quelqu'un qui vous force à revenir. Alors, il lui est venu dans l'idée de s'assurer une garantie; quelqu'un qu'il laisserait à sa place, et qu'il manipulerait à sa guise, en sorte qu'à travers cette personne, il continuerait d'exercer le pouvoir, considérant qu'il se sera juste retiré physiquement. C'est qu'il doit avoir de sérieuses raisons pour démissionner, car manifestement, rien ne l'y contraint. Cependant, il semblait y avoir une urgence. Certes, çà et là, on évoque des raisons de santé. Mais Ahidjo est un homme de solennités, un homme à suspens, événementiel. Il aime créer la surprise, et sait lui donner un cachet particulier. Il lui eût été facile de positionner un tout autre successeur, en nommant un nouveau Premier Ministre, et démissionner ensuite. Suivant les mécanismes de la Constitution, c'est le nouveau Premier Ministre qui succéderait à la tête de l'Etat.
Entre le Président et son successeur, il se passa quelque chose de très profond: un pacte. Car, Ahidjo voulut s'assurer la fidélité de Biya. Or, Ahidjo était franc-maçon. Et Biya lui avait été recommandé par Louis-Paul Ajoulat. Ce parrain de Biya était lui-même franc-maçon, une puissante confrérie qui agit efficacement en milieux politiques. A son retour de France où il a suivi de grandes études, le jeune Paul n'est pas tout à fait imbu des réalités et pratiques en cours en Afrique, qui demandent qu'on se compromette lorsqu'on veut s'intégrer dans les hautes sphères du pouvoir. Le fait est que, on ne peut pas faire certaines choses, sans faire certaines autres choses.
Paul Biya est né le 13 février 1933 dans le village Mvomeka'a, arrondissement de Meyomessala, département du Dja et Lobo, au sud-Cameroun. Il obtient son baccalauréat en 1956, au lycée Général Leclerc à Yaoundé. L'ancien séminariste d'Akono et Edéa s'envole alors pour Paris où il suivra ses études supérieures, au lycée Louis-Le-Grand, à l'université de Paris-Sorbonne, à l'institut d'Études politiques et à l'Institut des Hautes Études d'Outre-Mer. Ces études seront sanctionnées par l'obtention d'une licence en droit public en 1960, un diplôme de l'institut d'Etudes politiques de Paris en 1961, un diplôme de l'institut des Hautes Etudes d'Outre-Mer en 1962, et d'un diplôme d'Études Supérieures en droit public en 1963.
De retour au pays en 1962 avec Atyam Jeanne-Irène, une sage-femme originaire d'Akonolinga, qu'il a rencontrée puis épousée à Paris au début des années 60, il va commencer un riche parcours professionnel en pente ascendante, soutenu auprès d’Ahidjo par Ajoulat. En octobre 1962, il est nommé chargé de missions à la Présidence de la République; en janvier 1964, il est directeur du Cabinet du Ministre de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et de la Culture. En décembre 1967, il est fait directeur du Cabinet Civil du Président de la République, pour devenir en 1968, le Secrétaire Général de la Présidence de la République. En juin 1970, il est ministre d'État, confirmé aux mêmes fonctions. En 1975, il est nommé Premier Ministre de la République Unie du Cameroun.
Ahidjo, pour démissionner de ses hautes fonctions de Président de la République, se soumet à ce calcul et cette précaution politiques qui consistent à placer comme successeur, un inconditionnel, qui lui obéirait à l'œil et à la baguette. Ainsi, non seulement il se met à l'abri de quelques désagréments, mais en outre, l'influence qu'il exercerait sur son successeur lui permettrait d'orienter le cours de la vie du pays. Mais qui donc va être l'homme du Président? Membre de la Franc-maçonnerie, Ahidjo appartient aux cercles initiatiques. En conséquence, il sait sur quelles bases lier quelqu'un. Or, son Premier Ministre lui semble d'évidence l'homme de la situation: Il réunit tous les critères nécessaires de par son parcours, il peut valablement le relever aux fonctions présidentielles et de par sa psychologie, il ferait une bonne marionnette.
Car, Ahidjo croit avoir en face de lui un lâche, un timide, discret et effacé, incapable de prendre ses responsabilités à proprement parler. C'est la personne idéale en matière de manipulation. A travers lui, Ahidjo compte pouvoir intervenir dans les grandes décisions du pays, bien que n'étant plus officiellement aux affaires. Mais le tout n'est pas là. Il faudrait que Paul Biya prenne pleinement conscience de ce qu'il est et demeure un instrument; il faudrait qu'il sache que s'il est porté à la tête de l'Etat, il devrait le considérer comme une faveur particulière du Président Ahidjo, et lui en être forcément reconnaissant. Car, d'autres personnes, dans le pays, dotées d'une plus forte personnalité, auraient pu être prisées par le Chef de l'État, à l'instar d'Ayissi Mvodo, d'Éboua Samuel etc. ... Le président a eu des critères subjectifs et non objectifs, pour marquer sa préférence sur Paul Biya.
