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Crise anglophone: le jeu trouble de l'Ambassadeur américain

Peter Henry Barlerin 20072017 Otric 1213 Ns 700 Cameroon Info P Net 800xm9x L'ambassadeur américain Peter Henry Barlerin

Ven., 18 Mai 2018 Source: Ndzana Seme

Comme un militant du RDPC, l'ambassadeur Peter Henry Barlerin invite les camerounais à s'inscrire sur les listes électorales sinon, dit-il, ils ne pourront blâmer qu'eux-mêmes, malgré un Elecam et une cour constitutionnelle soumis à Paul Biya, accuse la Diaspora anglophone d'enflammer le «terrorisme» séparatiste... tout en déclarant qu'il ne se mêle pas des affaires intérieures du Cameroun.

Peter Henry Barlerin est nommé par le président Donald Trump ambassadeur des États-Unis au Cameroun le 19 juillet 2017. C'est le mois où Amnesty International a affirmé que les forces de sécurité camerounaises avaient torturé et tué des dizaines de membres présumés du groupe islamiste Boko Haram. Une enquête a été ouverte et aucun résultat clair n'est disponible jusqu'à ce jour. Au contraire Barlerin dit: «Nous sommes très satisfaits de la coopération avec le Cameroon sur la lutte contre Boko Haram... avec le BIR, l'armée et la gendarmerie», le BIR accusé justement de tortures et d'exécutions extrajudiciaires.

Barlerin était présent au Cameroun quand tous les Anglophones de toutes les villes et villages des régions camerounaises du sud-ouest et du nord-ouest étaient sortis et avaient manifesté dans les rues et les routes le 22 septembre 2017, jour où Paul Biya s'adressait à la 72ème Assemblée générale des Nations Unies sans aucune mention de la crise constitutionnelle anglophone au Cameroun, et son président Donald Trump refusa de recevoir le vieux dictateur au dîner de gala organisé dans l'hôtel où ce dernier logeait. L'armée envoyée par Paul Biya tira sur les foules à balles réelles et tua une dizaine d'anglophones et en blessa des centaines d'autres.

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Toutes les populations anglophones descendirent à nouveau dans les rues le 1er octobre 2017 pour réclamer et proclamer leur indépendance devant le refus de Paul Biya de dialoguer sur leur demande de changement constitutionnel pour le fédéralisme. L'armée envoyée par Paul Biya tira encore une fois sur les foules à balles réelles et tua au moins 17 anglophones et en blessa des centaines d'autres. Et chaque jour après cela jusqu'aujourd'hui, les militaires de Paul Biya tuent, violent les femmes, torturent les citoyens non armés, en répétant qu'ils tuent ainsi les terroristes, une étiquette que le gouvernement avait collée à Agbor Balla, Ayah Abine, Mancho Bibixy et à tous les milliers d'anglophones arrêtés depuis novembre 2016 et gardés dans les prisons, tout simplement parce qu'ils avaient demandé le retour de l'État au fédéralisme qui avait fondé le Cameroun actuel.

À force d'être massacrées sous les fausses accusations de terrorisme, alors qu'ils ne demandent que leur droit démocratique de se gouverner eux-mêmes, les jeunes anglophones ont pris leurs armes traditionnelles pour résister aux forces armées terroristes de Paul Biya. Barlerin sait très bien que le droit du port d'armes aux États-Unis (Deuxième amendement de la Constitution) découle du droit du peuple à former des milices d'autodéfense contre tout gouvernement despotique.

En mars 2018, deux soldats sont tués dans des affrontements avec des séparatistes dans des zones anglophones, et une série d'incidents meurtriers se sont suivis dans ce qui est devenu l'insurrection liée à la campagne pour une plus grande autonomie des anglophones. Et la résistance armée des anglophones se poursuit jusqu'à ce jour où les forces terroristes de Paul Biya continuent de tuer tout anglophone qu'ils voient, de brûler partout les maisons et villages avec des habitants dedans, d'acculer les villageois, femmes, enfants et vieillards à vivre dans les forêts et au Nigeria voisin où ils sont chassés.

Dans tous ces événements dramatiques, l'ambassadeur Peter Henry Barlerin n'a été vu nulle part dans les régions anglophones pour parler aux anglophones révoltés et comprendre pourquoi ils résistent par les armes.

