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Coup d'Etat : le rôle primordial du Général Pierre Semengue, l'homme qui sauva le pouvoir de Paul Biya

C’est un coup d’Etat conduit par un groupe d’officiers de la garde républicaine

Fri, 7 Apr 2023 Source: Roland TSAPI

Pierre Semengue est né le 25 juin 1935 à Bikoka, au Sud Cameroun, de parents de condition modeste. Le père Jean Nti Mbarga (Engbwang Mbarga) est ancien de l’église et la mère Lydie Ngono Semengue est cultivatrice. Ses études primaires se font à Bibia où il avait comme camarades de classes entre autres Marthe Ekemeyong devenue plus tard Marthe Moumié. Après des études au Lycée Leclerc de Yaoundé, il intègre l’armée camerounaise le 1er octobre 1956. Il suit une formation en France à l’Ecole spéciale militaire de Saint Cyr où il a pour promotionnaire un certain Zine El Abidine Ben Ali ancien président de la République de Tunisie.

Il sort de saint Cyr diplômé le 30 juillet 1959 et commence sa véritable carrière militaire en devenant sous-lieutenant au moment où naît l’armée camerounaise, à l’âge de 24 ans. Dans un contexte de nationalisation des cadres avec le départ des français, sa carrière va vite, et de pair avec des formations. Du 15 octobre 1959 au 22 décembre 1960, il poursuit sa formation à l’École d’Application de l’Artillerie de Campagne en France. Il passe lieutenant le 1er avril 1960, et puis capitaine la même année, mais certaines sources indiquent que le président Ahmadou Ahidjo l’a fait monter capitaine directement sans passer par le grade de lieutenant. En 1961, lors de la réunification des deux Cameroun, il est promu à la tête de l’armée avec le grade de chef de bataillon après avoir lutté contre la rébellion de l’UPC dans la région d’Édéa.

Du 1er juillet 1964 au 31 mars 1965, il est stagiaire à l’Ecole d’Etat-major à Paris. Le 19 janvier 1965, Pierre Semengue est promu lieutenant-colonel et devient par la même occasion commandant de l’armée camerounaise. À 38 ans, il est promu général de brigade le 22 juin 1973 et sera par ailleurs le premier officier Général de l’armée camerounaise. Il continue de diriger l’armée camerounaise même sans le titre de chef d’Etat-major. Le 12 juin 1982, il est nommé au grade de général de division et devient Chef d’Etat-major en 1983 après la découverte du complot contre la Sûreté de la République le 22 août. Le 5 février 1992, Pierre Semengue est promu au grade de général de corps d’armées, avant d’être élevé Général d’armée le 25 septembre 2001.

Sauveur le pouvoir de Biya

Pierre Semengue rentre dans l’histoire lorsque dans la nuit du 5 au 6 avril 1984, Yaoundé la capitale du Cameroun est brusquement réveillée par des coups de feu. Les habitants retiennent leur souffle et s’inquiètent quand les balles sifflent jusque dans les domiciles privés. Les télécommunications sont coupées, la radio nationale diffuse en continu de la musique militaire jusqu’au petit matin quand est lu un message par le mouvement «J’ose!», qui annonce la prise du pouvoir en raison du «délabrement du pays et la situation pathétique de la gestion de l’Etat du Cameroun».

C’est un coup d’Etat conduit par un groupe d’officiers de la garde républicaine regroupée au sein de ce qui avait été appelé le Conseil militaire supérieur. Selon Henri Bandolo, journaliste et ancien ministre de l’information et de la culture de 1988 à 1990 dans l’ouvrage intitulé La flamme et la fumée, des soldats loyalistes, conduits par le général Pierre Semengue, organisent la résistance. L’officier le plus gradé (au poste le plus élevé) de l’armée camerounaise, était bien informé de la préparation de l’insurrection. Incertain de la date de mise en exécution, il avait pris le soin -dans le plus grand secret- de consigner au stationnement à quelques kilomètres de Yaoundé une unité militaire avec armes et munitions.

Sorti miraculeusement des tirs d’obus essuyés par son domicile ce matin du 6 avril 1984, il sera l’homme-orchestre de la réplique. L’apport de l’unité militaire de réserve sera déterminant, car elle prend au dépourvu les putschistes qui s’étaient assurés au préalable de contrôler le quartier général des armées, c’est-à-dire les armes et munitions. D’après certaines indiscrétions, c’est le général Pierre Semengue qui aurait encouragé le président Paul Biya à rester au pouvoir en le rassurant qu’il maîtrisait la situation, qu’il réussit d’ailleurs à retourner en une journée, donnant ainsi l’occasion à Paul Biya de s’exprimer à la nation le 7 avril au soir en tant que président de la République du Cameroun, bien en poste.

Bienfaiteur de l’armée

Grâce à cette action héroïque du général, l’armée camerounaise est également devenue le bébé chéri du pouvoir de Yaoundé. Après une purge de près de 1500 hommes en tenue soupçonnés d’être à risque du fait de leur accointance avec l’ancien président de la république Ahmadou Ahidjo, ce qui restait de la grande muette sera désormais dans les bonnes grâces du régime. Avec la crise économique, et alors que les fonctionnaires camerounais subissaient des baisses de salaires, le solde des militaires n’avait cessé d’augmenter, faisant des salaires des militaires les plus élevés de la Fonction publique camerounaise. En 2010, le budget de la Défense, constituait la deuxième plus grosse enveloppe de la loi des Finances. L’année précédente, lors de la sortie des 31e et 32e promotions de l’Ecole militaire interarmées (Emia), Paul Biya avait fait la promesse d’améliorer encore davantage les conditions de vie et de travail de l’armée. A ce traitement préférentiel s’est aussi ajouté les promotions à tout va dans l’armée, qui compte en 2023 par moins de 25 généraux, un record depuis 1973.

Autant d’avantages qu’on ne peut se reprocher de mettre à l’actif des actes héroïques de Pierre Semengue. Admis à la retraite depuis 2011, il s’est souvenu de ses anciens amours pour le sport. Ayant dirigé le Tonnerre Kalara club de Yaoundé et la défunte Ligue nationale de football Linafoot, il est porté depuis sa retraite à la tête de la Ligue professionnelle de football. Mais depuis lors il expérimente l’antagonisme entre le respect strict des ordres dans l’armée et le hasard indiscipliné des jeux. Constamment combattu par les autres instances du football camerounais, il s’accroche cependant comme un militaire à son poste de président de la ligue, logique à la devise du vrai soldat qui doit mourir au front…

Auteur: Roland TSAPI