Il y a comme un dédoublement de la personnalité chez Jose Manuel Barroso, l’un des invités spéciaux de Paul Biya à la conférence économique internationale de Yaoundé.
L’analyse du discours de l’ancien président de la Commission de l’Union européenne tenu le 17 mai dernier à l’ouverture de cette grand-messe, met en exergue un conflit entre l’expert en Économie d’un côté et de l’autre, le VRP de l’Europe.
«L’un des problèmes de l’Afrique c’est qu’elle ne fait pas le commerce avec elle-même».
Dans cette déclaration, on reconnait l’enseignant d’Économie.
Dans sa lancée, ce dernier encourage le continent à renforcer l’intégration régional pour créer de grands marchés capables d’attirer des investisseurs.
Pour lui, c’est même «une illusion de penser qu’on peut s’intégrer dans une économie globale sans avoir une emprise sous régionale».
Dans la même allocution, l’agent commercial de l’UE s’exprime aussi. On le voit quand monsieur Barroso y suggère que le libre-échange est la meilleure forme de coopération commerciale entre l’Afrique et l’Europe.
Cette option intègre pourtant l’Afrique à l’économie globale sans qu’elle n’ait consolidé son intégration régionale comme le déconseille Barroso.
Le Premier ministre du Portugal de 2002 à 2004 postule même que «seuls les APE (Accords de partenariat économique) peuvent mobiliser les grandes entreprises».
Aussi, salut-il le Cameroun pour avoir été le seul pays en Afrique centrale à conclure un tel accord avec l’Union européenne.
Pendant les 10 années (2004-2014) passées à la tête de cette institution, le portugais a été le principal artisan des APE entre les 28 et les ACP (les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique).
Ces accords rendent les produits européens compétitifs sur le marché africain.
Dans son intervention, Barroso prône donc d’un côté l’intégration régionale et de l’autre, salue l’APE bilatéral entre le Cameroun et l’UE.
En effet, pour tous les experts, cet accord (encore appelé accord d’étape ou accord intérimaire) va faire cohabiter dans l’union douanière de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), deux tarifs extérieurs communs (le Tec Cameroun du fait de l’instauration d’une zone de libre-échange avec l’UE et le Tec Cemac) dès le 04 août 2016.
Cette situation «devrait déclencher une modification du territoire douanier et la suspension de la libre circulation des marchandises entre le Cameroun et les cinq autres Etats membres de l’union douanière», soutient l’ingénieur financier Babissakana, dans un opuscule intitulé «Le Cameroun face à l’APE avec l’Union européenne: Menace ou opportunité», paru en novembre 2015.
Au point où les échanges inter-régionaux devraient baisser de 3% pour les importations et 1,8% pour les exportations.
Les projections sont de Samuel Yemene.
Cet ingénieur statisticien conseille le gouvernement du Cameroun sur les questions d’APE.
Le commerce inter-régional qui sera ainsi affecté ne dépasse pas déjà, à ce jour, 3% du volume total des échanges de la région.
Omission
Dans sa promotion du libre-échange, l’ancien premier ministre du Portugal positionne même l’ouverture commerciale comme «une condition sine qua non pour le progrès économique».
«Je ne connais aucun pays dans le monde qui s’est développé en se renfermant sur soi.» affirme-t-il. Mais, l’invité spécial de Paul Biya s’abstient de préciser que l’ouverture commerciale intervient au moment où un pays produit des biens et des services capables de faire concurrence à ceux des Etats avec lesquels il se met en libre-échange.
«L’expérience des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) montre que les pays dits émergents n’ont pas appliqué et n’appliquent toujours pas la théorie du libre?échange prônée pourtant par l’OMC», affirme Alain Symphorien Ndzana Biloa.
Cet inspecteur principal des impôts est l’auteur de l’ouvrage «La fiscalité, levier pour l’émergence des pays africains de la zone franc: Le cas du Cameroun».
Le 07 mai 2016, lors de son passage à l’émission Réussite, diffusée sur Canal+, Guy Gweth, CEO de Knowdys, un cabinet spécialisé en intelligence économique, soutient en plus que, même l’Europe continue de pratiquer le protectionnisme.
Selon cet expert, l’UE le dissimule dans les normes sanitaires et phytosanitaires. Normes d’ailleurs appelées à juste titre barrières non tarifaires au commerce.