Environnement de la presse camerounaise : Enfer ou purgatoire ?

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Thu, 4 May 2023 Source: Charlie Tchikanda

Le Cameroun se joint au reste du monde pour célébrer ce 3 mai 2023, la 30ème édition de la journée mondiale de la Liberté de la presse instituée par les Nations Unis, affirmant ainsi « le rôle et la place d'une presse indépendante et pluraliste pour le maintien de la vie démocratique d'un pays ».

Le thème de cette 30ème édition est : «La liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’homme ». La liberté d’expression inscrite dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme Article 19) reconnait à chaque personne le droit d’exprimer ses opinions, dans le respect des autres, même quand ça déplaît.

Cette 30è édition se célèbre dans un contexte où, partout dans le monde, la liberté des médias, la sécurité des journalistes et la liberté d’expression sont de plus en plus menacées. En effet, selon Reporter Sans Frontière (RSF) en 2022 dans le monde, 533 journalistes ont été détenus ; 57 tués, 65journalistes pris en otages et 49 portés disparus.

Doté d’un paysage médiatique parmi les plus riches du continent, le Cameroun n’en est pas moins l’un des pays les plus dangereux d’Afrique pour les journalistes. L’assassinat crapuleux du journaliste Martinez Zogo en janvier 2023, le prêtre Orthodoxe Jean-Jacques Ola Bebe, présentateur radio à Yaoundé retrouvé mort le 2 février 2023 près de son domicile, sont des faits qui attestent de l’environnement particulièrement hostile dans lequel exercent les hommes de média.

Malgré le nombre important de médias (plus de 600 journaux, environ 200 radios et plus de 60 chaînes de télévision), la production d’une information indépendante et critique reste un parcours de combattant au Cameroun. En effet, il devient de plus en plus risqué d’adopter une ligne éditoriale critique et indépendante sans faire face à des menaces et/ou à des pressions multiformes lorsque les intérêts du pouvoir, de ses représentants ou de quelques lobbies que ce soit sont en jeu. Le fait que le Président de la République nomme, par décret, tous les responsables des médias d’Etat et tous les membres du Conseil national de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias crée un climat qui alimente l’autocensure et entraîne l’alignement de la plupart des médias sur les positions des autorités ou de certaines personnalités qui leur sont proches.

S’agissant du cadre légal, certaines dispositions de la a loi N°90/052 du 19 décembre 1990 sur la communication sociale sont souvent contournées pour laisser libre cours à la répression. De même que la pénalisation des délits de presse plane sur la tête des hommes de média comme une épée de Damoclès. Du coup l’accès à l’information et la protection des sources, ne sont plus garantis dans les faits. Avec l’adoption de la loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme, les conditions qui favorisaient l’exercice des libertés et la jouissance des droits de l’homme se sont davantage durcies.

Le danger est donc permanent pour les journalistes camerounais, notamment pour ceux qui adoptant une ligne critique ou indépendante. Les journalistes sont régulièrement exposés aux attaques verbales et physiques, aux arrestations et détentions arbitraires, aux procédures-bâillons, aux enlèvements et aux risques d’assassinat. En mars 2022, le journaliste Paul Chouta avait été enlevé puis agressé par des individus non identifiés. Nombre de journalistes connus font l’objet d’une surveillance à peine discrète.

L’impunité dont jouissent les auteurs d’actes de violence envers les journalistes est à la fois préoccupante et inquiétante.

Quant aux journalistes qui exercent dans les régions en crise notamment au Nord-ouest et au Sud-ouest, ils sont régulièrement accusés d’être complices du mouvement sécessionniste qui s’oppose depuis plusieurs années au pouvoir central de Yaoundé.

Dans un tel contexte fait d’insécurité, de menaces permanentes et de conditions socio-économiques difficiles qui confinent les hommes de médias à la précarité, exercer le métier de journaliste au Cameroun relève de l’exploit.

La Ligue des Doits et Libertés (LDL) exhorte le gouvernement camerounais à créer un environnement propice, qui garantit aux journalistes la liberté « d'enquêter librement et d'informer les citoyens sur les sujets de leur choix ».

Charlie Tchikanda

Chevalier de l’Ordre de la Valeur

Auteur: Charlie Tchikanda