Corruption: Pour une solution plus globale

Opinion Icon Feature

Mon, 20 Jul 2015 Source: Jean Marie Nzekoue

Une certaine perception de la lutte contre la corruption a laissé croire à une bonne partie de l’opinion publique que ce combat de tous les instants concernait en priorité l’Etat, ses démembrements ainsi que d’autres structures du secteur public ou parapublic.

Selon cette vision étriquée, la création de la Commission nationale anti-corruption (Conac) traduisait surtout la volonté des pouvoirs publics de passer au scanner la gestion des organismes sous tutelle. Même si cela est vrai en partie, on ne saurait occulter le fait que la corruption est un phénomène transversal qui affecte les secteurs d’activités les plus variés.

C’est fort de cette intime conviction que la Conac vient de redéployer sa stratégie de lutte à travers la signature de deux accords de partenariat avec, d’une part, l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) et d’autre part, la Business Coalition against Corruption (Bcac). Ceci ne relève pas du hasard. Même si aucune classification exhaustive n’existe à ce jour, le secteur des marchés publics au Cameroun est considéré comme l’un des plus corrompus par certains organismes comme la représentation locale de Transparency International, qui relève, entre autres pratiques, la corruption des agents publics, les marchés non exécutés ou non-livrés, le rôle néfaste des sociétés-écran, etc. Le secteur privé n’est pas en reste, bien au contraire.

Selon une enquête indépendante menée en 2007 sur un échantillon de 1052 entreprises par la GTZ et le patronat (Gicam), «un peu plus de 76 % des patrons interrogés ont affirmé que la corruption avait eu un impact négatif sur leurs activités, 49 % des chefs d’entreprises affirment avoir versé des pots-de-vin aux agents des Impôts et 36 % déclarent verser un montant équivalent entre 1 et 5 % de leur chiffre d’affaires pour obtenir des services». C’est dire l’ampleur d’un phénomène souvent observé sous un prisme réducteur.

A l’observation, les « voleurs du privé » côtoient allégrement ceux du secteur public. Dans le privé, les pratiques de concussion comme l’incivisme fiscal, la dissimulation des résultats ou le monnayage des recrutements, sont d’autant plus récurrents qu’elles sont loin du regard inquisiteur souvent porté sur la sphère publique.

Il s’apprend que des opérateurs économiques au-dessus de tout soupçon s’abritent derrière le caractère privé de l’entreprise pour commettre des actes gravissimes interdits par la réglementation en vigueur et réprimés par conséquent.

A n’en point douter, les récents accords de partenariat qui viennent à la suite des précédents protocoles d’accord signés en 2014, marquent une approche innovante dans la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Elle se justifie d’autant plus que la corruption s’est révélée à la longue comme une hydre à têtes multiples qui exige à la fois vigilance et méthode stratégique innovante pour mieux traquer la bête immonde partout où elle se manifeste. Ce faisant, la Conac est dans son rôle, le gouvernement ayant inscrit, sous l’impulsion du chef de l’Etat, la lutte contre la corruption dans ses priorités d’action à travers des documents d’orientation stratégique (DSCE, Vision 2035).

Placée sous la responsabilité du Programme national de gouvernance, la lutte contre la corruption avait besoin d’un bras séculier pour mettre en œuvre les grandes orientations du Plan gouvernemental de lutte contre la corruption. Le combat du terrain est venu accompagner et compléter une panoplie d’actions et de réformes déjà engagées en vue de doter le Cameroun d’instruments juridiques et du cadre institutionnel appropriés pour une meilleure efficacité dans la lutte.

Depuis lors, le rôle de « chien de garde » de la Commission s’est manifesté à travers quelques coups d’éclat, des interpellations des gestionnaires indélicats et autres personnalités inculpées pour atteinte à la fortune publique. Ceci dit, la lutte contre un phénomène aussi multiforme que complexe n’a pas encore produit tous les résultats escomptés. Poser le diagnostic des multiples ravages de la corruption est une œuvre salvatrice.

Combattre efficacement le fléau est une autre paire de manches. Il va de soi qu’un relâchement de la lutte pourrait à la longue ruiner les ambitions d’émergence du Cameroun dans une vingtaine d’années. La corruption demeure un phénomène universel dont le caractère multidimensionnel exige une réponse plus pragmatique, fonctionnelle et globalisante.

Auteur: Jean Marie Nzekoue