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Crise anglophone: comment Paul Biya doit échapper à la CPI

Paul Biya, Paulbiya, Président Le régime de Paul Biya semble plutôt attentif au langage du tout répressif

Fri, 29 Sep 2017 Source: Michel Biem Tong

L’heure est grave. A l’occasion du 56e anniversaire de la Réunification des Cameroun anglophone et francophone le 1er octobre prochain, le mouvement sécessionniste anglophone Southern Cameroon National Council annonce une série de manifestations dès ce samedi 30 septembre 2017 à Bamenda en vue de revendiquer une autonomie totale de la partie anglophone du Cameroun.

Sourd à tout dialogue franc et sincère depuis le début de la crise anglophone en octobre 2016, le régime de Paul Biya semble plutôt attentif au langage du tout répressif: arrestations, tueries, disparitions forcées, procès au tribunal militaire, détention, etc. Depuis quelques jours, l’on observe un fort déploiement des services de sécurité dans les deux régions anglophones du Cameroun.

Le 28 septembre 2017 à Ekona (sud-ouest anglophone), il y a eu affrontement entre les populations et les forces de maintien de l’ordre. Bilan : une femme du troisième âge abattue, des arrestations, intimidations et intrusion des forces de maintien de l’ordre dans les domiciles privés.

Concentration des pouvoirs

Depuis ce vendredi 29 septembre 2017, la région du Sud-Ouest anglophone est sous couvre-feu. Dans une lettre adressée le 26 septembre dernier au secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutierrez, Me Akere Muna, avocat d’origine anglophone, craint un génocide des Anglophones en préparation. Rien à faire. Le pouvoir de Yaoundé se radicalise.

Pourtant, un simple respect des lois qu’on s’est faites aurait évité au Cameroun cette crise qui couve depuis une cinquantaine d’année et qui risque de basculer vers une guerre de sécession au cas où les positions se durcissent. Les deux présidents qu’a connu le Cameroun que sont Ahmadou Ahidjo et Paul Biya en sont les principaux responsables.

La volonté quasi-obsessionnelle de concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’un chef tout puissant a été plus forte que l’intérêt supérieur de l’Etat et des populations. Amadou Ahidjo a violé la constitution fédérale de 1961 en organisant en mai 1972 un référendum en vue de consacrer un Etat unitaire.

Avec la révision de la Constitution de janvier 1984 orchestrée par Paul Biya, le pays est passé de « République Unie du Cameroun » à « République du Cameroun », c’est-à-dire à l’appellation du l’ex-Cameroun sous-mandat français après l’indépendance du 1er janvier 1960. L’ex-Southern Cameroon se trouvait donc ainsi phagocyté. Les anglophones ont commencé à ressentir un sentiment de marginalisation.

Constitution fédérale

Oui, les camerounais d’expression anglaise sont marginalisés au Cameroun. Tous les postes stratégiques dans la haute administration sont occupés par les francophones. La plupart grands projets de développement sont menés dans la zone francophone, pour ne citer que ces quelques motifs de frustration. Les anglophones ont donc le sentiment d’avoir été floués par un pouvoir majoritairement francophone.

Incommodés par une hypercentralisation du pouvoir qui ne cadre pas avec le « self government » qui caractérise la culture politique anglo-saxone héritée du colon anglais, conscients du fait que les hauts fonctionnaires de Yaoundé veulent s’accaparer toutes les richesses du pays au détriment des régions, les Camerounais d’expression anglaise revendiquent au mieux le retour au fédéralisme, au pire la sécession. Le pouvoir de Yaoundé, pour sauver la face, a intérêt à dialoguer.

Seul le dialogue entre le gouvernement et les militants anglophones (quels qu’ils soient) permettraient de sortir de cette crise. Le dialogue pourrait consister en une autre conférence (similaire à celle de Foumban de février 1961) sous l’égide des Nations Unies qui se conclura cette fois-ci par des accords écrits.

Statut de Rome

De ces accords sera élaborée une nouvelle constitution fédérale qui accordera de larges pouvoirs aux Etats fédérés. Contrairement à la loi fédérale de 1961 taillée à la mesure d’Amadou Ahidjo qui attribuait l’essentiel des pouvoirs au gouvernement fédéral. Dans une résolution prise en 2009, la Commission africaine des droits de l’homme prescrivait déjà au gouvernement camerounais le dialogue avec les mouvements sécessionnistes, à condition que ces dernières se muent en partis politiques.

Mais le régime de Yaoundé ne veut absolument pas s’y faire et semble avoir choisir de « casser de l’Anglophone », comme l’y incite d’ailleurs certains organes de presse qui lui sont proches. Mais qu’on s’en se souvienne : la non-ratification du Statut de Rome de 2002 portant création de la Cour pénale internationale ne préserve pas Paul Biya, ses soutiens indéfectibles et « sécurocrates » de poursuites judiciaires devant ladite Cour pour crimes contre l’humanité.

En effet, le paragraphe 3 de l’article 12 du Statut dispose que : « si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est nécessaire …, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit ».

Avis donc à ceux qui appellent aux massacres de la minorité anglophone. Le jugement de la CPI pourrait leur être fatal au cas où le pouvoir change de main.

Auteur: Michel Biem Tong