La Constitution, Ahidjo pouvait la faire et la défaire sans rencontrer la moindre opposition. Il aurait pu disposer autrement que du Premier Ministre en matière de succession, et personne n'aurait bougé le petit doigt. Il aurait même pu, malgré les dispositions constitutionnelles, nommer ou désigner son successeur, que cela se serait passé sans obstacle. Si bien qu'en laissant les choses telles qu'elles se présentent, il met Paul Biya en position de lui succéder car, telle est sa volonté. Mais ce poste, le futur Président doit l'avoir sous une condition quelque peu saumâtre: Un pacte.
Il y a alors un rapport homosexuel entre les deux hommes, pour sceller le pacte. Si le bénéficiaire de la mesure vient à trahir ou à violer les bases de leur pacte, il mourra. Et, les bases du pacte sont simples: Paul Biya doit obéissance et soumission à Ahidjo. Cet acte d’homosexualité, Paul Biya ne va pas forcément l'approuver. Mais si tel est le prix à payer pour devenir Chef d'État, il accepte de le payer. D'ailleurs, il n'en est pas à son premier. Déjà, fils de catéchiste, il devait fatalement côtoyer et fréquenter les vieux prêtres missionnaires auxquels sa famille s'était liée. Nombre d'entre ceux-ci n'étaient pas indifférents à la beauté et aux allures féminines de l'adolescent, en sorte qu'il fut quelques fois victime des missionnaires pédophiles. Des scandales furent plusieurs fois étouffés par son père qui tenait à ne pas hypothéquer sa carrière de catéchiste à laquelle il devait tout, et qui lui valait au moins le privilège d'être proche des missionnaires blancs. De nombreux avantages en découlaient. Au plan social, on avait un plus sur le reste des populations, à tous les niveaux. Par ailleurs, on avait l'avantage de voir les enfants aller à l'école, pris en charge par les missionnaires.
La Rupture entre Ahidjo et Biya
En novembre 1982, Paul Biya devient le deuxième président du Cameroun. Il prête serment sur la Constitution, loi fondamentale du pays. Ahidjo entre alors dans l'histoire du pays en lettres dorées. Les deux hommes vont en parfaite harmonie, l'ancien Président poussant même son zèle jusqu'à faire campagne pour son successeur dans sa région natale, le nord-Cameroun, ayant très mal accepté la situation. Il lui faut alors expliquer à ses frères les raisons de son geste; il doit les rassurer, leur garantir qu'en réalité, le pouvoir reste entre leurs mains, et que fondamentalement, tout est inchangé. Pendant ce temps, Paul Biya bat lui aussi campagne de son côté. C'est donc ainsi que l'ex et le nouveau Présidents se lancent dans une vaste campagne qui va embraser le pays tout entier.
Biya ne manque pas alors de signifier sa reconnaissance à son prédécesseur qu'il qualifie, tout au cours de ses périples, et à la faveur de ses discours, d'"illustre". De même, les concertations entre les deux hommes sont fréquentes et régulières, le Président de la République marquant son obéissance et sa soumission à son "illustre prédécesseur", en déférant à toutes ses convocations tant à Yaoundé qu'à Garoua. Avant toute décision importante, Paul Biya va se référer à l'appréciation d'Ahidjo qui doit lui prodiguer des conseils, lui exprimer ses idées, ses vues et orienter les positions du Président.
Sous Ahidjo, les nordistes musulmans, de manière générale, bénéficiaient d'avantages énormes, tant dans l'administration que dans le privé. Les commerçants et autres corps de métiers originaires de la province du nord-Cameroun avaient des faveurs particulières et spécifiques, qui les rendaient privilégiés par rapport à leurs concitoyens. Après Ahidjo, certains ministres décident de mettre bon ordre à la chose. C'est ainsi que Engo Pierre Désiré, alors ministre en charge du commerce, décide d'uniformiser le règlement en matière d'attribution et de traitement des titres de licence. Les commerçants musulmans se rendent bien vite compte que les conditions favorables qui leur étaient un acquis ont changé. Alors, ils vont se plaindre auprès d'Ahidjo, pour finir par réclamer la tête d'Engo. Ahidjo ne va pas tarder à convoquer une fois de plus Paul Biya, pour lui parler de manière condescendante en présence de ses frères du nord, et lui ordonne de limoger le ministre Engo.
Paul Biya, déjà exacerbé par les malaises en lui suscités au jour le jour du fait du contrôle et de la pression que son "illustre prédécesseur" exerce sur lui, va considérer cette injonction comme l'ultime et fatale goutte d'eau qui fait déborder le vase. Il répond alors à Ahidjo que c'est la dernière fois qu'il reçoit des ordres de lui. En réalité, il vient de réaliser qu'il n'y a qu'un seul Président dans un pays. Tout est parti du constat selon lequel Ahidjo se sert de son statut pour protéger les siens et améliorer leurs conditions de vie et veut l'amener lui Biya à le servir, même en cisaillant les Béti, ses frères de tribu. La rupture entre les deux hommes va alors commencer à se ressentir et s'accentuer. Engo, limogé de son poste de ministre est nommé directeur général de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale. Biya l'y éternisera.
