Marc Brys est un Belge, il a été choisi par le gouvernement comme l’entraineur sélectionneur des Lions Indomptables du Cameroun. Il est à peine toléré par la Fécafoot. Il n’a ni voulu ni souhaité se retrouver entre deux feux, où les balles sifflent et le visent aussi bien qu’elles ciblent le MINSEP et le SGPR. Depuis sa prise de fonction, il est soit rejeté, soit vilipendé, soit menacé, soit privé de ses collaborateurs et assistants. S’il a lâché quelques piques savoureuses, c’est qu’il en a reçues trempées dans du cyanure. Il est décidé à démissionner si la situation ne change pas, on le comprend autant qu’on redoute de perdre une si belle promesse.
Malgré un environnement qu’aucun de ses prédécesseurs n’a jamais eu à affronter, il réalise un bilan en quatre matchs plus qu’honorable : deux victoires, deux nuls ; six buts marqués, deux encaissés ; deux cleansheets (matchs sans encaisser de but).
Ni Rigobert Song, ni Antonio Conceicao da Silva, ni Clarence Seedorf… – on peut remonter aussi loin qu’on le souhaite – peu de sélectionneurs ont affiché une telle entame. Le meilleur bilan d’entraineur de ces dernières années, Antonio Conceicao, avait démarré avec deux matchs nuls contre la Tunisie et le Cap Vert avant d’aller gagner le Rwanda 1-0 à Kigali. Aucun n’a eu à faire face à l’ambiance délétère qui prévaut au sein des Lions Indomptables dont le sommet a été atteint à Kampala. Le coté sportif, jusqu’ici relativement épargné, a été touché au point de priver les Lions Indomptables d’une séance d’entraînement, le pire pour une sélection nationale dont les rares moments de retrouvailles sur le terrain sont mis à profit pour construire les automatismes et la cohésion.
De ce point de vue, le match nul de Kampala contre le Zimbabwe n’est pas en réalité une contreperformance mais la preuve de la résilience du groupe leadé par Aboubacar Vincent.
Ce qui est inquiétant, c’est l’apparition des premiers signes de l’impact de la crise sur le moral des joueurs. Comme l’entraîneur, ils sont devenus malgré eux des belligérants d’un bras de fer qu’ils n’ont pas souhaité. On les a vus moins alertes que d’habitude, marchant quelquefois, en tout cas moins incisifs, avec une domination stérile. Ce qui est encore plus détestable et tragique, c’est les externalités négatives émises par les communicants de la FECAFOOT qui dissimulent à peine leur excitation, leur extase de ce coup de frein des Lions Indomptables. Cela ne peut pas être de bonne guerre quand la gloire du pays, son image et sa notoriété sont confondues avec la gloriole des individus quels qu’ils soient.
Cette manière d’agir est le révélateur d’un fractionnement social, en tout cas il apparaît que nous n’avons pas tous à cœur la défense de notre pays et sa grandeur ; il existe parmi nous des gens qui n’ont « jamais autant souhaité que le Cameroun perde ». Qui sommes-nous devenus pour que même les Lions Indomptables ne nous rassemblent plus ? Où allons-nous avec une telle outrance, un tel outrage à ce que nous avons de plus cher, d’unique et de plus précieux ? On ne peut aimer son pays et vouloir son échec pour une cause sans objectif légitime. On ne peut aimer son pays et suggérer à l’adversaire qu’un Lion indomptable ne figurant pas sur la feuille de match a été aligné.
Ceux qui incarnent l’Etat n’échappent pas à cette atmosphère de fin d’époque, d’où l’absence d’une ligne claire et l’existence d’ordres et de contrordres, chacun se réclamant des instructions reçues du chef de l’Etat. La récente sortie du Premier ministre au sujet du choix de Garoua n’a rien arrangé. Ce maelström dessert un pouvoir connu pour être farouche quand vient à être bafouée l’image du Cameroun. Son apathie et son indécision actuelles sont la preuve d’un dysfonctionnement du mécanisme de prise des décisions. Ce qui se passe ne ressemble pas au président de la République Paul Biya, qui n’a ni hésité ni reculé face à aucune crise qu’il a rencontrée dans sa longue et riche carrière. L’absence de décision est pire qu’une mauvaise décision.
Nous avons entendu, le 10 février 2024, l’annonce des instructions claires données au ministre en chargé des Sports. Si ce qui se vit n’est pas conforme à ces instructions, il faut sanctionner Ferdinand Ngoh Ngoh et Narcisse Mouelle Kombi ; si ce que fait la FECAFOOT est une défiance aux instructions, il faut en tirer toutes les conséquences. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas continuer ainsi.
En octobre prochain, les mêmes protagonistes seront sur la scène. La FECAFOOT ne reculera sous aucun prétexte sur sa volonté de reprendre le contrôle sur l’équipe. Marc Brys et ses poulains ont tenu bon jusqu’ici mais ce n’est pas à eux de trancher. C’est à ceux qui nous dirigent.