Comment le tribalisme a tué la candidature unique de l’opposition

Opposition Fustige Electoral Le tribalisme détruit

Fri, 14 Feb 2025 Source: www.camerounweb.com

C’est un texte écrit par Benjamin Zebaze. Il publie son opinion sur sa page Facebook. Le journaliste touche du doigt plusieurs points cruciaux.

« À chaque élection présidentielle, le problème de l'organisation de l'opposition autour d'une candidature unique revient sur le tapis.

Dès la mise en place d'élections pluralistes dans ce pays, j'ai été pour sa mise en place.

Samuel Eboua, le profil idéal

L'ouverture "démocratique" actée, Samuel Eboua, le dernier Secrétaire Général de la Présidence de la République du Président Ahidjo, s'est imposé comme une évidence.

A l'époque, il n'y avait ni Internet, ni radios et télés libres: tout le travail des opposants était relayé par la presse privée, Radio France International (RFI), la BBC...

Le patron d’Équinoxe TV, alors Directeur de Publication du journal à fort tirage " La Nouvelle Expression", a eu une idée géniale en créant un Club de la Presse.

Dans un hôtel de la place, divers journalistes "bombardaient" de questions un homme politique devant un parterre d'hommes politiques et de membres de la société civile.

Le 1er invité était Samuel Eboua : ce jour-là, il a fait tellement fort dans la maîtrise des dossiers qu'il s'est imposé comme le leader de l'opposition.

1er président de l'UNDP, il a fait de ce parti un véritable parti national en récupérant tous les anciens du régime d'Ahidjo qui revenaient en grâce, après les échecs répétés de Paul Biya.

Soutenu massivement à l'Ouest, malgré un ancien contentieux sur l'occupation des terres dans le Moungo, personne n'osait parler de "choix tribaliste".

Bello Bouba en fossoyeur de la dynamique

Nous, jeunes de l'époque, étions tranquilles car nous avions notre candidat à la tête d'un parti politique puissant.

Hélas, par pure égoïsme, Bello Bouba, l'éternel ministre de Paul Biya, est venu détruire le bel édifice en organisant une espèce de coup d'État au sommet de l'UNDP afin de prendre la place de Samuel Eboua.

Comme toujours, le Bamiléké était le bouc émissaire idéal car on l'accusait d'avoir pris en otage Samuel Eboua.

Fru Ndi en sauveur

La nature ayant horreur du vide, il fallait bien trouver un autre leader. L'élection présidentielle approchant, Ni John Fru Ndi, par sa bravoure et sa capacité de mobilisation, s'est imposé comme le leader incontestable malgré les actions souterraines d'obscurs personnages dont Djeukam Tchameni est l'une des figures extrêmes.

L'Union pour le changement a été créé et Fru Ndi a été choisi comme le candidat unique. Bello Bouba et Ndam Njoya ont refusé de suivre la dynamique en diminuant les chances de réussite du Chairman du Sdf. Malgré cela, de l'avis de tous les observateurs, ce dernier a gagné cette présidentielle.

Comme toujours, le Sdf a été fortement attaqué parce que pour beaucoup, ce n'était qu'un repère d'anglo-bami.

Maurice Kamto, l'homme à abattre

Aujourd'hui, Maurice Kamto est incontestablement l'homme politique le plus populaire du pays. Cette fois ci, ce n'est ni un Mbo'o comme Samuel Eboua, ni un "anglo" comme Fru Ndi. Malgré sa pondération, il n'est pas accepté par certains camerounais car il souffre d'un "mal" rédhibitoire: c'est un Bamiléké.

Personne parmi ces crétins pour remarquer que sa popularité se repose sur le même socle que celui de Samuel Eboua et Fru Ndi autrefois.

Un candidat unique en 2025 ? Une affaire de roublards et de petits escrocs

Autant dans les années 90 j'étais pour une candidature unique de l'opposition en vue de la présidentielle, autant je suis viscéralement contre aujourd'hui.

Auparavant, la classe politique était composée de beaucoup de talents; aujourd'hui ce n'est plus qu'un conglomérat composé de tristes personnages dont certains vendraient père, mère et enfants, même si on n'y mettait pas le prix.

Est-ce normal, raisonnable dans le contexte actuel, de retrouver dans une même salle Maurice Kamto, Djeukam Tchameni, Elimbi Lobe, Anicet Ekane, Cabral Libii, Joshua Osih, Matomba, Olivier Bile, Banda Kani… en train de voter pour choisir le candidat unique de l'opposition à la prochaine présidentielle selon le principe d'un homme, une voix ?

De qui se moque-t-on ? Depuis quand on mélange un kilo de sel et un kilo de sucre dans l’espoir d'obtenir un goût harmonieux ?

Le niveau de déliquescence et de corruption de la classe politique actuelle ne laisse aucun choix: que celui qui se sent capable se présente : que celui qui pense avoir quelque chose à apporter au débat mais qui n'est pas à même de gagner, s'allie au candidat dont il se sent le plus proche.

De toutes les façons, à la régulière, même un "cuon" comme moi peut battre Biya. Que ceux qui ne croient pas à une défaite de l'actuel président de la République, se souviennent de ce qui est arrivé à Yaya Jameh en Gambie; un autre féroce dictateur.

Auteur: www.camerounweb.com