Paul Biya fera un premier échec à Ahidjo lorsque celui-ci proposera qu'il lui soit disposé une voiture battant pavillon particulier, et une escorte motorisée qui l'accompagnera à toutes ses sorties. Réponse du Président: "Et lorsque le pays comptera, trois quatre, cinq anciens présidents, et que tous se déplaceront dans ces conditions, les rues de la capitale seront-elles assez grandes à la fois pour eux et pour le reste des Camerounais?" De malaise en malaise, les rapports entre les deux hommes deviennent difficiles à gérer. L'ex-Président se fait alors soucieux de reprendre le pouvoir et de régler à ce "prétentieux" de Biya ses comptes. Nous sommes sous le régime du parti unique et l'Union Nationale Camerounaise (UNC) est le parti au pouvoir. Ahidjo en est le fondateur et en demeure le président. A l'Assemblée Nationale, tous les députés sont acquis à sa cause: Ils sont députés UNC. C'est par là que l'ex-Président de la République compte culbuter son successeur.
Il fait alors passer secrètement, avec la complicité de ses plus proches amis du parlement, un projet de loi qui ferait du président du parti, le Chef de l'Etat, ayant pouvoir de nommer et de révoquer le Président de la République. Quelques heures avant que le projet ne soit soumis à l'adoption des législateurs, Paul Biya en est tenu informé; un défecteur à l'Assemblée lui a mis la puce à l'oreille. Le Président se précipite alors lui-même au Palais de Verre de Ngoa Ekelle pour retirer la mouture qui l'aurait crucifié. Car, si ce coup avait marché, il va de soi qu'Ahidjo lui aurait causé toutes les misères imaginables. Déjà, Ahidjo n'avait caché qu'il ferait au préalable arrêter son successeur pour détournement de deniers publics, avant toute autre forme de procès. Sans plus tarder, le Président se dispose à récompenser le providentiel informateur. C'est ainsi que, comme par coïncidence, celui-ci est nommé ministre de l'information et de la culture. Il s'agit d'un certain Sengat Kouoh François.
L'alors colonel Ze Meka, directeur de la sécurité présidentielle, va être limogé; le Président trouve qu'il a l'alarmisme et le catastrophisme à fleur de peau. Certes, il faut être sur le qui-vive avec Ahidjo. Mais de là à suspecter des officiers de l'armée et les faire arrêter simplement parce qu'ils ont invité des collègues à prendre un pot dans un milieu discret, relève de la pure fantasmagorie. Paul Biya n'a pas bien pris la chose du fait que les suspects du colonel étaient originaires du nord. Mais entre les deux ex-compères, la situation va gravement se dégrader au point qu'ils en arrivent à une guerre de communiqués, Biya se servant des médias locaux pour dénoncer des complots d'atteinte à la sûreté de l'Etat, complots réels ou supposés, et ne manquant pas au passage de mettre en garde certains pays amis du Cameroun, s'associant aux manœuvres déstabilisatrices de ces hommes qui, fussent-ils grands, appartiennent néanmoins au passé historique du pays. Allusion faite au Maroc.
Ahidjo quant à lui, sobre dans ses réactions, se contente juste de dire que "Paul Biya a la phobie des coups d'Etat". Or il se trouve, que le nouveau Président a prêté serment alors que le mandat du président démissionnaire était encore en cours. Ce qui veut dire autrement qu'il assume l'intérim. Alors, en fin stratège, il décide de mettre fin au mandat d'Ahidjo, en anticipant sur les élections présidentielles, auxquelles il est l'unique candidat. Le 14 janvier 1984, il est élu président de la République. Pour Ahidjo en exil, tout semble bien fini. Mais il n'a pas encore dit son dernier mot.
Le Putsch
Mais quoi! Ne sont-ils pas liés par un pacte? Paul Biya ne sait-il pas que les termes de leur pacte ont été par lui bafoués, et qu'en conséquence, il doit mourir? Dès lors, il doit s'attendre à tout, tant sur le plan physique que métaphysique. La réponse ne va pas tarder, puisque le 6 avril 1984, des éléments de l'armée restés fidèles à Ahidjo s'organisent autour du mouvement "J'OSE" pour renverser Paul Biya.
A défaut d'y parvenir, ils réussissent néanmoins à créer la panique à Yaoundé et dans le reste du pays. Très réservé, Ahidjo, depuis Paris, déclarera: "Si ce sont mes partisans, ils gagneront". Une assurance à laquelle Henri Bandolo, directeur du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune va s'attaquer passionnément, lui qui avait eu des relations de choix avec Ahidjo. Mais la tentative de putsch va permettre aux services de sécurité et de renseignements du Cameroun d'éprouver leur efficacité. Car pour peu que les mutins eussent été plus intelligents et mieux inspirés, ils auraient réussi leur coup, avec l'avantage de la surprise. Voilà une faction de l'armée qui se mobilise derrière un colonel (Salé Ibrahim) avec succès, sans qu'aucun obstacle n'y mette un terme. Où donc étaient les services de renseignements pour que ces gens aient eu le temps de s'organiser?