Décongestionner le port de Douala et rendre celui de Kribi opérationnel. Deux missions que le président de la République, Paul Biya vient de confier à deux hommes que le grand public découvre.
Les premiers bateaux commerciaux devraient accoster sur le quai du Port Autonome de Kribi (PAK) dans les prochains mois. L’imminence du début des activités de cette entreprise portuaire flambante neuve s’est précisée avec la nomination de Patrice Melom comme le tout nouveau directeur général de cette infrastructure, l’une des plus importantes de l’ambitieux projet de développement censé faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035.
Le PAK n’a pas de complexe à se faire avec son tirant d’eau de 15 mètres, bien plus que les 11 mètres du port d’Abidjan en Côte d’ivoire, le plus important port d’Afrique de l’ouest. Le nouveau port camerounais bénéficie encore des capacités bien plus impressionnantes : 100 millions de tonnes de marchandises contre 25 millions de tonnes pour le port d’Abidjan. Ce qui fait dire aux experts que la ville balnéaire de Kribi, sur la côte camerounaise, abrite bien le plus grand port d’Afrique centrale et occidentale en termes de potentiel de trafic de marchandises.
C’est bien pour rivaliser avec les autres ports de la côte ouest africaine que les autorités camerounaises s’étaient décidées à construire ce port. Il devait pallier les faiblesses du port de Douala notamment en termes de profondeur du chenal et de capacité de trafic. « Il fallait à tous prix que le Cameroun se décarcasse pour devenir compétitif dans le marché du transport maritime en Afrique », écrivait récemment un collectif de la société civile.
A en croire Louis Paul Motaze, qui a dirigé de bout en bout le projet de construction de ce port en qualité de président du comité de pilotage de la construction du Complexe industrialo portuaire de Kribi, le Cameroun s’est bel et bien déjà repositionné au cœur du marché du transport maritime sur le continent, « ce port va faciliter l’intégration par le flux des transports inter Etats, à travers le corridor de transport et de développement Kribi-Bangui-Kisangani retenu dans le cadre du plan directeur consensuel des transports en Afrique centrale », écrit-il sur le site du ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat).
Aujourd’hui, cette place portuaire a tous les moyens de tenir ses promesses. Selon Louis Paul Motazé, le choix du président Biya de doter le Cameroun de cette place portuaire ultra moderne « marque le début d’une ère nouvelle dans le développement économique du Cameroun, l’ère des grands projets structurants, intégrateurs et générateurs de croissance, d’emplois et de richesse. Cela va en effet permettre d’accélérer le développement économique, par la création d’industries, le développement urbain, le développement des infrastructures de transports portuaires, routières et ferroviaires, ainsi que des infrastructures énergétiques, de communication et de télécommunications. Le Cameroun va accélérer son industrialisation par la mise en exploitation de ses nombreuses ressources naturelles, telles que le fer et la bauxite, dont les opérations d’importation et d’exportation nécessitent des navires de très grande taille ».
Ce que confirme Léandre Edgar Ndjambou, de l’université Omar Bongo au Gabon, pour qui le port de Kribi était bien un impératif pour la Cameroun qui allait voir le volume de ses échanges décupler au point de dépasser les capacités de trafic du port de Douala. « Le port de Kribi est construit pour devenir un port d’éclatement, un hub en Afrique centrale en raison notamment du rôle privilégié qu’il joue dans la desserte des pays sans littoral », écrivait M. Ndjambou dans un récent article scientifique consacré à l’activité portuaire en Afrique centrale.
On comprend alors pourquoi en 2008 les autorités camerounaises ont sorti du tiroir ce projet initié en 1980. Le montage financier est réalisé avec Exim bank of China comme bailleurs de fonds, le Cameroun consent tout de même à apporter une enveloppe de 34 milliards sur les 244 milliards de francs CFA que demandaient le projet. La société chinoise China Harbour Engeneering Compagny (Chec) est choisie comme maître d’oeuvre. Elle débute les travaux de la première phase en 2010. Il s’agit de la construction de bâtiments sur 9 600 m2, d’un terminal à conteneurs capable d’accueillir des navires de 50 000 tonnes et d’un terminal polyvalent pour de plus petits navires. Le tout sur une superficie de 260 km2. Chec a rendu l’infrastructure à l’Etat camerounais clé en main et même que le projet est devenu un cas d’école dans la conduite des projets à la Banque mondiale.
Tout laisse donc à croire que dès l’année prochaine, le PAK pourrait rapporter à l’Etat camerounais environ 6 milliards de francs CFA et plus de 2 000 emplois directs. Le nombre d’emplois devraient s’accroître avec la fin des travaux de la deuxième phase du projet, qui consiste à allonger le quai du port avec la construction de nouveaux terminaux. Les travaux commencent à la fin de cette année. Et tout indique bien qu’une troisième phase devrait décupler les capacités d’accueil du PAK pour en faire un modèle du genre en Afrique.