Douala, capitale économique du Cameroun, il est 20 heures. C’est une heure de grande affluence au carrefour du septième ciel non loin de la place dite Makumba Makumba, les étudiants rentrent de l’école, les « Bayam Selam » et les « Sauveteurs » (commerçants de rue) ont presque bouclé leur journée et beaucoup commencent à plier bagage.
Sur le trottoir, une jeune fille, la vingtaine environ, est au bras d’un prince charmant, habillée d’un boxer qui laisse échapper un string. Elle est à peine couverte en haut. Tous les regards sont tournés vers elle. Et sans gène, elle continue son chemin, caressant avec une douceur presque provocatrice le bras de son homme.
Elle n’est pas seule. Ce genre d’habillent est aujourd’hui légion dans les rues camerounaises. On les appelle ici les « DVD » (Dos et Ventre Dehors). Elles sont nombreuses ces jeunes filles habillées en petits hauts « sexy » qui sillonnent à longueur des journées les rues des villes camerounaises. Mais il ne faut surtout pas les interpeller sur ces nouvelles tenues. « C’est la mode » dit-on ici. Et les modes, il y en a bel et bien au pays des « feymen », ces bandits en col blanc qui n’hésitent pas à tuer père et mère pour s’enrichir. C’est la crise socioculturelle. Celle-ci loin d’être un épiphénomène de la crise économique est encore plus grave et ses causes multiples.
Sous un ciel menaçant, le vent chaud souffle, faisant plier les hautes herbes. À l’abri des regards, le carrefour du septième ciel surgit de son écrin fantomatique. Ici, les habitués savent pourquoi il y sont.
À Douala, capitale économique du Cameroun, particulièrement à ce carrefour, quand le soleil tourne le dos à la surface de la terre, laissant libre pouvoir aux ombres de la nuit. C’est toute une autre forme de vie qui s’ouvre aux amateurs des ambiances nocturnes. Une nouvelle forme de commerce voit le jour en pleine nuit. Que ce soit les vendeurs de cigarettes, de poissons braisés, de la viande rôtie, du piment... chacun y trouve son compte mais, aussi, il y a aussi ces belles de nuit parfumées qui rôdent dans le secteur à la recherche de leurs clients
Voilà, un samedi soir comme je les aime. Je laisse la maison à l’idée d’un nouveau flirt avec l’intimité de la vie nocturne du carrefour du septième ciel, une zone réputée pour son attitude insomniaque. Ce soir, contrairement à certaines fois où je sors en compagnie de copains, c’était juste le mec qui partait jouir en solo son petit plaisir, sans une quelconque compagnie qui aurait pu être nuisible à certaines expériences.
A mon arrivée sur la place tant vantée à Douala, je m'arrête chez Bolingo, une buvette bien connue du coin. Entre trois morceaux de musique et un verre à moitié vidé, il est déjà dix heures trente minutes. La nuit est jeune dit-on ici. Les jeux de lumière, l’exhibitionnisme de certaines filles qui tentent d’attirer la clientèle sexuelle, la synchronisation des corps en mouvement, des salutations et des accolades […], autour de moi l’ambiance gagne de plus en plus en intensité. Entre-temps, dans une courte robe moulante, mettant à l’honneur l’impeccable architecture de son corps, une jolie demoiselle, assurée comme elle seule sur ses pas bien articulés fait son apparition.
Il fallait être aveugle pour ne pas accepter de perdre volontairement quelques secondes de son temps à regarder son postérieur; une véritable mine de tentation. Elle arrive avec son corps remplit d’attirance, sa bouche pleine de séduction. Ses habits, son regard, sa beauté […], elle mobilisait autour d’elle une bonne partie de la salle, accrochée à son charme. Ne me demandez surtout pas si, moi aussi, j’ai été séduit.
Ici, le train de la modernisation est en marche et plus personne ne peut l’arrêter. La morale kantienne relève d’une autre époque. Ici, on veut vivre. Peu importe la manière.