Patricia Scotland, secrétaire générale du Commonwealth, a visité la région anglophone pendant une semaine au début décembre 2017. Elle a appelé le gouvernement camerounais à convenir a un dialogue pacifique et inclusif, sans condition, plutôt que d'utiliser la violence, pour résoudre les problèmes actuels.

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Harriet Baldwin, envoyée de la Premier ministre May, a visité Buea en début février 2018 et souligné la nécessité pour le Cameroun d'adopter un dialogue pour résoudre les troubles dans la région anglophone. Ce voyage lui a donné l'occasion de rencontrer plusieurs parties prenantes dans la région rétive anglophone.

Un ambassadeur, selon le dictionnaire Webster, est un envoyé officiel, en particulier un agent diplomatique de plus haut rang accrédité auprès d'un gouvernement ou un souverain étranger en tant que représentant résident de son propre gouvernement ou souverain ou nommé pour une mission diplomatique spéciale souvent temporaire. Les synonymes de l'ambassadeur sont agent, délégué, émissaire, envoyé, légat, ministre, représentant.

L'une des missions principales de l'ambassadeur est d'informer honnêtement, de manière objective, son gouvernement sur tout ce qui se passe dans son pays de résidence et d'affectation. Il doit donc remplir le rôle d'un agent de renseignements, celui d'un journaliste impartial, afin de bien informer son gouvernement. Quand un ambassadeur refuse d'investiguer les faits ou alors se met a les travestir intentionnellement, très souvent pour ses intérêts personnels, il ne sert pas son gouvernement et ne remplit pas sa mission.

Peter Henry Barlerin, au micro de Guy Zogo d'Équinoxe TV dimanche dernier, dit qu'il a visité toutes les provinces du Cameroun, sauf le sud-ouest et le nord-ouest anglophones, les régions en crise depuis 10 mois qu'il est là. Au lieu d'aller rencontrer les séparatistes anglophones, lui qui réside au Cameroun et dispose de tous les moyens, y compris la force d'escorte des militaires américains installés au Cameroun, on ne voit Barlerin qu'entrain de danser dans les chefferies traditionnelles dont les chefs sont des membres du RDPC, le parti de Paul Biya.

Malgré le fait que sa hiérarchie, le Secrétaire d'État américain demande depuis décembre 2016 le dialogue, dialogue que Paul Biya refuse systématiquement, Barlerin ne fait aucun effort pour favoriser le dialogue, en dehors d'une causerie qu'il organisa avec des acteurs politiques (Maurice Kamto, Grégoire Owona, Agbor Balla, Ngo Mbe Maximilienne, entre autres) parmi lesquels aucun ne représente les séparatistes anglophones.

Au contraire, Peter Henry Barlerin enflamme plutôt les frustrations des anglophones. Guy Zogo lui a fait remarquer que les anglophones comptaient pourtant sur les États-Unis pour mettre fin au coupures d'Internet, aux exécutions sommaires et aux multiples violations des droits de l'homme que subit leur peuple de la part de l'armée. Mais il répond: «Nous avons condamné la violence des deux cotés... la violence rend difficile le dialogue... Je vais continuer de comprendre la situation anglophone sans me mêler dans les affaires du pays».

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Exactement comme un membre du gouvernement Biya, quand on parle à Barlerin des crimes commis par l'armée de Paul Biya, il répond qu'il y'a violence des deux cotés. Il ne reçoit aucun représentant des séparatistes et ne visite aucune localité anglophone en dix mois de séjour au Cameroun, mais il justifie le refus de dialogue de Paul Biya par la violence sur le terrain, sachant très bien que les jeunes anglophones ne font que résister au génocide que l'armée de Biya exécute sur leur peuple.

Il dit qu'il ne veut pas se «mêler dans les affaires du pays» mais il est le premier à accuser la diaspora anglophone des États-Unis à inciter les jeunes anglophones à résister par les armes. Une telle accusation montre clairement que Barlerin considère les séparatistes anglophones comme des terroristes, une fausse accusation que leur fait Paul Biya, et qu'il cherche que les États-Unis cautionnent.

