Dikolo : comment le régime Biya couvre une escroquerie foncière

C’est une situation qui prévaut depuis 2015

Thu, 19 May 2022 Source: Michel Lobé Ewané

Dikolo est le symbole d’une escroquerie foncière organisée avec la complicité de hauts responsables de l’État et l’administration camerounais. Et avec pour conséquence une situation sociale explosive créée par des destructions et des expulsions prétendument pour cause d’utilité publique. Ces expulsions et ces destructions qui sont à la fois illégales et injustes concernent les populations de Dikolo-Bali à Douala.

C’est une situation qui prévaut depuis 2015. Il s’agit de terres ancestrales occupées par cette communauté depuis plus de 300 ans.

Ces procédures d’expulsion font suite à une série de décrets d’expropriation qui constituent dans les faits une série d’incohérences de l’administration. Par ordre chronologique il s’agit :

Du décret Numéro 00329/MINDCAF/SG/D1 du17 avril 2015 déclarant d’utilité publique les travaux de construction de l’hôtel Hilton de Douala, sur une dépendance du domaine national et public d’une superficie de 4 hectares a05a32Ca. Ce terrain se trouve au lieu-dit Besseke dans le quartier Bali, dans l’arrondissement de Douala 1er, département du Wouri.

Du décret Numéro 00033/MINDCAF/A010 du 14 mars 2019 déclarant d’utilité publique les travaux de réalisation des projets hôteliers dans la ville de Douala au lieu-dit Besseke.

Du décret 2020/004/PM du 9 janvier 2020 portant expropriation pour cause d’utilité publique, incorporation dans le domaine privé de l’État de terrains d’une superficie de 2 hectares a63a30Ca situés au lieu-dit Besseke dans le quartier Bali, dans l’arrondissement de Douala 1er, département du Wouri.

Rien ne peut justifier ni expliquer un tel acharnement de l’administration à expulser les populations de Dikolo d’une terre qui constitue leur patrimoine ancestral.

Nous l’avons dit plus haut, ces décrets d’expropriation sont d’une surprenante incohérence. Tout d’abord, il y a trois DUP. Ensuite il y a erreur sur le lieu. En effet, le quartier Dikolo est différent du quartier Besseke à Bali. Après vérification, le titre foncier Numéro 750W appartient à Dame Endale Manga et correspond à un terrain situé à Bonantone-Deido à Douala. Comment peut-on exproprier des gens sur un site, alors que la DUP se trouve sur un autre site. Il semble évident que l’État s’est trompé de titre foncier et de lieu.

Autre grave incongruité, comment l’administration peut-elle signer une DUP au bénéfice d’intérêts privés ? Comment peut-on justifier que l’administration veuille expulser des communautés de leurs terres pour l’intérêt d’un particulier alors qu’il devrait s’agir d’une « cause d’utilité publique ». Le bénéficiaire en question est un opérateur économique, dénommé Olivier Chi Nouako, qui prétend vouloir y construire un hôtel Marriott.

Il apparait clairement que ce dossier a toutes les caractéristiques d’une escroquerie à grande échelle. Ainsi à la suite d’une pétition des populations et sympathisants de la cause de Dikolo adressée aux dirigeants du groupe hôtelier Marriott au Canada, ces derniers ont répondu que le Marriott ne s’engage jamais dans des projets qui ont pour conséquence de déposséder des communautés autochtones de leur terre (PJ Courrier Marriott).

Le Marriott souligne ensuite que dans sa démarche il ne construit pas de bâtiments, mais qu’il intervient en apportant sa marque, son label et son savoir-faire managérial aux partenaires qui le sollicitent. Enfin, le groupe précise qu’il n’a aucun projet en cours au Cameroun.

Comme on peut le constater, ce Monsieur Chi Nouako, a réussi à manipuler l’administration et à l’entrainer dans une voie qui aurait pour conséquence de paupériser les personnes concernées par les expulsions programmées, de provoquer des tensions sociales et de mettre à mal le vivre ensemble.

Dikolo est un lieu historique et symbolique. C’est dans ce quartier que Rudolph Douala Manga Bell est passé rendre visite à son épouse, lors de sa dernière nuit, quelques heures avant d’être exécuté par les colons allemands pour s’être opposé à l’expropriation des terres de nos aïeux. Ce lieu symbolique et chargé d’histoire devrait être préservé pour la mémoire collective de la nation et être classé comme patrimoine mondial de l’humanité.

A la veille du cinquantenaire de l’État unitaire, le peuple Sawa est blessé, piétiné, humilié… La détresse des habitants de Dikolo, à Bali, Douala est celle de toute la Communauté Sawa.

Les Sawa ont décidé de se lever pour dire non. C’est de l’injustice que naissent les révolutions. La notre se veut pacifique, respectant la République, les lois et les institutions. Mais elles sera en même temps radicale et sans concession. Nous nous battrons sur tous les terrains qu’autorise la loi. Et non reprendrons notre place dans l’histoire de ce pays.

Auteur: Michel Lobé Ewané