Celui qui a été pendant plusieurs décennies le chef de la police politique de Ahidjo et Biya se lâche sur la police qu’il a contribué à bâtir. Tombé en disgrâce, il semble avoir retrouvé la lucidité.
« N’en déplaise aux susceptibles, la police n’est pas une profession de rêve, pas plus pour les parents que pour leurs enfants. Elle s’est placée comme le dépotoir des ratés de toutes les familles aristocratiques et privilégiées du pays.
C’est un dépotoir où l’on case des enfants qui, n'ayant pas pu aller au-delà du CEPE, ont essayé sans succès tous les métiers ; un bon refuge qui, en plus, offre confort, pouvoir et sécurité.
Le recrutement, qui n’est conditionné que par l’obtention du plus bas diplôme, celui de fin d’études primaires, subit de plus en plus de pressions, de coups de fil et de pots de vin. Les enfants sont parrainés dès leur entrée au centre d’instruction.
Ils sont moralement liés à des cadres et hauts responsables qui veillent à ce que leurs premiers postes d’affectations soient juteux. La province de l’Ouest et les postes de contrôle des frontières sont généralement les plus sollicités.
Voilà comment la police camerounaise, au fil du temps, s’est érigée en une grande organisation criminelle aux réseaux tentaculaires, qui sévit impunément. Cet état de choses a été favorisé par une presque indépendance administrative inhérente à son statut de corps autonome, n'ayant de comptes à rendre qu’à la Présidence de la République.
On peut facilement comprendre le premier régime dont la police fut la première et seule institution souveraine armée et qui devait par conséquent être jalousement et fièrement gérée.
La Police, dit-on, a pour rôle de maintenir l’ordre. C’est une attribution à la fois très large et très vague dans un pays où les citoyens sont pour la plupart des illettrés et ne savent pas bien quels sont leurs droits et leurs obligations.
Nos législateurs font preuve de laxisme et d'une incapacité flagrante ; ou peut-être est-ce simplement de la paresse ? Toujours est-il que les conséquences qui en découlent sont très graves. Des citoyens croupissent dans les prisons sans en connaître les raisons, victimes d’une injustice qui a pour origine le commissariat de police où aucune assistance judiciaire ne leur est donnée.
L’individu doit se battre contre la hargne d’une horde de policiers véreux qui le terrorisent à fond pour lui soutirer le plus d’argent possible. Il sera ensuite envoyé devant un Procureur de la République qui a droit de vie et de mort sur lui.
À ce stade aussi, il est rançonné au prix fort et ne devra sa liberté qu’à la solidarité familiale ou villageoise. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’acquitter de tout ce qui leur est demandé sont conduits devant un Juge qui leur donne une dernière chance à un prix revu à la hausse.
Imagine-toi, le suspect n’est toujours pas conscient de ce qui lui est reproché, ce d’autant moins que nul ne se soucie de le lui faire savoir. Seul l’argent focalise toutes les attentions »
La suite en lisant le livre « les révélations de Jean Fochive »