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Emmanuel Macron vient au Cameroun pour parler de succession à la magistrature suprême, selon Georges Alain Boyomo

Georges Alain Boyomo De Mutations Emmanuel Macron est descendu de son piédestal jupitérien

Mon, 18 Jul 2022 Source: Geoges Alain Boyomo

Dans son éditorial de ce lundi, le directeur de publication du journal Mutations consacre sa plume à la visite d’Emmanuel Macron au Cameroun. Selon Georges Alain Boyomo, des tenants de secrets d'alcôve parient que ce qu'il est convenu d'appeler la "succession" figurerait parmi les sujets au menu du tête-à-tête entre les deux chefs d'État. Le directeur de publication de Mutations mise que Paris qui est conscient du fait que le Cameroun est une plaque tournante du Golfe de Guinée veut gagner à ce qu’il participe à la cession du pouvoir au Cameroun. Camerounweb.com vous propose sa tribune en intégralité.

Le 3 novembre 1982, de retour d'un voyage extraordinairement express à Paris, Ahmadou Ahidjo, qui dissimule à peine des signes de lassitude, confie à Paul Biya, son successeur constitutionnel, qu'il a fait convoquer au palais de l'Unité, son intention de démissionner de ses fonctions de président de la République et de lui passer la main. Le lendemain, 4 novembre 1982, Ahidjo quitte effectivement le pouvoir et le cède à Paul Biya.

Plus tard, la thèse d'un "coup d'État médical" ourdi par la France, alors présidée par François Mitterand, va prospérer.

Près de quatre décennies après cette séquence historique qui n'a certainement pas révélé tous ses secrets, la transition politique au Cameroun va-t-elle à nouveau emprunter l'axe Paris-Yaoundé?

La question affleure au moment où, sauf coup de théâtre, le président français, Emmanuel Macron, doit effectuer le 26 juillet une visite d'État à Yaoundé.

En dépit d'un agenda international et d'une conjoncture politique intérieure chargés et contraignants, le patron de l'Elysée entend sacrifier de son temps pour une audience avec Paul Biya au Palais d'Etoudi.

Dans la suite officielle d'Emmanuel Macron, de fortes têtes du Quai d'Orsay sont annoncées, mais surtout le réputé puissant secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler.

Des tenants de secrets d'alcôve parient que ce qu'il est convenu d'appeler la "succession" figurerait parmi les sujets au menu du tête-à-tête entre les deux chefs d'État.

Fraîchement réélu, après un premier mandat pas de tout repos et un second qui s'annonce rude et périlleux, Emmanuel Macron est descendu de son piédestal jupitérien et a perdu de sa fierté toute juvénile de coq, qui pouvait se permettre des écarts de langage à l'adresse du "vieux dictateur", Paul Biya. Passé donc le temps des envolées paternalistes et place à la realpolitik, dans un contexte de recrudescence du sentiment anti-français, de pertes de parts de marché de l'Hexagone, d'hégémonie chinoise et de percée russe en Afrique.

Occupant une place névralgique au sein d'un golfe de Guinée troublé par des menées terroristes, le Cameroun est un partenaire stratégique de la France, laquelle ne souhaite pas être prise au dépourvu par les évènements. L'Élysée surveille dès lors le rodéo de la succession à Yaoundé comme du lait sur le feu.

En face, Paul Biya qui aura bientôt 90 ans dont 40 ans de magistrature suprême n'est plus aussi fringuant et capable de gouaille que lorsqu'il snobait François Hollande à Yaoundé en juillet 2015, en déclarant : "ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut". Le champion du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) sait qu'au moment où sa longévité agace au plus haut point en Occident et que l'opération de pacification des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est devenue un cheval de Troie pour quelque puissance afin de l'accabler et le presser à se retirer, il peut compter sur Paris, qui tient à l'unité du Cameroun et à la préservation de ses intérêts propres.

Dans cet improbable attelage, au cœur de cette bulle d'intérêts mutuels, Paris et Yaoundé ne perdraient rien à entrevoir ensemble les voies du futur, du moins à se tenir informés, de la couleur que pourrait prendre l'horizon au sommet de l'État du Cameroun. Une sorte de gagnant-gagnant, chaque partie souhaitant obtenir des garanties...

Le passage de Macron au Cameroun constituerait donc un virage vers le rivage de la transition.

Reste à scruter l'après-visite pour savoir si l'axe Yaoundé-Paris opère toujours à plein régime: déroutant d'incertitudes et renversant de certitudes.

Auteur: Geoges Alain Boyomo