Une correspondance non authentifiée du président de la République adressée au président du Sénat, datée du 13 juin dernier, conforte la thèse répandue de la prorogation du mandat des députés. Il en sera probablement de même pour celui des conseillers municipaux qui expire cette année. La constitution autorise le chef de l’Etat à proroger ou abréger le mandat de ces élus en cas de « crise grave ». Cette disposition de la loi fondamentale renforce, de toute évidence, la haute main du président de la République, qui se trouve également être au Cameroun, le président du parti politique dominant (le Rdpc), sur le calendrier électoral.
Sauf coup de théâtre donc, en plus des sénatoriales, seule se tiendra cette année 2018, l’élection majeure, en l’occurrence la présidentielle. L’organisation matérielle de ce scrutin est, a priori, moins complexe et moins onéreuse que celle des législatives et municipales. Alors que grondent dans certaines régions des crises sécuritaires, le pouvoir de Yaoundé opterait donc pour l’os le moins dur à croquer.
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Mais, il serait illusoire de penser que tout ira de soi. La partie étant, au goût de nombreux observateurs, pliée d’avance en faveur du chef de l’Etat sortant, candidat du Rdpc, selon les statuts de cette formation politique, le suspense (l’unique ?) s’établit sur la déclaration de candidature (ou de non candidature) du président Biya à cette consultation électorale. En dépit des appels et contre-appels qui montent en direction du locataire du palais de l’Unité, rien n’est entièrement acquis. Même s’il existe des signaux qui démontrent que Paul Biya sera à nouveau partant.
Les développements autour de la crise sécessionniste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest tendent à faire penser que d’aucuns lient l’issue heureuse de cette crise à la non candidature du chef de l’Etat sortant à l’élection présidentielle. Autrement dit, du renoncement de Paul Biya dépend la fin des hostilités. Pour simpliste et erronée qu’elle est, cette approche ne comporte pas moins les germes d’une plus grande déflagration dans les régions dites anglophones.
En clair, la convocation du corps électoral pour la présidentielle, qui pourrait intervenir courant juillet, et une nouvelle candidature de Paul Biya, entraîneraient une remontée vertigineuse de la violence, qui ne faiblirait plus jusqu’à la date projetée de la présidentielle. Pendant ces mois d’enfer, il faudra compter avec la date du 1er octobre, anniversaire de la Réunification pour la République du Cameroun, date de l’indépendance pour la République fantasmée de l’Ambazonie. Et avec le regard sourcilleux de la « communauté internationale ».
A maintes reprises, dans cet espace, nous avons élevé la voix et corsé la plume contre ceux qui ont pris les armes contre la République. Quel que soit le motif, prendre le maquis pour défendre une cause, aussi noble soit-elle, est une démarche incongrue, malsaine, contreproductive et dangereuse. Les hommes politiques qui tentent de surfer sur la vague meurtrière ou qui espèrent tirer les dividendes de la dérive sanglante qui travaille le Nord-Ouest et le Sud-Ouest seraient bien inspirés de revoir leurs postures.
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Il en est de même des adeptes du statu quo, des professionnels dans l’art de pousser la poussière sous le tapis ou, tout simplement, des pompiers-pyromanes. La crise dite anglophone appelle des solutions pérennes, qui ne résulteront que d’une palabre républicaine, et non des mesures cosmétiques ou de la vile surenchère. Alors que se profile à l’horizon l’élection présidentielle, il est bon de le rappeler aux uns et aux autres.