Eglise: La face cachée de Dieunedort Kamdem Nounga

Sat, 2 Jan 2016 Source: Enoh Meyomesse

Il y a 56 ans que notre premier Président de la République, Ahmadou Ahidjo, a proclamé l’indépendance de notre pays, à la place de l’hippodrome (la tribune était placée devant le bâtiment actuel du Consulat d’Allemagne) à Yaoundé.

Il n’est point nécessaire de revenir sur les débats de l’époque, et qui portaient sur la qualité de l’indépendance : réelle ou fictive.

Cela n’a plus beaucoup d’importance aujourd’hui, dès lors que le pouvoir, à savoir la décision, nous revient pratiquement à 80% actuellement, nous Camerounais, et les 20% restant, demeurant entre des mains étrangères, notamment celles qui financent nos projets de développement, poussent notre démocratie à devenir authentique, s’appesantissent sur la transparence électorale, la liberté de la presse, et le respect des droits de l’homme.

Je fais partie de ceux qui se réjouissent, malgré eux, naturellement, actuellement, de cette pesante ingérence étrangère dans la conduite de nos affaires, car sans elle, malheureusement, la société politique camerounaise serait totalement figée. Les tenants du pouvoir écraseraient davantage le peuple qu’ils ne le font aujourd’hui.

A présent donc que nous entamons, en tant que nation, notre 56ème année de liberté proclamée, nul besoin de nous complaire de ce qui a été fait, ou de ressasser avec tristesse ce qui aurait dû l’être. Chaque Camerounais a son opinion arrêtée là-dessus. Qu’il la garde.

Il est plutôt préférable de porter nos regards vers le futur, car autant je décris avec passion le passé dans mes livres, autant je réfléchis, avec la même passion également, sur le devenir de notre pays, le rayonnement de notre nation demain.

En ces premiers jours de janvier 2016, je constate encore, avec une immense désolation, que le Cameroun continue, hélas, à traîner de gros boulets rivés à ses chevilles et qui le font avancer à tâtons, alors qu’il aurait pu véritablement le faire au pas de course en matière de de progrès et de développement, d’égalité des chances entre ses citoyens, de protection et de respect de la dignité humaine, s’il en était autrement. Je vais me contenter d’en énumérer uniquement trois.

1/- Il y existe un conservatisme étouffant. La société camerounaise n’est pas ainsi, à cause de celui-ci, telle une petite pirogue de pêcheurs dans le Wouri à qui l’on fait changer de direction grâce à deux ou trois coups de pagaies. Non. Elle est plutôt aussi lourde à faire bouger qu’un porte-avions ou un pétrolier géant, un super tanker en plein océan.

On peut valablement ainsi constater que les seules véritables réformes qu’a connues notre pays depuis 1960, n’ont été que celles de 1990, consécutives à l’amorce d’un retour du Cameroun à la démocratie, comme cela avait été, tant bien que mal, le cas, de 1946 à 1962. Depuis, plus rien. C’est le glacis total. Le statu-quo immuable.

2/- Il existe une méfiance pathologique envers le peuple, qui remonte à la contestation du pouvoir du Président Ahidjo par les Camerounais, en 1958, 1959, 1960, et au-delà, à l’époque du maquis, c’est-à-dire, de la guerre d’indépendance. L’esprit qui avait vu le jour en ce temps-là, est demeuré vivace jusqu’à ce jour. Le peuple est l’ennemi. Le pouvoir se bat contre lui.

3/- L’esprit totalitaire de 1960, qui avait valu l’emprisonnement pendant trois ans de quatre députés pour simplement avoir émis des réserves sur le projet de parti unique du Président Ahidjo, l’arrestation d’innombrables esprits libres avant et après la création de l’UNC le 1er septembre 1966, n’a nullement disparu, malgré les cinq longues décennies qui se sont écoulées depuis cette époque.

Des journalistes sont encore traînés en justice, à la faveur de lois scélérates, les manifestations publiques sont désormais totalement interdites, sauf lorsqu’elles sont à la gloire du régime. Nous vivons actuellement au Cameroun de ce fait, une caricature de démocratie. En vérité, nous sommes revenus au régime totalitaire d’avant 1991.

Ceci nous freine considérablement. Des gens intelligents en deviennent bêtes. Au Cameroun, il n’y a ainsi jamais eu, depuis la proclamation de l’indépendance et la réalisation de la réunification, du fait de ces trois facteurs d’immobilisme combinés, de grands ministres qui marquent l’histoire. Non.

Nous n’avons affaire qu’à de petits courtisans craintifs et zélés, qui apparaissent subitement et, aussitôt limogés, retournent dans les ténèbres d’où ils ont été tirés, en guise de remerciement, pour avoir convenablement fraudé aux élections, contribué à démanteler l’opposition dans leurs bleds respectifs, etc.

Mais, malheureusement, l’équation est d’une limpide clarté : pas de grands ministres, pas de grandes réformes. Pas de grandes réformes, pas de grandes réalisations, mais plutôt des banalités que tous les pays réalisent depuis des lustres à travers le monde sans tambours ni trompettes. Or, ce sont les réformes qui font avancer les nations, les révolutions violentes ne se présentant que comme des solutions extrêmes.

L’alliance armée-pouvoir.

