« En prélude à l’Assemblée générale de la FECAFOOT de vendredi 26 août 2022, le Secrétaire général de ladite institution a reçu une correspondance de certains Délégués dans laquelle ceux-ci contestent la qualité de président de Monsieur Samuel ETO’O Fils et par voie de conséquence la légalité des actes qu’il pose. Cette contestation est due à la condamnation à la prison ferme pour fraude fiscale dont il a fait l’objet en juin dernier.
Au-delà du fait que cette démarche défraye la chronique, il y a lieu d’apporter quelques éclairages sur le plan du droit. On se rendra compte à l’évidence que la démarche des Délégués dissidents de la FECAFOOT est légalement non fondée (1) et formellement vouée à l’échec (2).
1. Une démarche légalement non fondée. Au soutien de leur action, Ces délégués évoquent les dispositions combinées des articles 36 et 47 des Statuts de la FECAFOOT.
L’article 36 qui traite des conditions générales d’éligibilité dispose que « tout candidat au poste de membre du Comité exécutif doit remplir les conditions d’éligibilité suivantes : (…) c) n’avoir pas été condamné à une peine définitive privative de liberté sans sursis ; d) n’avoir pas été condamné à une peine définitive privative de liberté assortie de sursis simple ou avec probation supérieure à six mois ».
L’article 47 dispose que « Le poste de Président sera considéré comme vacant (…) si le Président se retrouve en situation (…) d’inéligibilité ».
Une interprétation erronée de ces textes par certains acteurs jette de la confusion dans l’opinion. En effet, des personnes non avisées estiment que la condamnation de M. ETO’O le met en situation d’inéligibilité.
L’éligibilité c’est la capacité à être candidat à une élection ; et elle n’est évoquée et vérifiée qu’au début d’une élection. L’article 36 des Statuts de la FECAFOOT énumère alors l’ensemble des conditions.
Ce qui pose problème c’est l’article 47 qui est mal interprété. Cet article ne signifie pas que, si au cours du mandat le Président est condamné à une peine privative de liberté, il est en situation d’inéligibilité. Ce sera appliqué la sanction pénale avec des effets rétroactifs, ce qui est pour le moins curieux en droit.
L’article 47 parle de « l’inéligibilité en cours de mandat » et c’est cette notion qui détermine le motif de la vacance dans le cas d’espèce. Or, l’inéligibilité en cours de mandat doit être interprétée à la lumière de l’article 36 qui fixe les conditions d’éligibilité. Autrement dit, elle est la sanction qui frappe le résultat de l’élection lorsque en cours de mandat, il est rapporté la preuve que l’une des conditions de l’éligibilité n’a pas été respectée et donc que la candidature de celui qui a été élu n’était pas recevable. Cette irrégularité entache ainsi l’élection qui est réputée frauduleuse suivant l’adage « FRAUS OMNIA CORROMPIT », en raison de l’inéligibilité du candidat qui a été élu. La preuve de l’inéligibilité a donc un effet rétroactif (nullité de jure de l’élection) et rend ainsi vacant le poste.
Or, il importe d’insister sur le fait que l’éligibilité d’une candidature s’apprécie au moment de l’élection et donc concerne exclusivement les situations qui se sont constituées avant le vote. C’est dire que des faits survenus après l’élection n’ont aucun effet sur l’élection mais plutôt sur le mandat : il s’agit alors de la déchéance et non de l’inéligibilité. Or, il existe un vide juridique dans les statuts de le FECAFOOT sur la question de déchéance. Bien que la condamnation au pénal emporte généralement la déchéance, il faudrait encore que la décision qui condamne ETO’O en Espagne l’ait prévue et qu’elle soit exécutoire dans l’ordre juridique camerounais.
Même s’il faudrait par une gymnastique intellectuelle et par hasard suivre ces Délégués dans leur démarche de disqualification de M. ETO’O Samuel, il y a lieu de regretter que celle-ci est vouée à l’échec.
2. Une démarche formellement vouée à l’échec
Il y’a lieu de relever que la condamnation de M. ETOO Samuel a eu lieu en Espagne, donc pas sur le territoire camerounais. La question juridique qu’il faudrait alors se poser est relative à l’effet d’une décision pénale étrangère au Cameroun. Est-ce que la condamnation de M. ETO’O en Espagne peut produire des effets au Cameroun ?
Les délégués en question ont vite fait d’éluder ces questions en allant directement signifier à la FECAFOOT le défaut de qualité de Président de M. ETO’O et par voie de conséquence l’illégalité des actes qu’il pose. Cette démarche est pour le moins curieuse. En effet, les délégués en question auraient du au préalable questionner la problématique de l’effet de cette décision au Cameroun. Autrement dit, se demander si cette décision est exécutoire dans l’ordre juridique camerounais ?
Sur la question, le Code pénal camerounais en son article 14 prévoit que « Les sentences pénales prononcées contre quiconque, par des juridictions étrangères, ne produit d’effet sur le territoire de la République que si :
- Le fait est qualifié de crime ou délit de droit commun par la loi pénale de la République ;
- La régularité de la décision, son caractère définitif et sa conformité à l’ordre public de la
République sont constatés par la juridiction saisie d’une poursuite à l’encontre de la
même personne ou par la Cour d’Appel du lieu de résidence du condamné saisie par le
Ministère public ».
Ces deux conditions sont cumulatives et non alternatives. Si la première condition est remplie au regard du fait que la fraude fiscale est également prévue et réprimée par la Loi pénale du Cameroun, la deuxième est loin de l’être. En effet, pour qu’une décision pénale étrangère produise des effets au Cameroun, il faudrait une décision du juge camerounais constatant sa régularité, son caractère définitif et sa conformité à l’ordre public du Cameroun.
Or, ce n’est pas le cas avec la décision condamnant ETO’O. Il y a donc le lieu de constater que la décision le condamnant en Espagne n’est pas, pour l’instant, exécutoire sur le territoire Camerounais. Il est donc nécessaire d’engager la procédure de constatation de sa régularité et ce qui aura pour conséquence de la rendre exécutoire dans l’ordre juridique camerounais. Même si cette formalité est accomplie et que la décision est exécutoire dans l’ordre juridique camerounais, elle n’aura aucun effet sur le mandat car, elle ne mettra pas M. ETO’O Samuel en situation d’inéligibilité.
En conclusion, M. ETO’O Samuel demeure Président de la FECAFOOT. Il n’est pas en situation d’inéligibilité. L’application des articles 36 et 47 demandée par les Délégués dissidents est en l’espèce inopérante.
TAMKAM SILATCHOM GUY ARMEL, Agrégé des Facultés de Droit et Consultant tamkam_armel@yahoo.fr »