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Des évêques Bamilékés indésirables à Yaoundé

Assassinat Eveque Bala Selon le Vatican, 222 millions de baptisés ont été recensés en Afrique en 2015

Jeu., 10 Août 2017 Source: camer.be

La nomination de certains prélats non originaires du diocèse suscite souvent le mécontentement des fidèles encore attachés à la tribu.

Les nombreux scandales qui ternissent l'image de l'Église sont souvent liés aux affaires de femmes, de sexe (pédophilie, homosexualité) et d'argent. Une autre cause du déclin touchant essentiellement les responsables spirituels est le tribalisme que l’écrivain ivoirien Samuel Zadi dénonce dans un ouvrage comme étant «Un poison dans l'église africaine».

L'ethnocentrisme ou le clanisme peut même amener l'église locale à se regrouper par villages ou familles. Ainsi, de nombreux pasteurs tombent dans le népotisme et adoptent un comportement préférentiel envers certains au sein de la communauté. Ceci se voit dans l'attribution des postes, la discipline, le respect et la considération. On favorise parfois des membres plus influents ou fortunés, et on les traite avec moins de rigueur que les autres fidèles. Or, la prophétie d'Apocalypse 7.9-10 montre clairement que l'objectif divin sera atteint lorsque des hommes de tous les différents groupes ethniques auront intégré le Corps du Christ.

À ce sujet, Wilbur O'Donovan souligne que l'idée de supériorité raciale ou ethnique est née de l'orgueil de l'homme, citant la Bible : «Tout cœur hautain est en horreur à l'Eternel». Et pourtant, de nombreuses églises regroupent des individus appartenant à différents groupes culturels, raciaux ou ethniques qui ont du mal à vivre ensemble. Parfois certains s'estiment meilleurs que d'autres. Cette tendance est devenue nationale. Ceci entraîne parfois du mépris, des querelles, des divisions. Bref des conflits souvent difficiles à résoudre.

Après le décès de Monseigneur Jean Zoa le 20 mars 1988, il avait fallu attendre 17 mois pour voir arriver son successeur, André Wouking dans un contexte extrêmement tendu. La nomination de ce membre de l'ethnie bamiléké, dans un archevêché où la plupart des fidèles appartiennent à la communauté béti, avait suscité des manifestations d'hostilité, notamment de la part du clergé local et des fidèles. Personne n’a oublié ce triste épisode.

Une certaine presse avait alors vu en lui le «Prélat que nul n’attendait !». D’autres l’avaient identifié à sa région d’origine et titré dans Jeune Afrique Economie N° 295 du 4 au 17 octobre 1999, «L’Ouest touché par la grâce». Toutes ces manifestations n’ont pas empêché Mgr André Wouking de prendre possession de sa cathédrale.

Le prélat avait su apaiser les tensions et guider pendant quatre ans le peuple de Dieu qui lui avait été confié. En effet, il a toujours fallu attendre plus d’un an pour voir désigner un archevêque à Yaoundé. Il avait été ainsi en 1960 après le départ de Mgr René Graffin. Accusé par l’ex archevêque Victor Tonye-Bakot de favoriser le recrutement massif des étudiants bamilékés dans la Faculté des Sciences humaines et de gestion de l’université catholique d’Afrique centrale dont il était vice-doyen, le jésuite camerounais Ludovic Lado était avait été contraint de s’exiler à la fin des années 1990.

«Il était nécessaire que le pape intervienne de manière forte et nette sur ce sujet. Si le Vatican laissait perdurer ce type de situation sans réagir, d’autres cas pouvaient surgir ailleurs sur le continent», décrypte un religieux. D’où l’appel à la tolérance lancé par le Pape François. «Pour que l’évangile touche et convertisse les cœurs en profondeur, nous devons nous rappeler que c’est seulement en étant unis dans l’amour que nous pouvons rendre témoignage de manière authentique et efficace. Unité et diversité sont pour vous des réalités à maintenir fermement liées pour faire droit à la richesse humaine et spirituelle de vos diocèses qui s’exprime de multiples façons», a déclaré le souverain pontife le 06 septembre 2014, lors d’une visite des évêques camerounais au Vatican.

Archidiocèse de Douala

La lettre des prêtres Bassa’a de l’archidiocèse de Douala rédigée contre la nomination d’un évêque auxiliaire bamiléké le 16 mars 1987 fait partie des actes de tribalisme qui affaiblissent l’église catholique au Cameroun. 51 prêtres autochtones de l’archidiocèse de Douala (sur 80) adressaient au Vatican un mémorandum prétendant apporter un éclairage nouveau sur la nomination à la fois de deux évêques auxiliaires aux côtés de Mgr Simon Victor Tonye, au lieu du coadjuteur attendu, Bassa et Mgr Gabriel Simo, Bamiléké, qui est appelé probablement à succéder à Mgr Tonye comme archevêque de Douala.

Le document croyait discerner dans ces nominations la manifestation d’un plan de «bamilékisation» de la hiérarchie de l’Eglise catholique au Cameroun dont le clergé expatrié, le nonce et divers intérêts étrangers auraient été complices. Il établissait une correspondance entre ce projet ecclésial et une ambition plus générale des Bamiléké visant à une plus grande maitrise de la puissance financière et à la conquête du pouvoir politique.

Dans un texte curieusement antidaté du mois de mars mais en réalité élaboré, débattu et adopté le 22 juin 1987, l’Assemblée du clergé indigène du diocèse de Bafoussam réfutait point par point l’argumentation du mémorandum, et notamment son étrange arithmétique ethnique. Le 8 septembre 1987, une déclaration de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, avouant le mémorandum, mettait un terme à la polémique ouverte qu’avaient nourrie diverses autres prises de position.

Entre temps, les deux évêques auxiliaires avaient été sacrés, le 26 avril. A première vue, la bataille successorale de l’archidiocèse de Douala se donnait pour ce qu’il est convenu de nommer un conflit ethnique. Elle semblait consister en un affrontement entre Bassa et Bamiléké en vue du contrôle de l’archevêché sinon le plus prospère du pays, en tout cas l’un des plus importants stratégiquement. La ville de Douala a toujours été le site privilégié de cette tension inter-ethnique.

L’Église catholique souffre en silence ainsi un peu partout en Afrique. Pourtant, le nombre de fidèles continue d’augmenter, avec, selon le Vatican, quelque 222 millions de baptisés recensés sur le continent en 2015. Les catholiques représentent désormais 19,4 % de la population africaine : c’est 1,6 point de plus qu’en 2010, même s’il peut y avoir des doubles appartenances confessionnelles.

Quant au nombre de prêtres diocésains sur le continent, il a bondi de 20 % entre 2010 et 2015, avec 30 538 membres du clergé ordonnés à cette date.

Auteur: camer.be