LA COUPE N’ÉTAIT PAS PLEINE!
La finale de la Coupe du Cameroun en 1968 a failli bouleverser l’équilibre politique du pays. Elle s’était achevée en queue de poisson, sous les yeux du Président Ahmadou Ahidjo. Souvenez-vous qu’à ce moment, le Cameroun est encore une République fédérale. Et même la gestion des compétitions de football, obéissait souvent à cette organisation. C’est ainsi que pour la finale de la Coupe du Cameroun par exemple, la tradition voulait que le vainqueur du Cameroun occidental anglophone, soit opposé au vainqueur du Cameroun oriental francophone. Certaines éditions ont respecté cet équilibre. C’est ainsi qu’en 1964, Diamant de Yaoundé était opposé à P & T de Bamenda, en 1966 Lion de Yaoundé était face à Cameroon Bank, en 1967 Canon de Yaoundé était face à PWD de Bamenda et en 1968, la fameuse finale, la dernière organisée sous ce principe à cause de cet incident, opposait Oryx de Douala à Prison’s Club de Buea…
Notons que toutes les équipes du Cameroun Occidental avaient perdu ces finales et ne manquaient pas de souligner leurs frustrations sur l’arbitrage, alors que d’autres évoquaient l’évolution du football moins rapide que dans la zone orientale. Ce jour donc, le match commence et Oryx est rapidement mené par Prison’s un but à zéro. Le club Bellois égalise. Puis, il est accordé à l’équipe de Douala, un penalty qu’il marque. C’est à ce moment qu’un fait unique va se produire. Ewunkem le Capitaine de l’équipe de Buea, se saisit du ballon et se dirige vers La Tribune où se trouve le Président de la République. La sécurité présidentielle est embarrassée et ne sait quoi faire. Personne ne bouge, visiblement tout le monde attend les instructions du Président Ahidjo qui reste de marbre. Le stade est celui situé au lieu dit Hyppodrome. Ewunkem n’est plus loin du President Ahidjo, le ballon en main. Lorsqu’il arrive à son hauteur, il lui dit quelques mots. Ils ne peuvent plus poursuivre le match à cause de l’arbitrage. Le Président lui serre la main. Et redescend. Le match est terminé. Oryx est déclaré vainqueur. L’unité politique est menacée, désormais, la coupe du Cameroun se jouera en formule unique avec des éliminatoires à l’échelle nationale. Ouf! Ewunkem venait de donner des sueurs froides à tout le protocole.
Prison’s de Buea était une équipe de la prison centrale de Buea, constituée de prisonniers, du personnel pénitentiaire et des joueurs civils. En 1968-1969 par exemple, elle avait une belle brochette de joueurs talentueux internationaux pour certains. Entre autres joueurs de cette fameuse finale,Atangana Ottou (Remetter) le gardien de l’équipe nationale à la Can en 70, Nangoh Kinito, Didi Jipe, Libongo, Njumah, Ewunkem le Capitaine international aussi, Tanga, Moukam, Ndieffi le père de Pius et autres Njoh Etta. C’était une équipe forte et très bien organisée dans laquelle évoluera plus tard Joseph Antoine Bell.
Bonne finale de la Coupe du Cameroun. C’était le clin d’œil de l’histoire. Que Dieu vous bénisse !