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Cameroun : voici pourquoi le régime a peur de la diaspora

Les Camerounais de la diaspora sont indésirables chez eux

Mon, 13 Mar 2023 Source: Roland Tsapi

Le nombre de Camerounais dans la diaspora croît de manière exponentielle chaque année, au même moment qu’elle nourrit l’envie de retourner mettre son savoir-faire au service du pays. Mais elle reste bloquée notamment par la loi portant code de nationalité, que le gouvernement rechigne à revoir

Le 08 mars 2023, un médecin urgentiste camerounais exerçant en Belgique venu participer au forum pour le développement de Bafoussam, annonçait qu’il faisait partie d’une association des médecins d’origine camerounaise dans ce pays européen, qui avaient l’ambition d’ouvrir une clinique de référence dans la ville de Bafoussam, afin de participer à leur manière au relèvement du niveau de santé des Camerounais. D’après lui, ils étaient au total 1000 médecins camerounais exerçant en Belgique, dont le souhait aurait été de rentrer au pays s’ils avaient le choix.

Selon une étude de la Giz allemande sur l’immigration, en 2016, environ 25 000 personnes de nationalité camerounaise ou de Camerounais naturalisés vivaient en Allemagne. Un graphique qui illustre la courbe migratoire, montre que le flux des départs a pris l’envol dès 1987, et le nombre de naturalisations par an est passé par exemple de 140 en 2000 à près de 1 000 en 2013. Avec une précision, que ce sont les personnes hautement qualifiées qui ont le plus tendance à émigrer du Cameroun.

Ainsi, la Société médicale camerounaise estimait à cette date de 2016 que plus de 4 000 médecins camerounais travaillant à l’étranger, contre 800 qui exerçaient dans les villes du Cameroun. L’étude relevait qu’il est difficile de déterminer le nombre de personnes de nationalité camerounaise en situation irrégulière et le nombre de personnes dont les parents ont la nationalité camerounaise, mais qui n’ont pas elles-mêmes de passeport camerounais, et que les formes d’immigration les plus importantes sont l’immigration pour études, le regroupement familial et la migration de réfugiés. Dans l’ensemble, en scrutant les statistiques officielles, on a l’impression que les Camerounais habitent désormais à l’Etranger.

Partis pour les études, ils n’entendent pas rentrer, même comme ils voudraient rentrer. Et au pays, le succès d’une famille se mesure désormais aux nombres d’enfants qui sont partis à l’Etranger et qui s’y sont installés. Le problème c’est qu’avec le temps et les évolutions mondiales, ces Camerounais partis se sentent de plus en plus étrangers ailleurs, ils suffoquent et veulent rentrer, non seulement pour retrouver le chez eux car on est toujours mieux chez soi, mais aussi pour apporter aux pays leurs connaissances, les mettre à profit pour le bénéfice de la population et le développement du pays, mais rien ne les y encourage.

Aujourd’hui encore les enfants nés et grandi à New-Bell, de parents Bangangté et Bafia, sont obligés de payer le visa pour entrer au Cameroun, du simple fait qu’ils sont allés s’installer ailleurs. Le père a fermé la porte quand l’enfant est sorti de la maison, et l’a même renié, alors qu’il est allé chercher de quoi manger et nourrir la famille.

Le double langage du gouvernement

L’étude de la Giz sus-citée constatait que les politiques de l’État camerounais à l’égard de la diaspora sont vagues et dotées de peu de ressources, et relevait que désormais, les Camerounais résidant à l’étranger peuvent participer aux élections présidentielles, mais la double nationalité n’est pas possible. Le premier obstacle au retour au pays de la diaspora reste en effet juridique, le Cameroun étant le seul pays au monde qui n’est pas jaloux de la nationalité de ses enfants, au moment où les pays même les plus industrialisés multiplient des stratégies pour attribuer leurs nationalités à des étrangers afin de les intégrer dans leurs sociétés. L’Article 31 de la loi de 1968 sur le code de nationalité au Cameroun dit à l’alinéa a) que le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve volontairement une nationalité étrangère perd la nationalité camerounaise. En somme, sans avoir rien fait de mal à son pays, pour avoir juste trouvé des moyens de s’insérer ailleurs et travailler, l’enfant camerounais est désormais renié par son pays.

L’on sait pourtant que cette loi avait été adoptée dans un contexte de répression politique, dans la même période que la loi sur la subversion, pour faire obstacle aux jeunes Camerounais à l’Etranger qui exprimaient des opinions contraires à celles du pouvoir de Yaoundé. Contraints à l’exil et obligés de prendre d’autres nationalités pour se protéger, le régime de Yaoundé trouvait dans cette loi le moyen de les éloigner définitivement et de les empêcher de s’intéresser à la chose publique camerounaise, n’étant plus des Camerounais.

Beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis lors, le président Paul Biya a supprimé la loi sur la subversion, annoncé que les Camerounais n’étaient plus obligés de prendre le maquis pour exprimer leurs opinions, et invité les Camerounais de l’Etranger à revenir au pays. Mais il n’était pas allé au bout de sa logique en supprimant cet article de la loi qui interdit la double nationalité. La commission 7 du grand dialogue national du 30 septembre au 4 octobre 2019, sur le rôle de la diaspora dans la crise et contribution de celle-ci au développement du Cameroun, avait recommandé de réformer le Code de la nationalité pour l’adoption de la double nationalité ou des nationalités multiples.

Le gouvernement continue de faire la sourde oreille. Aujourd’hui encore les enfants nés et grandi à New-Bell, de parents Bangangté et Bafia, sont obligés de payer le visa pour entrer au Cameroun, du simple fait qu’ils sont allés s’installer ailleurs. Le père a fermé la porte quand l’enfant est sorti de la maison, et l’a même renié, alors qu’il est allé chercher de quoi manger et nourrir la famille. Il est même parfois parti sans rien demander, il a pris les chemins risqués du désert et de la mer, il a réussi et quand il revient, il doit payer pour entrer dans la maison, on prend même ce qu’il a apporté, mais on lui rappelle après qu’il n’est plus de la maison quand il émet l’envie d’entreprendre quelque chose. La bible parle de l’enfant prodige, celui-là qui a demandé à son père sa part d’héritage, est allé dans un pays lointain le dilapider dans les jeux, a été obligé de travailler comme esclave pour survivre, mais s’est souvenu que son père était assez riche et employait des gens qu’il payait plus que ce qu’il gagnait.

Il décida de rentrer demander pardon à son père et travailler dans ses champs pour un salaire au besoin, mais quand il revint, son père le reçu en fête, joyeux que son fils soit revenu, oublia toute la fortune qu’il était allé dilapider et le réintégra dans la famille. Au Cameroun, l’enfant est parti sans rien prendre, il revient avec les mains pleines, prêt à aider, mais est refoulé à la porte. Malgré les discours, la diaspora camerounaise reste indésirable au pays, l’article 31 de la loi de 68 le prouve bien.

Auteur: Roland Tsapi