Il y a manifestement un décalage voire un déphasage entre les engagements pris par les acteurs du monde des affaires pour lutter contre l’hydre de la corruption et les actions de la vie quotidienne des entreprises notamment du secteur privé. L’on peut d’emblée, pour relativiser le phénomène, convoquer le vieil adage qui fait observer que les mauvaises habitudes ont la peau dure.
La corruption persiste et même dans certains milieux prospère d’autant plus qu’elle revêt des formes toujours plus insidieuses adaptées par les acteurs à l’évolution des méthodes de lutte dont l’efficacité est dès lors érodée.
La fermeté des engagements annoncés et la publicité organisée autour de ceux-ci font sans doute illusion. A cet égard, un bref rappel de quelques accords récents permet de comprendre la profondeur du déphasage évoqué. Il y a deux ans environ, le 19 novembre 2013, deux accords de partenariat étaient paraphés à Yaoundé en vue d’une lutte voulue efficace contre la corruption dans les milieux des affaires. Le premier était signé entre le GICAM ou Groupement inter-patronal du Cameroun d’une part, et le BCAC ou Business Coalition against corruption de l’autre. Le second était passé entre le GICAM et la CONAC ou Commission nationale anti-corruption.
Le but primordial visé par les signataires était de s’attaquer, au sein du secteur privé, au cancer de la corruption qui gangrène l’édifice économique national, mettant à mal les efforts d’assainissement des milieux d’affaires camerounais. Il y a quelques jours, le 15 juillet 2015, les responsables de la CONAC et de l’ARMP ou Agence de régulation des marchés publics ont paraphé une convention de collaboration.
Le même jour a été signé un protocole d’accord et de coopération entre la CONAC et la BCAC. Le but est le même que celui des deux précédentes conventions rappelées ci-dessus. Dans l’ensemble, les objectifs sont analogues : développer la coopération entre les institutions concernées pour lutter contre la corruption ; assurer la sensibilisation et la formation des acteurs et le suivi des dénonciations d’actes de corruption ; partager les informations et assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements pris.
Les actions observées sur le terrain montrent que les changements de comportements ne sont pas évidents. Les données recueillies et rassemblées, il y a une dizaine d’années lors d’une enquête diligentée par les TIC ou Transparency international Cameroon, n’ont pas fondamentalement évolué positivement. La corruption est perçue aujourd’hui comme en ce temps-là comme un grand obstacle au développement des entreprises, à la transparence et à la saine concurrence dans les affaires.
En 2006, une moyenne de 10% du chiffre d’affaires des entreprises privées était destinée aux versements de pots-de-vin et autres manœuvres frauduleuses. Bien qu’informées des textes officiels et procédures de lutte contre la corruption et sachant pouvoir défendre avec succès leurs droits le cas échéant, les entreprises préféreraient se taire, passer de tels cas sous silence pour éviter des problèmes à l’avenir. La situation n’a pas beaucoup changé.
L’apport des entreprises privées peut pourtant s’avérer déterminant dans la description et la dénonciation des actes de corruption, dans la protection des sources d’information comme dans la formation des acteurs.
Elles sont des partenaires incontournables de la coalition pour la lutte contre la corruption souvent intimidés ou inhibés, hélas, par la peur ou l’égoïsme. Pour parvenir à un changement significatif des comportements, les engagements annoncés doivent se traduire au quotidien en actes concrets.