La construction du complexe d'Olembe est sans doute l'un des plus grand scandales financiers du Cameroun de ces dernières années. Des milliards ont été empruntés pour la construction d'un complexe et plusieurs ont également été détournés sans scrupule. L'années dernière, les noms du ministre du Sport, prof Narcisse Mouelle Kombi et celui du SGPR Ferdinand Ngoh Ngoh ont été cités. Un sujet auquel le Tribunal Criminel Spécial (TCS) devrait s'intéresser après les révélations ci-dessous de l'honorable Cabral Libii.
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" En 2025 le Cameroun doit accueillir la 6ème édition des Jeux de la Solidarité Islamique. L’infrastructure qui doit principalement les abriter est le Complexe Sportif d’Olembe à Yaoundé. Infrastructure dont la construction court le risque d’intégrer le haut du tableau du classement des scandales financiers les plus spectaculaires du Cameroun.
En effet, pour un montant de 163 milliards FCFA empruntés par le Cameroun et logés dans les banques italienne Intensa Sanpaolo et nigérianne Union Bank of Africa, l’entreprise italienne dénommée GRUPPO PICCINI va signer le 30 décembre 2015 le contrat de construction de cet ouvrage qui se présente comme suit dans la fiche de présentation publiée dans le site internet du Ministère des Sports du Cameroun :
- 1 stade de compétition couvert de 60 000 places ;
- 2 terrains d’entrainement d’une capacité de 1000 places chacun avec tribune couverte ;
- 1 gymnase couvert d’une capacité de 2000 places assises capable d’accueillir simultanément 2 compétitions ;
- 1 musée ;
- 1 piscine olympique de 1000 places assises couverte avec différents bassins ;
- 2 terrains de basket-ball non couverts ;
- 2 terrains de volley-ball non couverts ;
- 4 courts de tennis (2 en béton et 2 en terre battue) ;
- Des espaces commerciaux et galeries marchandes ;
- 1 hôtel 5 étoiles d’au moins 70 chambres ;
- Des parkings ;
- Des voiries et réseaux divers ;
- Une plate-forme hélicoptère.
Les travaux de construction vont démarrer en mars 2017. A l’époque, la Coupe d’Afrique des Nations devait se jouer en 2019 au Cameroun. Donc les délais étaient assez contraignants. Pour les respecter, l’option est prise de commun accord de préfabriquer en Italie l’ensemble du matériel en béton armé nécessaire à la construction du complexe sportif d’Olembé et ensuite de l’acheminer au Cameroun par bateau. Ce qui sera fait. Ces travaux supplémentaires vont être facturés à l’Etat du Cameroun. Ce dernier par son Ministre des Sports de l’époque, va refuser de les payer en partie, invoquant l’absence de justificatifs probants et une violation des règles des marchés publics qui prévoient, selon lui, que de telles revendications soient examinées après l’exécution du contrat. Entre temps, l’organisation de la CAN sera retirée au Cameroun en 2018 et lui sera octroyée à nouveau pour janvier 2022.
Le contrat avec GRUPPO PICCINI va être résilié unilatéralement par le Cameroun le 29 novembre 2019. Au moment où GRUPPO PICCINI s’en va, il ne reste que 50 milliards sur la ligne de crédit de 163 milliards. 113 milliards ayant été dépensés pour construire entre autres, l’ossature du stade de 60 000 places. Le reliquat est logé dans la banque italienne. Cette dernière, à la demande de PICCINI qui a entre temps déclenché un contentieux contre le Cameroun, va les bloquer.
Le 03 janvier 2020, une entreprise canadienne dénommée MAGIL est retenue par le Cameroun pour le parachèvement des travaux. Et pour compenser le reliquat de 50 milliards bloqués en Italie, le Président de la République, autorise le 16 février 2021, le Ministre de l’Economie, du Plan et de l’Aménagement du Territoire, à signer une convention de crédit avec la Standard Chartered Bank de Londres et la BPI France Export, pour un prêt de 55 milliards de FCFA. Soit :
- 27 milliards pour une phase I ;
- 23 milliards pour une phase II ;
- 5 milliards pour les contingences diverses.
Le financement de la construction est majoré désormais de 5 milliards pour un total de 168 milliards.
Les liquidités du nouvel emprunt ne vont être disponibles qu’au mois d’août 2021. Et les travaux vont être faits en urgence afin que le stade principal puisse accueillir les matchs de la CAN.
