Après les premières opérations électorales, les Camerounais attendent désormais l’issue des recours déposés au Conseil constitutionnel par certains candidats ayant pris part au scrutin ou dont la candidature avait été rejetée. A ce jour, 18 recours ont été déposés devant l’instance, demandant l’annulation totale ou partielle du scrutin. Parler d’attente en réalité, c’est un euphémisme, car l’issue de ces recours ne pourra pas s’écarter de la ligne tracée depuis le début, qui est de montrer au peuple camerounais que les élections obéissent à la même logique depuis 1960, celle de consolider le pouvoir de ceux déjà en place. Pour la première fois d’abord, l’instance appelé Conseil constitutionnel sera celle qui connaitra des recours. Elle existe depuis 1996 dans les textes, mais depuis 22 ans son rôle était assumé par la Cour Suprême, parce qu’il n’a jamais été possible jusque-là de trouver les 11 membres qui la constituent.
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Un Conseil vicié depuis les textes
C’est l’article 51 de la Constitution du 18 janvier 1996, qui précisait d’abord la composition du Conseil Constitutionnel, en indiquant que cette instance comprend onze (11) membres, désignés pour un mandat de neuf (9) ans non renouvelable. Ils sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie. Ils doivent jouir d’une grande intégralité morale et d’une compétence reconnue, nommés par le Président de la République et désignés de la manière suivante : trois, dont le Président du Conseil, par le Président de la République ; trois par le Président de l’Assemblée Nationale après avis du bureau ; trois par le Président du Sénat après avis du bureau ; deux par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Cet article créant l’instance, même sans avoir été mis en application, a ensuite fait l’objet d’une révision 12 ans après, en 2008, au moment où la Constitution subissait une modification pour faire sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel. Le principal changement apporté pour ce qui est du Conseil constitutionnel concernait aussi la durée du mandat de ses membres, qui passait de 9 ans non renouvelables à 6 ans éventuellement renouvelables. Après cela il a encore fallu attendre 10 ans, jusqu’au 7 février 2018, en début de cette année pour que le président de la République signe le décret les nommant. Et pour cela il n’est pas allé bien loin chercher. Un coup d’œil sur les anciens décrets de son tiroir, et il a juste dépoussiéré pour ressortir des anciens gouverneurs, ministres et magistrats.
En rappel il s’agit de Charles Etienne Lekene Ndongfack, Ahmadou Tidjani, Bonde Emmanuel, Atangana Clément qui en est le président, Joseph Marie Bipoum Woum, Florence Rita Arrey, Emile Essombé, Paul Choji Nkwi, Jean Baptiste Baskouda, Bah Oumarou Sanda, Jean Foumane Akame.
Biya le seul maître
Impossible de dire si leur nomination a suivi la procédure prévue par le texte qui crée l’instance, à savoir le choix des différents membres par les présidents de trois institutions. D’ailleurs cela aurait été le cas qu’on aurait abouti au même résultat, l’allégeance complète de l’instance au président de la République, puisque les quatre personnalités différentes qui doivent choisir ces membres se résument à la même personne, le président de la République. Lui-même doit choisir trois membres, 6 autres membres doivent être choisis par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat respectivement, eux-mêmes désignés par le président de la République.
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Les deux derniers membres sont choisis par le président du Conseil supérieur de la magistrature, qui est toujours le président de la République. Avant la nomination des membres du Conseil, 13 élections ont déjà eu lieu, avec autant de recours que cette année. Dans le passé, on a été habitué à un rituel de la Cour Suprême qui réglait ces problèmes de contentieux en un temps record, le sort réservé aux recours étant souvent le même : rejetés pour vice de forme, défaut de qualité du plaignant ou autre subtilités juridiques.
Bis repetita
Dès ce 16 octobre, l’instance prend désormais en charge elle-même le contentieux pour une élection présidentielle. Il faut préciser que la majorité des recours sont dirigés contre le parti au pouvoir, accusé d’avoir déployé toute la machine de fraude pour s’assurer la victoire. Il faut également préciser que le candidat du parti au pouvoir c’est Paul Biya, le bienfaiteur de tous les membres du Conseil qui va siéger, pour voir si les recours contre leur créateur sont fondés. On se rappelle comment le président de ce Conseil, Clément Atangana, malgré son âge avancé, avait trouvé des forces pour esquisser des pas de danse à sa nomination, ne tarissant pas d’éloges envers Paul Biya, et ce n’est pas après cela qu’il faut attendre une objectivité de la part de l’instance qu’il préside.
Dans des pays démocratiques, les membres du Conseil constitutionnel sont très indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif, leur nomination est minutieusement examinée et validée par le Sénat lui-même très indépendant, ce qui inspire une relative confiance quand l’instance se penche sur des dossiers. Mais au Cameroun l’instance est de par sa composition le bras droit du pouvoir. Pas surprenant dès lors que tous les recours soient balayés d’un revers de la main, avec la formule consacrée : non recevable. Et il faut préciser que la loi est claire sur un dernier point ; les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours….