Depuis le 21 octobre dernier, Charles Metouck est fixé sur son sort. Après deux ans de procès, il a été condamné par le Tribunal criminel spécial (Tcs) à 15 ans de prison. L’ex-directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara) et Jean Jules Edinguele l’un de ses coaccusés, ont écopé respectivement de 15 ans et 12 ans d’emprisonnement ferme.
Ils ont été ainsi reconnus coupables de détournements de fonds estimés à 514 millions de Fcfa appartenant au trésor public et à l’entreprise parapublique, Sonara. Les autres coaccusés, Léonard Dikoumé et M. Ngallé Mouelle ont été acquittés. Une chance que Charles Metouck n’a pas eue.
Pourtant avant le début de ses ennuis avec la justice en 2013, il était considéré par plus d’uns comme un «béni des dieux». Plus d’une fois, son arrestation a été annoncée dans les médias. Même après ses nombreux passages devant les instances disciplinaires du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) et les rapports de cette institution, cet originaire d’Edéa dans la région du Littoral va échapper aux mailles de Kondengui.
Jusqu’au vendredi 15 févier 2013, où un Conseil d’administration est convoqué expressément pour le débarquer au profit d’Ibrahim Talba Malla Oumaté, qui cumulait avec ses fonctions de Dg de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph). Certaines rumeurs clament l’arrestation immédiate à Yaoundé de celui qui était Dg de la Sonara depuis 2002. Des rumeurs qui une fois de plus s’avèrent fausses. Mais plus pour longtemps.
Le lundi suivant, celui qui depuis 2001 était président du Syndicat des industries du Cameroun (Syndustricam), est interpellé, et cette fois pour de vrai, du côté du Sud-ouest. Le plus curieux est que son arrestation n’a aucun rapport avec sa gestion à la tête de la société de raffinerie. Mais plutôt à une affaire d’accès dans son ancien bureau avec effraction et soustraction de documents «compromettants».
Aussitôt conduit à la Division régionale de la police judiciaire (Drpj) du Sud-ouest, il va faire valoir une lettre du président du conseil d’administration (Pca), John Ebong Ngollé, qui lui demandait de liquider les affaires courantes et préparer la passation technique entre son successeur et lui-même.
A ce sujet, son avocat va préciser, dans un droit de réponse adressé au journal Jeune Afrique, concernant un article paru dans ces colonnes en mars 2013, « le titre de votre article (« Pris en flagrant délit ») laisse entendre que M. Metouck a été appréhendé alors qu’il était en train de commettre des actes illégaux.
La vérité est que, lorsque M. Ibrahim Talba Malla a été brusquement nommé en remplacement de mon client, le 15 février, celui-ci n’a pu ni ranger son bureau, ni déménager ses affaires personnelles, ni même préparer la transmission des dossiers sensibles à son successeur.
M. Metouck, M. Talba Malla et le Pca de la Sonara avaient donc décidé d’un commun accord que mon client reviendrait dans l’entreprise entre le 18 et le 21 février». Honorant à ce «rendez-vous», M. Metouck va s’entourer de certains de ses collaborateurs pour «mettre de l’ordre» et non pas pour détruire d’éventuels documents pouvant le mêler à quelques malversations.
Cobac
Une audition qui, selon certaines sources, va révéler des informations, au-delà des attentes des enquêteurs. Il aurait avoué avoir remis 150 millions Fcfa à l’ex-secrétaire général à la présidence de la République (Sgpr) Jean-Marie Atangana Mebara pour obtenir le poste de Dg de la Sonara.
Confirmant ainsi tous les soupçons qui le désignaient comme l’un des hommes clés du système Atangana Mebara, et par ricochet de la fameuse G11. Il va également indiquer le rôle qu’il va jouer comme apporteur de fonds pour permettre à Essimi Menye-ministre des Finances à l’époque des faits-lui permettant de reprendre Amity Bank à travers un haut cadre de la Commission bancaire (Cobac). Toujours est-il que l’intrusion qualifiée de frauduleuse vaut aussitôt à M. Metouck, une mise en garde à vue. Le 24 avril 2013, avant son transfert au Tcs, il est condamné par le tribunal de grande instance de Limbé, dans la région du Sud-Ouest, à neuf ans d’emprisonnement.
C’est ainsi que bascule le destin de celui qui a fait passer le chiffre d’affaires de la raffinerie nationale de 250 milliards à 1 000 milliards de Fcfa, entre 2002 et 2012. L’entreprise passant ainsi de la deuxième à la première place de toutes les entreprises de l’Afrique noire francophone.
C’est sous les 11 ans de règne de cet ancien de Rhône-Poulenc (un groupe chimique et pharmaceutique d’origine française mis sur pied en 1928), que la Sonara va être classé selon Jeune Afrique parmi les 500 meilleures entreprises du continent.
Des résultats issus d’un plan de restructuration initié par l’ingénieur chimiste de formation. Un programme qui, selon certains, lui aurait valu cette descente aux enfers. Un fait réfuté par ses détracteurs qui lui imputent le trafic illicite des produits pétroliers.