Plus les jours passent, plus les fronts se spécifient – et l’evidence de l’internationalisation de la guerre civile camerounaise frappe aux yeux. Je ne vais pas divulguer ici ce que j’ai entendu lors de mes passages au Congrès americain, pour le lobbying efficace fait par les Ambazoniens, lobbying qui a abouti aujourd’hui a la decision de l’Armée americaine de se retirer du Cameroun. Un pas de géant. Mais le même jour, comme par anticipation, la présidence du Cameroun annoncait l’invitation de Paul Biya à Paris, pour un sommet sur la paix qui se tiendra les 12 au 14 novembre 2018.
D’un, Emmanuel Macron, 40 ans, prend l’élection de Paul Biya comme un fait accompli, si accompli en fait, à l’exclusion si totale du scenario burkinabe ou tunisien, qu’il ne s’embarasse pas d’embrasser un président âgé de 86 ans, et qui brigue son septieme mandat, dans la tyrannie la plus longue d’Afrique. Deux, il prend comme une evidence le fait que la paix reviendra dans le Nord-ouest et le Sud-ouest avant novembre, et ainsi Paul Biya, réélu, installé, pourra, à Paris, lors de son premier voyage après sa réélection, donner des leçons sur la paix qu’il aura rétablie. Deux choses si extraordinaires qui sont l’aboutissement de la visite de son ministre à Yaounde, et de la prise de position de Macron pour la ‘stabilité au Cameroun’, lors de son voyage au Nigeria.
LIRE AUSSI: Etoudi: le tourchon brûle entre Ferdinand Ngoh Ngoh et Abba Sadou
Mais ce qui se passe surtout, c’est que Macron entre dans le gouffre laissé vide par la Chine et par les États-Unis. La France revient, dirait-on. Elle est déjà sur le terrain, dans la baie de Rio del Rey qu’elle occupe littéralement avec ses compagnies. Mais si avant Paul Biya regardait ailleurs, lui qui aujourd’hui est mis en difficulté se retourne vers ses patrons les plus sûrs – ceux qui lui assurent son pouvoir depuis le debut. Une parenthèse se referme donc, qui avait été ouverte en 1982. Prudents les Etats-unis se retirent du genocide qui a lieu. La France, elle en profite. Elle reprend la main au Cameroun, veut reprendre la main, revient a grands pas, et plus important: elle estime qu’elle n’a pas besoin de se cacher. Elle se fiche du génocide – Macron est expansioniste. Elle signifie que le Cameroun est une colonie, une de ses colonies, beaucoup plus d’ailleurs que sa chasse-gardée. Et cela, elle le signifie au président nigerian – lui qui est ces jours-ci vraiment affaibli, et qui probablement ne survivra pas à une élection.
La politique est un jeu d’échecs, et la France sait qu’elle a la chance de revenir au Cameroun – c’est ce qu’elle fait. L’espace libéré, elle l’occupe, à grands pas, en des grands gestes, bruyamment, et, soulignons-le, en l’absence d’un débat parlementaire à l’Assemblée nationale parisienne. Car a la différence des USA, de l’Angleterre, et même de l’Allemagne, la France n’a pas encore permis un débat sur sa politique aggressive au Cameroun, dans son parlement. Et la censure dans la presse française sur le Cameroun est totale.
Deux choses sont ici importantes cependant: la crise en Ambazonie n’est pas une petite crise, c’est une guerre civile. Elle va durer. Elle a tous les ingrédients pour durer, et elle va déboucher à la constitution de deux pays – un Anglophone et un autre Francophone. L’évolution sur le terrain laisse prevoir cela, et surtout la défaite tant morale que militaire de l’Armée camerounaise. C’est vraiment comme si elle choisissait la défaite, cette armée, avec ses incendies de villages, ses exécutions sommaires de mamans, d’enfants, ses calcinements d’hopitaux, ses soldats qui filment des cadavres avec arme delicatement déposée sur eux, etc. La défaite morale de l’Armée camerounaise est si cuisante qu’il est surprenant qu’elle ait encore voie au chapitre – en fait, seul le silence de Paris est sa soupape de secours. Mais surtout, l’alignement des pays anglophones, les USA, l’Angleterre, derrière la minorité anglophone est extraordinairement positif. Les voix comme celle de l’ancien président ghanéen Jerry Rawlings ouvrent une fenêtre qu’il s’agit d’élargir. Et la bataille internationale sera ouverte avec le Conseil de sécurité de l’ONU. Et l’ONU est déjà au Cameroun.
LIRE AUSSI: Présidentielle: Paul Biya n'a plus son avenir en main
Rien cepedant n’est aussi définitif qu’une seconde victoire des Ambazonian Defense Force (ADF), après celle du Lebialem, car alors, à la défaite morale, l’Armée camerounaise aura ajouté une cuisante défaite militaire. Pousser la France à entrer dans la guerre est l’enjeu ici, la pousser à mobiliser ses soldats, la où les Americains sont partis, la pousser à creer une operation ‘Licorne’ ou ‘Turquoise’. La ce serait la fin effective du Cameroun tel qu’on le connait, et la naissance effective d’une république d’Ambazonie.
Vas-y, Manu Macron , vas-y!
Concierge de la republique