Au moment où la CAN s’achève, le stade de 60 000 places bien qu’ayant abrité la CAN, reste inachevé et certains bricolages d’urgence doivent être refaits. Quant aux autres infrastructures connexes, elles sont soit inachevées, soit inexistantes.
En fin juillet 2022, l’entreprise MAGIL informe l’Etat du Cameroun, de sa décision de suspendre les travaux pour une « première période » de 30 jours, et de son intention de déclencher une procédure d’arbitrage international devant la Chambre Internationale de Commerce à Paris en France. Deux principales raisons sont évoquées :
1- Le non-règlement de 07 décomptes (3, 17, 18, 19, 20, 21, 22) dans lesquels se trouvent les factures des sous-traitants, couvrant la période de travail d’avril 2020 et celle de juillet à décembre 2021, malgré 16 relances et courriers dont certains par voie d’huissier ;
2- Non délivrance des attestations de prise en charge de la TVA et des droits de douane par l’Etat.
Il y a lieu de préciser que les 07 décomptes réclamés par MAGIL s’élèvent à 12,5 milliards.
Rendu au 22 août 2022, le complexe sportif d’Olembe se trouve relativement dans le même état que celui du soir de la clôture de CAN.
Mais au juste quel est le montant des dépenses déjà effectuées au moment où une ardoise de 12,5 milliards est brandie par MAGIL et assortie d’une suspension des travaux ?
1- 4 milliards FCFA octroyés par le Ministère des Sports devant servir à l’achèvement du Stade de Bepanda et d’une pénétrante routière de Douala (dont l’adjudicataire est toujours MAGIL), mais qui ont été « détournés » au profit du complexe d’Olembe sous la dictature de l’urgence ;
2- 4 milliards FCFA empruntés à une banque commerciale camerounaise et totalement cautionnés par l’Etat du Cameroun ;
3- 39 milliards tirés de la ligne de crédit de Standard Chartered Bank sur les 55 milliards positionnés. Ce qui laisse un reliquat de 16 milliards.
Le total des dépenses effectuées est donc de : 47 milliards.
A titre de rappel, l’achèvement des travaux du complexe doit coûter 55 milliards. Mais 47 milliards ont déjà été dépensés (soit 39 milliards de la ligne de crédit de Standard Chartered Bank et 8 autres milliards empruntés et « déroutés ») et une ardoise de 12,5 milliards est brandie.
Si les 12,5 milliards réclamés par MAGIL sont retranchés du reliquat de 16 milliards du compte de Standard Chartered Bank, le total des dépenses sera porté à 172,5 milliards (soit 113 milliards dépensés par PICCINI et 47+12,5 milliards dépensés par MAGIL).
Il ne restera alors dans le compte de Standard Chartered Bank que 3,5 milliards devant servir à l’achèvement du complexe sportif d’Olembe.
Une fois que ce reliquat sera lui aussi consommé, le coût du complexe s’élèvera alors à 176 milliards. A ceci, il n’est pas superflu d’ajouter les 470 millions qui ont servi à la maintenance du stade pendant la CAN…
Il est de plus en plus clair que même lorsqu’on aura dépensé 176 milliards, soit ce chantier sera abandonné, soit il faudra à nouveau s’endetter.
Le plus grave est qu’à ce jour, il y a encore une grosse ardoise des sous-traitants (sous-traitants dont il est dit par MAGIL dans le courrier annonçant la suspension des travaux en fin juillet, que les factures doivent être soldées par les décomptes).
A toutes fins utiles, l’ardoise des sous-traitants se présente comme suit :
1- Entreprise française de travaux publics : 10,5 milliards ;
2-Entreprise belgo-marocaine spécialisée en espaces verts : 1,2 milliard ;
3-Groupe d’entreprises camerounaises du bâtiment : 2,3 milliards ;
4-Groupe des fournisseurs d’achats : 500 millions.
Soit un total de : 14,5 milliards.
Il est donc tout aussi clair que les 12,5 milliards réclamés par MAGIL ne suffiront jamais à éponger l’ardoise des sous-traitants.
Et s’il fallait liquider la dette des sous-traitants, il faudrait soustraire 14,5 milliards du reliquat de 16 milliards encore disponible dans le compte de Standard Chartered Bank.
Il ne resterait alors que 1,5 milliard pour parachever le complexe sportif d’Olembe.
Qu’au moins l’Etat s’humanise et oblige son comparse MAGIL, à payer les sous-traitants !"