L’écrivain Camerounais Patrice Nganang a été déféré à la prison civile de Kondengui hier nuit après avoir été présenté au procureur général. Dans une tribune publiée sur les réseaux sociaux, l’avocat Me Christian Ntimbane Bomo, estime que cette décision judiciaire serait entachée de multiple violation des dispositions légales au Cameroun et pourrait laisser une jurisprudence sans précédent vis à vis des binationaux au Cameroun.
Ci-dessous l’intégralité de la tribune de Me Christian Ntimbane Bomo :
Selon des sources concordantes, Patrice Nganang aurait été déposé à Kondengui nuitamment après qu'une promesse de le faire repasser devant le procureur a été faite à son Avocat. C'est dire déjà le manque de respect et de la déconsidération que les magistrats ont des Avocats au Cameroun. D'ailleurs je l'ai toujours décrié, les Avocats au Cameroun sont vus comme des comédiens devant les prétoires au Cameroun.
Maintenant pour revenir à la procédure et si c'est avéré qu'il a été déposé nuitamment, il s'agit incontestablement de l'adoption d'une procédure de flagrant délit sans ouverture d'une instruction. Car en matière de flagrant délit, seul le procureur peut décerner un mandat de détention. Le fait de déposer Nganang sans ouverture d'une information judiciaire suppose donc que c'est le procureur qui l'a fait.
Il s'agît visiblement d'un contournement de procédure dans la mesure où du fait de l'arrestation arbitraire notamment l'interpellation de Nganang sur la zone internationale de l'aéroport de Douala, la garde à vue dans un lieu secret pendant 02 jours selon son Avocat Maître Simh, alors que la loi impose qu'une personne arrêtée soit dès cet instant proposée d'être assisté d'un Avocat, d'un médecin sous peine de nullité de la procédure et relaxe pure et simple.
Le descriptif de cette arrestation par Maitre Simh prouve que les policiers n'avaient pas par ailleurs un mandat d'amener qui n'intervient que quand au moins une convocation sans suite a été décerné. Et dans ce cas la police déferre immédiatement le suspect devant Monsieur le procureur ou le juge d'instruction selon le cas. Toute arrestation sans un mandat d'amener annule la procédure sauf cas de flagrant délit, je précise sauf cas de flagrant délit.
Certainement face à l'évidence de la nullité de la procédure du fait de cette arrestation arbitraire qui devait entrainer la relaxe pure et simple du prévenu, le parquet a contourné la procédure en lui revêtant désormais le caractère de flagrant délit. Or le flagrant délit suppose que l'infraction est en train de se commettre ou vient de se commettre. Ou encore le prévenu est en fuite ou poursuivi par la clameur publique.
Dans le cas Nganang, ses écrits datent des jours. Il ne fuyait pas parce qu'il n’avait pas été convoqué. La procédure de flagrant délit ne pourrait se justifier que sur le fait de la détention d'un passeport camerounais au moment de son arrestation et là encore il fallait que le Nganang soit notifié des motifs de sa mise en détention provisoire cette nuit en présence de son Avocat.
Cette précaution a-t-elle été faite? Seul son Avocat nous dira.
Si c'est le motif de détention d'un passeport camerounais qui est retenu parce qu'il a la nationalité américaine, nous publierons un post sur l'absence d'infraction et d'incompétence du procureur à sanctionner les détenteurs des doubles passeports. Nous analyserons la loi au vu de importance que cette jurisprudence Nganang aura sur de nombreux camerounais binationaux.
Maintenant pour la suite de la procédure s'agissant du flagrant délit, il n'est pas impossible que Monsieur Nganang passe devant un tribunal dans les prochaines heures, voire quelques jours. Un jugement pourrait donc intervenir très rapidement car en matière de flagrant délit le dossier est supposé être en état d'être plaidé.
Je voudrais préciser que mes posts sur cette affaire comme dans d'autres ont d'abord un but didactique en vue de l'émergence d'un État de Justice au Cameroun. Je ne suis pas un soutien de Monsieur Nganang qui n'est d'ailleurs pas de mon bord politique bien connu. Je désapprouve comme de nombreux citoyens, mais alors totalement son mode d'écriture que je trouve moralement incorrect. Mon combat est celui d'une justice qui dit le droit dans mon pays. Personne ne m'arrêtera dans cette quête. Car il est écrit que seule la justice élève une nation. Étant prédicateur de la parole, c'est ma mission de prêcher la justice au quotidien.