Quiconque observe la scène politique camerounaise sera surpris par une chose – l’élection a lieu en octobre 2018, c’est-à-dire dans trois mois, et le SDF, plus grand parti d'opposition depuis 1992, ne fait pas campagne.
Son candidat, Josuah_Osih, est pratiquement silencieux, invisible sauf des apparitions carnavalesques ici et là, sinon rien. Certes, sa base sociologique, la région Anglophone, lui a été volée, parce que mise à plat par la guerre qui y a actuellement lieu. Mais même l’effort d’un flotambo, il ne fait pas. En contrepartie, ce que nous voyons, c’est l’agitation de Maurice Kamto, et l’espace de visibilité qui lui est concédé.
Il circule à travers le pays, les préfets et sous-préfets, ces chevilles ouvrières administratives de Biya, ne lui délivrent pas les interdictions de manifester dont ils ont l’habitude. En réalité les deux phénomènes se recoupent comme un vase communiquant.
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Le Cameroun ayant quatre tribus politiques – les Nordistes, les Nkwa’, les Bamiléké et les Anglophones -, je dis bien ‘tribus politiques’, la mise à plat des Anglophones à cause de la guerre, remet sur la sellette les Bamiléké. Les analystes d’extrême Droite qui partout dans les médias unissent le MRC aux ‘Bahams’ (aux Bamiléké donc), veulent atteindre ce but : réveiller de manière tribalement réflexive les Bamiléké, cette tribu politique soudain intéressante avec la mise au banc du SDF, et lui faire remettre à Biya les 10% dont ce dernier a besoin pour donner une certaine légitimité à l’élection qu’il gagnera sans doute a 87%.
Le jeu est donc parfaitement huilé, car les militants du MRC, en tout sérieux ne viendront pas me dire qu’ils croient que Kamto obtiendra les 51% de voix nécessaires pour devenir président de la république du Cameroun par élection ! Le croyaient-ils qu’ils ne seraient pas simplement naïfs, ils seraient bêtes ! Récapitulons : 1) le SDF est mis à plat par la guerre dans son fief sociologique, guerre qui a condamné les populations anglophones à fuir et à se retrancher dans la forêt et au Nigeria ; 2) le MRC, prend sa place dans l’optique d’obtenir les 10% nécessaire pour perdre légalement, et donc permettre à Biya de se proclamer président de la république légalement aussi, devant la communauté internationale.
Dans ce jeu, que reste-t-il de l’opposition camerounaise ? L’AFP de Akere_Muna qui fait campagne plutôt à l’ONU et à l’Union Africaine a trois mois des élections ? Qui fait le tour de la diaspora dans des salles vides, comme j’ai vu à Boston ou j’étais en même temps que lui ? Le CPP de Kah Walla qui n’est plus candidate à l’élection présidentielle, comme je l’ai toujours souhaité ? L’UNDP qui s’est allié à Biya ? Le parti de #Tchiroma qui s’est allié à Biya ? Que reste-t-il de l’opposition ? En fait, qui est la véritable opposition au Cameroun ? Telle est la question que l’on devrait se poser aujourd’hui, et là, on se rendra compte que ce sont les Ambazoniens qui le sont.
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La raison est simple : le pouvoir de Paul Biya, vit et se maintient à partir d’une seule chose : les rentes pétrolières de la SONARA, la SNH donc, dont la source unique se trouve en zone Anglophone, à Limbe. Il en vit tellement que son propre neveu, le sous-officier Armand Mvondo Mvondo, était basé à Limbe en pleine période de guerre civile ! Il y sera tué ! Mais son rôle ne pouvait qu’être clair : sécuriser les rentrées pétrolières pour la famille présidentielle, sa famille, et pour la tribu bulu.
Le Cameroun n’a pas encore de ministère du pétrole, mais en avait-il un, que son ministre serait sans doute un des fils du président. Car voilà la source de survie de ce pouvoir. La SONARA n’a, depuis sa création, jamais été dirigée par un Anglophone, et jamais n’a été qu’aux mains des Bulu depuis la prise du pouvoir par Biya. Essentiel est cependant de dire ici, que la France – par Elf et Total, y a les plus grandes parts financières – tient ce pétrole.
C’est dire que les Ambazoniens, en déclarant l’indépendance du Noso, et Limbe se trouve dans le Noso, auront attaqué le pouvoir de Biya a sa source même, dans sa zone de survie, dans ce qui le maintient et le fera tomber : le pétrole. Son intransigeance, tout comme l’intransigeance de la France – rappelez-vous le communiqué du 20 mai de Macron et son insistance sur ‘le strict respect de l’intégrité territoriale’ du Cameroun ! – vient du fait qu’ici, avec le pétrole en zone Anglophone donc, nous avons le nœud du pouvoir.
S’attaquer à lui, c’et s’attaquer à Biya frontalement. C’est donc s’opposer à lui. C’est signer son certificat de décès. Aucun parti politique camerounais n’en est capable, n’en a été capable jusqu’ici – même le SDF de John Fru Ndi, et surtout pas le MRC. Seul les Ambazoniens l’ont pu. Seul les viper peuvent casser les tuyaux de pétrole. Alors là, la vraie guerre va commencer. La guerre de survie.