Des formations sanitaires désertées au détriment des patients. Dans la salle d’embarquement de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, deux médecins en service dans la partie septentrionale du pays, devisent en attendant le vol qui doit les ramener à Garoua.
Fier, le premier explique qu’il vient de passer « un mois plein à Yaoundé », où il officie, par ailleurs, dans une clinique privée à Odza, au détriment de son centre de santé d’affectation.
Mieux, poursuit-il, depuis son affectation en octobre 2015, il confiera à son confrère n’avoir séjourné « que deux mois en cumulé» sur place, soit près de quatre mois d’absence au poste, visiblement pas réprimés.
Il faut dire que pour nombre de personnels de santé affectés dans cette partie du pays, ce ne sont pas les motifs d’absence qui manquent. Ancienne responsable de la formation sanitaire de Tcholliré dans le Mayo Rey, un médecin confiait ainsi par exemple avoir mis huit mois à véritablement prendre le service. Ce, parce qu’ « il n’y avait pas de logement d’astreinte sur place ».
Résultat, établie à Garoua, elle ne faisait que de sporadiques descentes sur Tcholliré. Et, est-ce une coïncidence, elle n’avait pas encore déposé ses bagages dans le Mayo-Rey, qu’elle était finalement réaffectée dans un hôpital de Garoua, où elle a travaillé deux ans avant d’entamer un cycle de spécialisation à Yaoundé.
Si au niveau de la délégation régionale de la Santé du Nord, on n’indique pas de cas d’abandon de postes (comprenez tous les personnels affectés prennent effectivement service), on reconnaît que des absences pas toujours justifiées, sont notées çà et là.
Mais, relativise un médecin, la faute n’incombe pas toujours aux personnels de santé, ou alors ne traduit pas un manque de conscience professionnelle. Il cite ainsi en exemple le cas de Poli, dans le département du Faro, où il y a quelques années, l’unique médecin de tout le département, malgré son dévouement total, est mort d’une attaque de serpent, attribuée par beaucoup à quelque œuvre mystique.
Après cela, l’enthousiasme des autres spécialistes à aller y servir, a forcément été douché. L’autre cause, est aussi liée à la culture. « Dans cette partie du pays, surtout en zone rurale, les gens vont peu à l’hôpital, parfois, ils le fuient même.
Quelques cas enregistrés sont bénins ou fantaisistes. Très vite, un médecin peut avoir l’impression d’être sous-exploité, et préférer se rendre plus utile dans les grandes villes, où le déficit en personnels est plus criant », poursuit notre source.
Evidemment, on reconnaît que l’absence des commodités de vie dans certaines localités, est aussi à l’origine de quelques désertions, et là, pas seulement pour les personnels médicaux. Dans le Faro par exemple, le préfet lance régulièrement des rappels à l’ordre pour les fonctionnaires de son unité administrative, qui passent à peine trois jours à Poli, et le reste à Garoua.