L’option de confier l’essentiel de la sécurisation de notre identité au une entreprise étrangère est sujette à de nombreuses critiques.
D’autant plus que cela ne nous permet pas d’avoir la main mise sur nos données.
L’actualité de ses cinq derniers jours, se fait l’écho d’un réseau de fabrication des Cartes nationales d'identité (Cni) et cartes de séjour camerounaises démantelé au Nigeria par les services spéciaux.
L’information qui a été relayée par de The Alpha, un hebdomadaire nigérian puis par Intégration, hebdomadaire camerounais, indique c’est en conduisant des enquêtes dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse Boko Haram, que les services spéciaux nigérians sont tombés sur « un pôle informatique » dans la localité de Kari située au Nord-Est du pays de Muhammadu Buhari, où est établi une structure clandestine de fabrication de faux documents d’identité.
« Marc Mbollo, le «chef» de cette unité, et deux de ses collaborateurs ont été interpelés le 06 juillet 2015 après une filature de cinq semaines », précisent les journaux.
Chose
Curieuse, les trois faussaires, actuellement en exploitation dans la capitale nigériane, tous des ex?employés de Thalès Security System. La société française a exercé au Cameroun depuis près de 20 ans, dans le cadre d’un contrat portant la sécurisation de la nationalité camerounaise.
Et chaque année, celle-ci bénéficiait d’un renouvèlement de son contrat sur la base de ses performances, jusqu’en décembre 2014. Date à laquelle, le contrat a été officiellement rompu avec l’État camerounais. Sans doute à cause des scandales qui ont émaillé ledit séjour.
Incongruités
A peine les imperfections de l’entreprise Thalès étaient dévoilées au grand jour, que le 31 juillet dernier, l’Etat du Cameroun et l’entreprise française Gemalto, ont paraphé un contrat pour la sécurisation de l’identité au Cameroun, en dépit de l’expertise camerounaise. Selon le contrat, Gemalto doit produire entre autres documents, la Cni, les cartes professionnelles, de séjour sécurisés et infalsifiables aux usagers.
Une initiative qui pourrait traduire la volonté du gouvernement à davantage sécuriser l’identité camerounaise. Pourtant de nombreux experts en la matière, n’en sont pas si sûrs. En effet, l’entreprise de réputation mondiale, n’est pas uniquement connue pour ses performances en sécurité numérique. Ses trois dernières années, elle a fait l’objet de scandale d’envergure internationale.
D’après The Intercepht, le site de Glenn Greenwald, les cartes à puces produites par la société ont été hackées par la NSA des Etats-Unis et le QCHQ de Grande-Bretagne, toutes deux des agences de renseignement. Au Gabon, la société civile s‘était offusquée de ce que l’entreprise n’avait pas respectée les termes du contrat.
« Sélectionné par le gouvernement gabonais pour élaborer un fichier électoral biométrique, Gemalto est accusée par la société civile gabonaise d’avoir détourné une partie des 50 milliards de F CFA destinés au recensement biométrique », rapportait la British Broadcasting Corporation en juillet 2014.
Danger permanent
« Un pays qui veut être fier et veut se développer ne doit pas prendre un tel risque », arguent les experts. En laissant la responsabilité à des étrangers de gérer notre nationalité, le pays n’est pas à l’abri des manipulations. « A la vérité, cette entreprise peut décider de qui entre au Cameroun, de qui est en règle ou qui ne l’est pas.
Et cela peut avoir des répercussions sur la paix intérieure du pays. Et pour peu qu’elle soit de mauvaise foi, le Cameroun peut basculer dans l’anarchie », explique Eric Kennedy Foyet, expert en sécurité numérique. Plus de 50 ans après l’indépendance, comment comprendre que le Cameroun n’est pas suffisamment confiance à ses enfants afin de mettre en place un système informatique en embarqué comme la biométrie.
Pourtant, paradoxalement, c’est une entreprise camerounaise qui assure la production des nouveaux permis de conduire informatisés et sécurisés. Et qu’à l’université de Yaoundé II, les étudiants ont des cartes d’étudiant à puce (made in Cameroon) comme s’apprête à réaliser l’entreprise Gemalto pour la Cni au risque de n’avoir pas la mainmise sur nos données.
« Au lieu de donner d’énorme somme d’argent à une entreprise étrangère, nous aurions pu saisi l’occasion pour se doter des serveurs qui vont non seulement nous aider à stocker notre identité, mais également stocker d’autres données bancaires par exemple en Afrique. Cela permettrait aussi à la police d’avoir la main sur tout son système de sécurité », souligne l’expert.