Pourtant, tout comme nos propres efforts diplomatiques au CCT, la diaspora anglophone aux États-Unis a tout essayé auprès de la Maison Blanche, du Département d'État, du Congrès de Washington, DC, et des congrès étatiques pour que les États-Unis fassent pression sur Paul Biya d'accepter de dialoguer inconditionnellement avec notre peuple anglophone. Sans aucun résultat.

Au contraire, cet ambassadeur s'est ligué avec le régime de Paul Biya pour affaiblir tout soutien à la résistance du peuple anglophone contre le terrorisme de l'armée de Paul Biya. Il demande clairement au gouvernement américain de persécuter tous ceux qui aux États-Unis soutiennent le peuple anglophone dans sa lutte pour ses droits à la paix, au développement et à l'autodétermination.

Il lui est demandé qu'est-ce qu'il a fait pour favoriser le dialogue dont il parle tant. Il répond: «Ce n'est pas à moi de dire ce que c'est le dialogue. Les deux cotés doivent venir à la table symbolique... C'est aux camerounais de faire l'essentiel... Il faut que les deux cotés viennent nous demander de faciliter [le dialogue]».

Les deux cotés ont-ils demandé à Patricia Scotland et Harriet Baldwin de venir faciliter le dialogue au Cameroun? Réponse: Non. Elles et leurs organisations se sont senties appelées par le drame des anglophones et des soldats qui continuent de mourir au quotidien. Mais cet ambassadeur pose plutot des exigences, qu'il sait très bien qu'elles ne seront pas remplies, puisqu'il ignore nos multiples demandes dans la Diaspora faisant exactement cette demande depuis décembre 2016.

Nous voyons ici un individu hypocrite et manipulateur, qui se plaît plutôt à laisser pourrir et à enflammer la situation. Il déclare: «l'un de mes objectifs est d'améliorer les rapports économiques entre l'Oncle Sam et le Cameroun». Et il le fait en laissant le Cameroun sombrer dans la guerre civile, qui compromettra les intérêts américains au Cameroun.

Son jeu grotesque de recherche du chaos est plus clair quand il déclare: «Comme je l'ai dit à propos de la situation anglophone, c'est important que les camerounais expriment leurs désirs. Nous pensons que c'est très important de s'inscrire sur les listes électoraux [sic] et de voter. Sans voter, vous ne pouvez pas vous plaindre des résultats, comme disaient plusieurs anciens politiciens américains: "Ne votez pas ça veut dire vous cédez votre vote à quelqu'un d'autre".»

Et Guy Zogo de lui demander ce qu'il fait exactement pour améliorer le système électoral camerounais. Sa réponse: «Nous avons formé des observateurs pour les sénatoriales.. et ça s'est bien déroulé... Nous le ferons pour les législatives, les communales et les présidentielles pour assister le gouvernement».

Voici donc un ambassadeur qui dit que, pour qu'il y'ait des élections justes et équitables, le gouvernement américain ne doit pas s'y mêler, mais qui voit bien que Elecam chargé d'organiser les élections et le conseil constitutionnel chargé de proclamer les résultats sans possibilité d'appel, sont tous les deux sous le contrôle du président de la république qui nomme tous les dirigeants des deux institutions, et qui sait très bien que Paul Biya ne peut jamais perdre une élection dans ces conditions, mais invite tout de même les camerounais à s'inscrire sur les listes électorales et à aller voter, en se mêlant ainsi des affaires intérieures du Cameroun.

Ceci nous rappelle l'ambassadeur américain de Barack Obama en Cote d'Ivoire qui, en fin 2010, pris dans sa voiture la nuit Bakayoko, le président pro-Ouattara de la commission électorale avec ses résultats frauduleux, et l'amena au siège du parti du perdant Ouattara pour les proclamer, avec le soutien de Sarkozy et d'Obama. Nous connaissons la suite: le génocide de Douékoué, le président Gbagbo à la Haye, les massacres dans toute le Cote d'Ivoire...

Voici donc le comportement clair d'un individu qui est venu au Cameroun pour servir les intérêts du régime corrompu et terroriste d'un vieux dictateur corrupteur, en devenant son porte-parole qui appelle les camerounais à aller aux élections que Paul Biya a déjà gagnées d'avance, sous prétexte qu'il forme des observateurs. De tels comportements, qui salissent l'image des États-Unis, sont ceux d'un corrompu.

Auteur: Ndzana Seme