Soudain, une chose exceptionnelle vient de se passer : la gazelle s’assoit juste à côté de moi. On dirait une espèce invisible a exaucé ma demande en secret. Le parfum de la jeune femme me rappelle ma dernière conquête à la plage de Limbé dans le sud-ouest du Cameroun. En tant que vrai attaquante comme on les appelle ici, elle m’a devancé, prétextant vouloir savoir quelle heure il est. À peine arrivée, je doute fort qu’elle en ait eu réellement besoin. D’ailleurs, je remarque qu’elle a un sourire facile et une générosité douteuse. Peut-être était-ce sa manière d’entamer la conversation avec moi. Ce qui ne m’a dérangé en rien. Au contraire !
Le premier contact est établi. Chacun de son côté est sur ses gardes : pas question de tomber dans une espèce d’impolitesse anticipée. Mais, après deux ou trois plaisanteries, on s’est lâchés un peu. Ce qui a facilité le dialogue, qui sera une suite mémorable. Selon ses dires, sans hésitations, elle m'a confié qu'elle fêtait ce samedi ses 26 ans et qu'elle en voulait profiter pour le faire loin des regards des connaissances et amis
Il est bientôt minuit et je commence à m'ennuyer. La jeune fille que je prénomme Juliette ne cesse d'ingurgiter le Johnny Black Label que j'ai commandé à mon arrivée. Au bout de deux heures d'échange, ma bouteille était déjà à moitié vide, sans oublier les deux gros poissons braisés qu'elle venait de gominer. L’ambiance s’intensifie. L’espace est de plus en plus chauffé. Entre-temps, je viens d’apprendre que Juliette est travailleuse de sexe. Donc, contrairement à mes premières idées, elle n’est pas au club pour se relaxer à cause de son anniversaire. Elle y est pour travailler. D’ailleurs, c’est son métier depuis tantôt trois ans. Dans l’intervalle, elle s’arrange pour faire de moi un nouveau client.
Plus l’heure avance, plus le club devient de plus en plus compact. Les hélices des ventilateurs ne peuvent presque rien contre la chaleur. Juliette me tient toujours compagnie. Alors qu’une bonne partie de la salle bouge au rythme du tube planétaire « Coller la petite », Juliette essaie plutôt d’esquisser son sourire à certains admirateurs, pendant qu’elle maintient notre conversation. Même si par moment elle paraît un peu ennuyée par la curiosité de certaines de mes questions. Me voyant toujours timide, Juliette commença à se poser des questions. La frustration pour elle et pour beaucoup d’autres pratiquantes, parfois, est de passer toute la nuit à charmer une clientèle de plus en plus difficile, puis rentrer à la maison sans un centime.
A 1h du matin, Juliette a bien voulu sortir une cigarette, peut-être à l’idée d’apaiser son angoisse. Mais, le fait que je ne fume pas, elle se cherche plutôt un soulagement dans son verre de Black Label vidée d’une seule gorgée. On avance vers les deux heures du matin. Elle ne sait toujours pas si elle pourra négocier avec moi pour le reste de la nuit. C’est ainsi que quelqu’un l’a salué de la main. C’est un client de longue date. Elle s’est gentiment excusée pour rejoindre le type.
Une dizaine de minutes après, Juliette est de retour, mais avec un visage beaucoup plus détendu qu’avant, car elle a pu trouver un client. Après le club, elle va passer du temps avec ce touriste qu’elle a rencontré pour une fois sur une plage.
Il est bientôt trois heures du matin. La fatigue se fait sentir. Si certains refusent de partir et jurent de rentrer chez eux à l’aube, d’autres profitent d’aller se reposer ou de s’offrir quelque chose de plus intime. Le temps pour Juliette de me dire au revoir et de retrouver le monsieur qui l’attend dans une grosse cylindrée à l'extérieure, l’air impatient. Et moi de payer ma lourde note et de retourner chez moi..
Les histoires de ce genre sont rares m'a-t-on dit car, au Carrefour du septième ciel à Douala, on ne lâche pas une cliente quand elle accepte d'être à vos côtés pour toute une soirée... Peut-être je suis un mougou . A suivre