Sans remonter jusqu'à la nuit des temps, on pourrait simplement indiquer qu'à l'origine ce que l'on appelle de nos jours «Cameroun» fut un protectorat allemand, à la suite d'un accord passé le 12 juillet 1884, au terme duquel les chefs Douala abandonnaient totalement les droits concernant la souveraineté, la législation et l'administration du territoire nommé Cameroun, situé le long du fleuve Cameroun entre les rivières Bimbia au nord et Kwakwa au sud, jusqu'au 4° de longitude Nord [sic : latitude nord] à Messieurs Edouard Schmidt agissant pour le compte de la firme C. Wœrmann et Johaness Voss, agissant pour le compte de la firme Jantzen et Thormalen, tous deux à Hambourg, et commerçants depuis des années dans ces fleuves.
Alors qu'elle semblait l'avoir transformé en simple colonie après la conquête de son Hinterland, l'Allemagne perdra le Cameroun pendant la Première Guerre mondiale, sous les assauts des troupes franco-britanniques. En tout état de cause, on peut constater que, dès février 1916, l'Allemagne a définitivement quitté le territoire camerounais.
Le 29 mars de la même année, un accord francobritannique organise le partage du Cameroun entre les deux puissances : la France occupe l'essentiel du Cameroun oriental, près des quatre cinquièmes, soit environ 432 000 km2 du territoire, et la Grande-Bretagne, le Cameroun occidental, à peu près le cinquième, soit approximativement 88 270 km2. En juillet 1922, un accord de mandat est signé, confiant l'administration du Cameroun à la Grande-Bretagne et à la France pour le compte de la Société des Nations.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Cameroun sera placé sous la tutelle de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui vient alors d'être créée, et au nom de laquelle la France et la Grande-Bretagne l'administrent désormais.
Ces précisions étaient nécessaires, du moment qu'elles permettent seules de comprendre la suite des événements et, surtout, la particularité des trajectoires politiques des « deux Camerouns » ainsi constitués : le Cameroun sous administration française et le Cameroun sous administration britannique.
De fait, bien qu'il soit englobé dans l'Union française et passablement annexé à celle-ci, le Cameroun sous administration française accédera à l'indépendance le 1er janvier 1960. En revanche, le Cameroun sous administration britannique est divisé en deux parties : d'une part, le Northern Cameroon avec ses régions de Dikwa, de l'Adamaoua du groupe Tigon, Ndoro et Kentu et, d'autre part, le Southern Cameroon dont Buéa, Victoria et Tiko sont les principales agglomérations.
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Intégrées politiquement et administrativement à la colonie britannique du Nigeria voisin, les deux parties du Cameroun britannique, régies par l' Indirect Rule et relativement isolées l'une de l'autre, connaîtront elles aussi des trajectoires différentes. Ainsi, devant la divergence des forces politiques des deux parties du Cameroun britannique sur le sort de chacune d'entre elles, la résolution 1350 (XII) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 13 mars 1959 demandera à la Grande-Bretagne d'organiser, sous la supervision de l'ONU même, des plébiscites séparés dans le Northern Cameroon, d'une part, et le Southern Cameroon, d'autre part.
L'objectif, précise la résolution, étant de déterminer les aspirations des habitants au sujet de leur avenir. La même résolution de l'Assemblée générale recommande que le plébiscite relatif au Northern Cameroon ait lieu vers la mi-novembre 1959, alors que celui qui concernait le Southern Cameroon se tiendrait « au cours de la prochaine saison sèche, entre le début de décembre 1959 et la fin d'avril I960». Conformément à cette résolution, le plébiscite relatif au Northern Cameroon s'est tenu le 7 novembre 1959. Les deux questions contenues dans le texte de la résolution et posées aux populations sont les suivantes :
— Désirez-vous que le Cameroun septentrional (Northern Cameroon)
fasse partie de la région nord du Nigeria lorsque la Fédération du Nigeria accédera à l'indépendance ?
— Préférez-vous que l'avenir du Cameroun soit décidé plus tard ?
Par 70 041 oui pour la seconde question et 42 797 oui pour la première, les populations du Northern Cameroon se prononcent en faveur de la remise à plus tard d'une décision sur l'avenir de ce territoire.
Les 11 et 12 février 1961, un autre plébiscite est organisé, relatif cette fois aussi bien au Northern Cameroon qu'au Southern Cameroon. La question posée aux deux parties du Cameroun sous administration britannique
est de savoir « si elles souhaitent accéder à l'indépendance en s'unissant à la République du Cameroun indépendant ou en s'unissant à la fédération du Nigeria indépendant ».
Au Northern Cameroon, les populations se prononcent par 59,97 % de voix pour l'union avec le Nigeria contre 40,03 % pour l'union avec le Cameroun indépendant.
Les populations du Southern Cameroon, quant à elles, se sont prononcées par 233 271 voix en faveur de l'union avec le Cameroun indépendant et par 92 724 voix contre cette éventualité.
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Prenant acte des résultats des deux plébiscites, la résolution 1608 (XV) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 21 avril 1961 indiquera, d'une part, que le Cameroun septentrional s'unira à la Fédération du Nigeria en tant que province séparée de la région nord et, d'autre part,
que la Grande-Bretagne, le gouvernement du Southern Cameroon et la République du Cameroun entameront des pourparlers dans le but d'aboutir avant le 1er octobre 1961 (date de levée de la tutelle britannique sur le Southern Cameroon) à des arrangements visant à régler le rattachement du Southern Cameroon à la République du Cameroun.
C'est dans cet esprit qu'est organisée la fameuse conférence de Foumban à laquelle John Ngu Foncha conduit la délégation du Southern Cameroon, et Ahmadou Ahidjo, celle de la République du Cameroun. Bien que quelques auteurs regrettent qu'un épais brouillard couvre encore les détails liés à cet événement15, on peut tout de même affirmer que c'est cette conférence constitutionnelle, tenue du 17 au 22 juin 1961 à Foumban, qui accouche du projet de création d'une république fédérale, que matérialisera la loi n° 61-24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution du 4 mars 1960 aux nécessités du Cameroun réunifié.
Mise sur pied après d'âpres négociations entre une entité politique au statut juridique indécis (le Southern Cameroon) et une république indépendante (la République du Cameroun), cette constitution fédérale apparaît, pour ainsi dire, comme le foyer du problème posé par le référendum de 1972.