A la lecture du texte ci-dessous, il suffit de substituer Ahidjo par Biya, le Nord par le Sud pour appréhender la manière de régner de Pau Biya.
« […] L’habileté exceptionnelle du chef de l’Etat du Cameroun à tenir et à cultiver le secret témoigne mieux que tout de sa force de caractère. Le secret engendre la rumeur, et Ahidjo laisse courir bruits et calomnies, à commencer par toutes les intentions et motivations, souvent diffamatoires, qu’on lui prête, à l’exception des fausses nouvelles qu’il estime dangereuses pour la nation, à un titre ou à un autre.
Est-il insensible aux attaques, voire masochiste? Pas le moins du monde, mais son orgueil lui interdit de répliquer ou de démentir, pis encore, de produire des preuves, ce qui serait à ses yeux s’avilir.
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Recueillir des informations, on l’a vu, est chez lui une préoccupation permanente, un objectif de toutes ses audiences. Il écoute chaque jour Radio France internationale, la BBC et la Voix de l’Amérique. Il consacre du temps à la lecture des principaux quotidiens et hebdomadaires français.
Il lit les rapports de police dès qu’ils lui parviennent. Il reçoit discrètement des indicateurs, de préférence lors d’un séjour privé dans le Nord, à Kribi ou sur la Côte d’Azur plutôt qu’au palais de Yaoundé. Il les écoute tout aussi attentivement que les informateurs respectables, personnalités camerounaises ou étrangères qui ont intérêt à le renseigner ou qui sont enclines au bavardage.
Et il se laisse rarement intoxiquer : il est sur ses gardes, il recoupe, il demande les sources avec insistance et, s’il ne les obtient pas, il ne prend pas en compte. Toutefois, cette inquisition méticuleuse a un inconvénient : citant lui-même volontiers ses sources pour faire réagir un interlocuteur, il les tarit parfois.
Car le simple « Untel m’a dit », rapporté à l’auteur du propos, incite celui-ci à tenir sa langue. Et car les proches du Président, sa femme elle-même, en viennent à lui taire des informations utiles mais improuvables, sachant qu’ils seraient accusés de colporter des ragots. »
Source : Philippe Gaillard, Ahmadou Ahidjo, Patriote et despote, bâtisseur de l’Etat camerounais, Paris, JALIVRES, 1994, p. 184.