En 1991, le pouvoir ayant cédé face à la pression de la rue a organisé, à son corps défendant, la fameuse conférence tripartite de Yaoundé, destinée à jeter les bases d’un Cameroun désormais « démocratique ». Pendant plus d’un mois, des gens invités des quatre coins du territoire, ont bu et mangé, aux frais de l’Etat, sans se rendre compte cependant qu’ils se faisaient totalement berner. En effet, le pouvoir, pendant toute la durée de cette rencontre, n’a fait que camper sur sa position, à savoir, continuer à tenir le plus loin possible de la décision politique, le peuple. On le constate aujourd’hui, il y est parfaitement parvenu. L’astuce a consisté à élaborer une loi électorale destinée à réinstaurer le parti unique, sous un Cameroun désormais proclamé « démocratisé ».

En 1991, également, le pouvoir a définitivement scellé son alliance avec l’armée qu’il a déployée dans les zones insurgées pendant toute la durée des villes mortes. Le Cameroun s’est ainsi retrouvé, au lendemain de 1992, sous une sorte de régime militaire à direction civile. Ce qui le sépare d’un régime militaire classique est qu’aucun soldat n’est nommé au gouvernement. Mais, les haut-gradés de l’armée, jouissent quasiment des mêmes privilèges que les membres du gouvernement. Les meurtres de Boko Haram sont encore venus renforcer cette stature de l’armée au sein du pouvoir camerounais. Et, naturellement, le grand perdant de cette alliance est le peuple. Il est plus que jamais sans valeur. Il est totalement marginalisé. Il n’est réduit qu’à applaudir les cortèges présidentiels, le long des rues de Yaoundé.

Bâtir la démocratie de demain.

La démocratie de demain doit commencer à se bâtir dès à présent. La « démocratie apaisée » d’aujourd’hui, a déjà fait son temps. Elle a préservé le régime du renversement ou d’une défaite électorale. Telle était sa mission. Elle y est parvenue avec brio. Mais, est-ce que pour autant, elle a propulsé le pays en avant ? La Côte d’Ivoire qui sort de la guerre, ne présente-t-elle pas un taux de croissance nettement supérieur au nôtre ? Le Cameroun, hélas, ne demeure simplement, en dépit de sa « démocratie apaisée » tant vantée, que dans la mêlée des pays africains qui pataugent désespérément dans la pauvreté. Cinq mille kilomètres de routes bitumées uniquement sur cinquante mille en 55 ans !!! A ce rythme, il faudra attendre 450 ans pour circuler convenablement dans tout le pays, c’est-à-dire l’an 2466 !!! Il y aura bien longtemps que nous serons déjà tous morts et oubliés.

Comme cette « démocratie » ne parvient pas à apporter le bien-être à la population, il faut, de toute évidence, en concevoir une nouvelle, car telle est la raison d’être de la démocratie : améliorer la vie des gens. Il faut en concevoir une nouvelle qui ne soit plus centrée sur un régime, au service d’un régime, voire d’une personne, mais plutôt, de la totalité de la population, et qui ne soit plus dominée par un désir quasi-effréné de conservation du pouvoir. Cette obsession, si elle est maintenue, finit à la longue par détruire la démocratie, et par voie de conséquence, par obérer le progrès national. C’est ce à quoi nous assistons actuellement au Cameroun.

Mettre fin au coup d’Etat électoral permanent.

Dans le Cameroun d’aujourd’hui, pour véritablement associer le peuple à la décision politique, il importe d’introduire le scrutin proportionnel intégral aux élections législatives et municipales. Le scrutin actuel qui est en fin de compte tout bonnement majoritaire, élimine inéluctablement les forces politiques qui ne bénéficient pas de l’appui du pouvoir. D’où le retour insidieux au parti unique dans notre pays auquel nous avons abouti au Cameroun actuellement. Il ne reflète pas le vote des électeurs. Il les décourage même carrément. Les assemblées qui en sont issues, amplifient purement et simplement le vote majoritaire et rien d’autre (et les Camerounais savent comment il s’obtient). Il n’est guère une représentation fidèle du corps électoral. Il est totalement aberrant qu’une liste qui a obtenu 49% des voix ne se retrouve avec aucun élu, à cause du mode de scrutin actuel, celle ayant obtenu pour sa part 51% des voix raflant tous les postes. En termes simples, le scrutin électoral actuel constitue un coup d’Etat électoral permanent.

Par scrutin proportionnel intégral, on entend, la distribution des élus en fonction du nombre de voix obtenues. On peut simplement adopter un seuil d’éligibilité de 10% par exemple, pour se voir attribuer un poste d’élu. L’Etat octroie aujourd’hui un financement aux formations politiques ayant obtenu 5% de voix lors d’un scrutin, pourquoi n’attribuerait-il pas de siège de conseillers municipaux à ces mêmes partis pour le même nombre de voix ?

Quoi qu’il en soit, le scrutin proportionnel comporterait de nombreux avantages dans les conseils municipaux par exemple :

1/- celui-ci permettrait l’affrontement de points de vue différents au sein des conseils municipaux, ce qui serait un facteur indéniable de progrès, un frein à la gabegie qui y règne du fait du caractère monocolore des élus qui sont tenus de tout accepter au nom de la « discipline du parti », un frein aux détournements de fonds publics au bénéfice du seul parti qui y est présent — pendant les campagnes électorales comme entre celles-ci —, etc. ;

2/- celui-ci donnerait une meilleure représentation et une meilleure prise en compte de l’opinion de la population, c’est-à-dire des électeurs, au sein du conseil municipal ;

3/- il ramènerait spontanément les Camerounais tant aux urnes que sur les listes électorales.

Nous pouvons commencer dès cette année à réfléchir à ce nouveau mode de scrutin pour notre pays, pour une raison fort simple : ce sont les peuples qui font l’histoire.

Auteur: Enoh Meyomesse