L’escalade de violence qui n’est plus cantonnée dans la seule zone anglophone et la récente audience tenue à Bamenda par la Commission nationale du Bilinguisme et du Multiculturalisme (Commission Musongue), nous font comprendre que le débat sur la forme de l’Etat n’est plus un tabou, contrairement au dire du Chef de l’Etat camerounais qui dans son discours du 31 décembre 2016 disait que la forme actuelle de l’Etat était non négociable. Cette crise est venue nous montrer qu’une bonne frange des populations autochtones vivant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest n’est pas en odeur de sainteté avec la manière avec laquelle le régime du renouveau gouverne le pays depuis 36 ans. Beaucoup réclament l’implémentation totale de la décentralisation telle qu’elle est inscrite dans le préambule de la constitution et décrite dans les textes subséquents. Ceux qui n’épousent pas la thèse séparatiste réclament une décentralisation plus accrue, qui serait synonyme du fédéralisme ; d’autres encore plus radicaux exigent carrément la partition du Cameroun, ce qui est appelé dans un terme péjoratif, la sécession, c'est-à-dire la séparation de la partie anglophone du pays, de la partie francophone.
Il y a des explications à cela. Avant même que la crise anglophone se déclenche, le Cameroun avait déjà connu par le passé d’autres revendications régionalistes voire tribales, notamment à travers les fameux memoranda. Que ce soit le mémorandum des gens du grand nord qui avait amené le régime à répondre favorablement par la création de l’Université de Maroua et le recrutement massif par concours préférentiel des enseignants de cette partie du pays. On a vécu les revendications des élites de la Lékié pour le développement de leurs localités mieux que la nomination de certains des leurs à des postes de pouvoir. Bref, dans la fièvre d’un mieux vivre et d’un mieux-être, ce sont les ressortissants de toutes les régions du Cameroun qui réclament de meilleures conditions de vie et d’épanouissement. Hélas, le pouvoir de Yaoundé par ses agissements quelque peut tribalistes à lui-même contribué à envenimer le phénomène du repli identitaire, notamment en faisant une répartition régionalistes des postes ministériels et de directions générales de société d’Etat, en nommant à presque tous les postes stratégiques les ressortissants de certaines régions exclusivement, en l’occurrence les ressortissants du grand Sud ( centre, sud et Est) et ceux du grand Nord, (Nord, extrême Nord et Adamaoua) ; ceci a donné le sentiment que le pouvoir était désormais partagé entre le grand Nord et le grand Sud, sous le fameux concept imaginaire l’axe Nord-Sud. Dans ces conditions, les populations des autres régions en l’occurrence le grand Ouest (Ouest et nord-Ouest) sont alors désemparées et ne comptent que sur la force de leurs bras et leur intelligence pour s’en sortir dans la vie, même si l’on peut reconnaitre qu’il y en a quelques uns d’entre ceux-ci qui acceptent composer avec le régime Yaoundé, en l’occurrence les hommes d’affaires de l’ouest. Les populations du littoral et sud-Ouest ne sont pas en reste. Elles aussi réclament une meilleure représentativité dans les sphères de l’Etat, pour se sentir elles aussi prises en compte dans la gestion des affaires de l’Etat. Le régionalisme et la décentralisation qui sont pourtant consacrés dans nos textes fondamentaux ne sont pas entièrement implémentés ; ils auraient pu atténuer un certain nombre de revendications actuelles si les populations avaient le sentiment qu’elles participent pleinement à la gestion de leurs affaires locales.
Le concept de l’Unité nationale en question
Il faut reconnaitre que la date du 20 mai est une date anniversaire qui marque le référendum auquel avait été soumis le peuple camerounais de 1972, date décidée par le premier président de la République Unie du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, pour marquer la réunification des deux Cameroun, le Cameroun Oriental sortant de l’Administration française, et le Cameroun Occidental issue de la tutelle anglaise. Seulement, il y a une polémique qui a cours en ce moment au sujet de la prétendue date du 20 mai, mais aussi davantage sur la duperie dont aurait été victime le peuple anglophone de la part d’Ahmadou Ahidjo. Ce sont néanmoins des polémiques qui ont lieu, au regard du simple fait que l’histoire doit être constamment questionnée, dans le but que la vérité soit restituer.
Doit-on continuer de célébrer le 20 mai ?
Pour les tenants du système en place, la célébration du 20 mai fête de l’unité nationale ne souffre l’ombre d’aucun doute. C’est l’occasion pour ces personnes qui sont aux affaires de continuer à célébrer la mangeoire et les ripailles. D’aucuns ont dit que c’était la fête des « Vins Mets », comme pour dire qu’on boit, on mange et on danse. L’on comprend alors pourquoi des coupons d’invitations sont envoyés à des ami(e)s pour une partie d’agapes en soirée au palais de l’unité. Pendant ce temps, une bonne partie de la population continue de croupir dans la misère et l’indigence. La question a été posée de savoir, doit-on continuer de célébrer la fête de l’unité nationale ? Une autre question sous-jacente à celle-ci surgit elle aussi : sommes-nous unis au Cameroun ? L’on doit pouvoir répondre sincèrement à cette question, sans démagogie ni fioriture. Et compte tenu des revendications qui fusent de partout à l’intérieur du pays et même à l’extérieur de la part des membres de la diaspora, qu’à défaut d’un Etat fédéral, qu’il y a lieu d’accentuer la décentralisation telle qu’elle est prévue dans nos textes. Doit-on continuer de parler d’unité lorsqu’une bonne frange de la population réclame le fédéralisme d’aucuns à deux Etats, d’autres à dix Etats, certains un fédéralisme à quatre grands ensembles constitués d’aires géographiques socio-culturellement homogènes. Le débat a lieu et on ne devrait pas l’escamoter, au risque de faire dans le totalitarisme ou la gouvernance par exclusion, de « ceux qui ne pensent pas comme ceux qui sont au pouvoir ».